C’est l’histoire d’une femme encombrée de son double intérieur, saisie entre le désir de détruire les structures qui verrouillent son quotidien et la culpabilité de ne pas être ce que les autres attendent d’elle. Une femme prête à sortir des limites. Elle se confie, tout en pétrissant une pâte à pain en perpétuelle évolution : tête au bout d’un doigt, forme larvesque, silhouette autonome…
Babette Masson est l’une des cofondatrices du collectif Label Brut, aux côtés de Laurent Fraunié et de Harry Holtzamn. Elle dirige aussi Le Carré, Scène nationale et Centre d’art contemporain du Pays de Château-Gontier.
Section vidéo
Scénographie : Grégoire Faucheux
Musique : Ivan Gruselle
Éclairage : Sébastien Lefebvre
Costume : Alexandra Wassef
Régie générale : Florian Ruault
Technique : théâtre de matière et de manipulation
Photos : Pierre Grosbois
Durée : 50 minutes
Production Label Brut (France)
Théâtre Aux Écuries
7285 Rue Chabot
A:27$ R:24$
Billetterie : 514 495-9944 ou en ligne ici
A: adultes | E: enfants | R: réduction*
(*étudiants, aînés, membres de l’AQM et de la ligne bleue ou acheteurs de trois billets de spectacles différents.)
Taxes et redevance incluses.
par David Lefebvre
Une grande pièce blanche. Une table plus tout à fait droite, s’écrasant au centre après des années de cuisine sur son dos. Une femme entre, inspecte la boule de pâte sur la table et se parle à elle-même. Elle fustige sa «folle», son double qui transgresse tout, qui lui parle, lui fait faire certaines choses. Elle veut s’en débarrasser, reconquérir son mari, passer du temps avec ses enfants. Durant ce temps, elle pétrit la pâte qui prend certaines formes, dont celle d’une petite créature juvénile, qu'elle poignarde, puis sa réplique, lui dessinant au couteau un sexe, la fardant de farine. La conversation-confession fait éclater une mère Jeckyll et une femme Hyde.
Fidèle à ses habitudes de création, Label Brut propose un spectacle de manipulation d’objets insolite, utilisant ici la pâte à pain comme matière pour transposer les images subconscientes de la manipulatrice. La pâte résiste, se replie, comme les pensées de la femme qui réfléchit tout haut. Le texte de Marion Aubert aborde avec beaucoup d’humour les névroses, les frustrations et les insatisfactions typiquement féminines. Malgré le fait que le texte soit assez bavard, l’équilibre entre la parole et le geste est tout de même harmonieux.
Babette Masson semble bien s’amuser dans ce rôle de mère presque indigne, qui réussit tout de même à jeter un doute sur l’existence physique de ce double, ce «diable gardien», aussi machiavélique qu’attentionné – même s’il aurait été jouissif que ses réflexions soient encore plus tordues, plus transgressives. Sous ses mains, la pâte prend vie et s’anime, se referme et redevient boule parfaite, quitte à en arracher certains bouts, comme on voudrait le faire avec sa vie.
Cet Enfer n’est finalement pas sulfureux ou insupportable, bien au contraire. Plutôt amusante, cette création propose un moment ludique dans l’univers un peu fêlé d’une femme d’aujourd’hui.