Et si nous transformions l’histoire un tout petit peu?… Plusieurs Petits Chaperons rouges nous amènent dans une forêt imaginaire pour nous raconter leur version du conte, fabriquée de mots, de silences, de gestes, de musique et d’ombres de loups qui dansent!
Fondée en 1996 par Denys Lefebvre et Diane Loiselle, Tenon Mortaise privilégie une approche théâtrale multidisciplinaire : du mime à la danse, de la marionnette au théâtre d’ombres, de l’art pictural à la vidéo. À la croisée des genres, la compagnie développe sa propre écriture scénique, empreinte de poésie, où l’image et le geste sont aussi signifiants que la parole.
Section vidéo
Scénographie : Sylvain Richard, Véronique Poirier, Diane Loiselle et Denys Lefebvre
Musique : Guido Del Fabbro
Éclairage : Mathieu Marcil
Interprétation : Diane Loiselle et Denys Lefebvre
Régie : Camille Robillard ou Rébecca Brouillard
Techniques : fils, gaine, gueule, main prenante, habitée, marotte et ombres
Durée : 45 minutes
Production Tenon Mortaise (Montréal)
par David Lefebvre
Qui oserait avouer ne pas connaître Le petit chaperon rouge, ce conte dit d’avertissement, issu de la tradition orale, où une petite fille croise le grand méchant loup, l’un des tout premiers vilains qui marquent l’imaginaire des enfants comme des grands, alors qu'elle doit traverser la forêt pour se rendre chez sa grand-mère ? Elle se fait immanquablement dévorer par le loup, arrivé avant elle chez mère-grand, Et si, pour une fois, on réécrivait un peu l’histoire, question de sauver la peau de la fillette et de son petit pot de beurre?
Revisiter le conte de Perrault (ou des frères Grimm, selon notre nationalité) n’est pas chose nouvelle. Une multitude de versions tout aussi édulcorées que violentes ont émergé depuis le 17e siècle, permettant d’explorer autant le côté sexuel qu’anthropophage de la fable. Les petits chaperons rouges de Denys Lefebvre (mise en scène) et Diane Loiselle (texte), aborde cette histoire avec beaucoup de gentillesse, en abordant le thème de la transmission. L’histoire nous est racontée par le Chaperon, qui la tient de sa grand-mère qui, elle, l’avait entendue de la bouche de sa grand-mère. Dans cette version, pour s’assurer que la petite s’en sorte saine et sauve, on la dédoublera. L’une se cachera, alors qu’une autre racontera des bobards au loup qui prendra le mauvais chemin et foncera tête première dans la gueule… du loup.
Tenon Mortaise exploite avec brio le théâtre d’ombres, permettant sans grand déploiement scénographique de s’enfoncer dans la forêt ou de parcourir de grandes étendues, et ce, en un rien de temps. L’écran, en forme de demi-lune couchée, affiche une illustration très connue de Jessie Wilcox Smith, avant de s’ouvrir comme un livre et laisser courir la fillette vers la maison de sa grand-mère. La source de lumière, manipulée par Denys Lefebvre, n’est pas fixe ; on peut ainsi rapetisser le faisceau pour faire apparaître une pleine lune, puis éclairer une maquette de près ou de loin pour créer du mouvement ou des silhouettes à caractère tridimensionnel. Au cours du récit revu par la compagnie montréalaise, le chaperon rouge se décline en plusieurs versions et formats, de l’ombre à la marionnette, de la plus petite – à peine quelques centimètres – à la plus grande. La comédienne et marionnettiste Diane Loiselle, seule à l’avant-scène, fait preuve d’une technique impeccable, manipulant merveilleusement bien les marionnettes à fils comme à gueule, toutes très belles. Son costume est aussi mis à contribution, d’où sortent les marionnettes à l’effigie du chaperon comme de la mère-grand, bien cachée au fond de la besace.
Le rythme un peu lent et la narration au ton posé, presque trop conventionnel, sont peut-être les points un peu plus faibles du spectacle, alors qu’il présente tant de possibilités de décrocher du modèle du conte traditionnel. Le loup tarde à pointer son museau, et les petits s’impatientent de le voir ; on peut les comprendre, avec un vilain aussi célèbre! Mais là n’est pas l’objectif de ce Petits chaperons rouges, qui visiblement désire d’abord et avant tout raconter une histoire aux plus petits, tout en explorant les possibilités de la marionnette sous différentes formes, du théâtre gestuel et d’ombres.