Ce spectacle d’une poésie et d’une maîtrise technique exceptionnelles repose sur quatre textes surréalistes du grand peintre, sculpteur et écrivain suisse Alberto Giacometti. Hôtel de Rive joue avec le temps et rend compte de différentes périodes de la vie de Giacommetti, transformant son travail complexe en un espace intemporel où se mêlent les arts de l’image et du spectacle liés à la littérature. Les scènes envoutantes sont aussi énigmatiques, mystérieuses et fascinantes que l’âme de l’artiste. Deux musiciens éclairent ces paysages intérieurs à leur façon : avec des cors des Alpes qui chuchotent, des coquillages qui murmurent et des clochettes qui tintinnabulent.
Hôtel de Rive marque une nouvelle phase de recherche du Figuren Theatre Tübingen, ici en collaboration avec la compagnie française Bagages de Sable et le théâtre suisse du Stadelhofen combinant, mots, sons, matières et mouvements.
Section vidéo
une vidéo disponible
Musiciens : Jean-Jacques Pedretti et Robert Morgenthaler
Collaboration artistique : Enno Podehl, Karin Ould Chih et Claude-Alice Peyrottes
Scénographie et costumes : Sabine Ebner
Sons et lumières : Robert Meyer et Christian Glötzner
Régie : Christian Glötzner
Techniques : marionnettes à fils
À voir : concert WIndbone par les deux musiciens de Hôtel de Rive – Giacometti / Temps horizontal, 8 mars 20h
Durée : 60 minutes
Production Figuren Theater Tübigen / Compagnie Bagages de Sable / Theater Stadelhofen (Allemagne / France / Suisse)
Théâtre Outremont
1248, avenue Bernard Ouest
A:30$ R:26$
Billetterie : 514 495-9944 ou en ligne ici
A: adultes | E: enfants | R: réduction
(étudiants, aînés, membres de l’AQM et de la ligne bleue ou acheteurs de trois billets de spectacles différents.)
Taxes et redevance incluses.
par David Lefebvre
Les Trois Jours de Casteliers n'en est certes pas à sa première présentation audacieuse en ouverture de festival ; néanmoins, il en fallait quelque peu pour proposer la plus récente coproduction du Figuren Theater Tübigen (Allemagne), de la Compagnie Bagages de Sable (France) et du Theater Stadelhofen (Suisse), intitulée Hôtel de Rive. Pièce expérimentale réunissant discours littéraire, art visuel et performance marionnettique, l’inégale mais somme toute intéressante Hôtel de Rive tente d’explorer une parcelle de l'univers de l'immense artiste suisse Alberto Giacometti.
D'abord, le titre : L'Hôtel de Rive est le nom d'un véritable établissement hôtelier situé à Genève, où Giacometti aurait séjourné lors d'un moment névralgique de sa vie. Puis, la matière : « Hier, sables mouvants », « Un aveugle avance la main dans la nuit… », « Le rêve, le sphinx et la mort de T. » et « Paris sans fin », quatre textes surréalistes, poétiques et philosophiques de l'artiste, discourant sur des thèmes universels et intimes de sa jeunesse, de la vie, la vieillesse, la mort et le temps. La scène s’avère relativement nue, meublée simplement de tables à la surface ardoisée. Derrière, sur un grand écran, l’équipe diffuse quelques captations en direct ; à l'aide d'une craie, une main écrit un titre puis répand du sable. Un visage apparaît en surimpression, à la peau craquelée, séchée. C’est l’homme de sable, l’homme qui coule dans le temps et l’espace. Patrick Michaëlis, au jeu plus souvent cérébral que viscéral, incarne la parole de Giacometti avec une voix posée, intérieure, qui nous berce et ensorcelle nos pensées. Les sculptures archi connues de l’artiste suisse - des hommes anonymes et longilignes - se retrouvent au cœur du spectacle, grâce aux marionnettes à fils du génialissime Frank Soehnle. Il manipule les petites créatures monstrueuses – dont certaines auraient fait plaisir à Franquin – avec une savante dextérité, mais la malheureuse impression que Soehnle ne démontre pas toute l’étendue de son talent ou qu’il ne va pas au bout de son exploration nous hante, et ce, tout au long de la représentation. Alors que quelques moments sont d’un ludisme et d’une finesse exemplaire, où la marionnette squelettique vient, par exemple, caresser le visage du comédien et jouer autour de lui, comme un fantôme ou une idée du temps et de la mort qui se serait matérialisée, d’autres frôlent l’exercice de style. Cela dit, il est magnifique de voir ce grand marionnettiste à l’oeuvre, mais ces tableaux, heureusement peu nombreux, n’apportent guère de substance à la ligne dramatique du spectacle. La vidéo, proposant plusieurs plans rapprochés bienvenus, pourrait être davantage mise à contribution lors de certaines manipulations ; les marionnettes, à l’image des sculptures, ont un corps mince, et peuvent être difficiles à contempler de loin.
Les brillants musiciens Jean-Jacques Pedretti et Robert Morgenthaler occupent l’espace sonore de leur souffle sombre et pesant, ou encore jazzy et festif, grâce aux trombones, aux immenses corps des Alpes et autres instruments de percussion.
Éthéré, complexe et aux teintes d’humour tout aussi noir que bon enfant, Hôtel de Rive n’est peut-être pas le meilleur spectacle pour qui voudrait s’initier à la marionnette, mais propose une intéressante incursion dans le travail de Giacometti, dans sa créativité et ses réflexions. La pièce, qui expérimente à partir d’une matière on ne peut plus féconde, conserve avec intelligence une certaine distance artistique et personnelle qui lui permet d’éviter d'être un simple spectacle biographique.