Inspiré de la vie de Pierre Seel, emprisonné dans un camp de concentration par les Nazis vu son homosexualité, Schweinehund est une méditation sur la tragédie qu’a vécue Seel au cours de cette période sombre.
Cette courte forme a été créée dans le cadre du Xperimental Puppetry Programme du Center for Puppetry Arts à Atlanta en 2011. Schweinehund sera développé et bientôt présenté en version longue en 2014.
Section vidéo
Musique et vidéo d’animation : Andy Gaukel
Technique : marionnettes sur table et projections
Durée 12 minutes
Andy Gaukel (États-Unis)
par David Lefebvre
La marionnette, depuis l’avènement de la psychanalyse, n’est plus considérée comme la simple représentation de l’autre, mais comme la projection de soi. De son aspect traditionnellement ludique, elle emprunte alors des chemins parfois très noirs et témoignent d’événements peu reluisants, difficile parcours, mais ô combien nécessaire à la compréhension du monde. Schweinehund en est un excellent exemple : la courte forme d’Andy Gaukel, assisté de Myriame Larose (Théâtre de l'Oeil, Les Ironistes), s’inspire d’une petite partie de l’incroyable et tragique histoire de Pierre Seel, première personnalité française à avoir parlé ouvertement de son incarcération et de sa déportation durant la Seconde guerre mondiale pour son homosexualité.
La courte forme d’une dizaine de minutes, au titre évocateur – schweinehund est en fait une obscénité, une insulte en langue allemande, et pourrait être littéralement traduite par « chien de porc » –, se concentre d’abord sur le tout jeune homme qu’aurait pu être Seel. Placée derrière un rideau translucide sur lequel on projette des images animées, la marionnette se promène dans un parc, regarde les oiseaux s’envoler et rencontre l’amour. Puis vient l’incarcération. On épingle à sa chemise l'infâme triangle rose. L’homme se fait torturer, barbouiller, déguiser ; la main d’un des manipulateurs se dresse et pointe la tête de l’homme comme le ferait un revolver. On le menace, il doit obéir. La main incarne ainsi un soldat nazi, avec une violence inouïe, s’impatientant et frappant avec force sur la table. On assiste à la persécution gratuite et brutale d’un homme innocent ; on est témoin, impuissant, de l’indicible, de l’innommable. Les deux manipulateurs, tout de noir vêtus, se fondent dans l’ombre en arrière-scène pour laisser toute la place à la solitude et la détresse de la marionnette.
Évidemment, en assistant à Schweinehund, on ne peut s’empêcher de penser aux récents actes de violence envers les homosexuels perpétrés en Russie et en Afrique, et le propos de la pièce, même si l’action se déroule il y a plus de 70 ans, est d’une brûlante actualité.
Court, mais saisissant. On annonce pour cette année la version longue du spectacle, ce sera assurément à surveiller.