Voici la véritable histoire de la plus célèbre Patate que le monde ait connu et de son fidèle ami, Pogo le chien saucisse. Découvrez les hauts et les bas de ce rêveur devenu une véritable légende. Conte moderne aux accents de comédie musicale et de dessin animé, imprégné d’humour et de douce folie, Monsieur Qui ? allie avec brio musique en direct, projection vidéo, théâtre d’objets, masque et marionnettes.
Célébrant ses 10 ans en 2015, Belzébrute se définit comme un « band de théâtre » qui explore avec une énergie lumineuse et une désinvolture contagieuse le théâtre d’objets, la marionnette et la poésie de l’image. Truffés de références, d’imagination, d’audace et d’ingéniosité, les spectacles du « band » puisent au cœur de la culture populaire et ne connaissent aucune frontière. Belzébrute a le bonheur de présenter son travail tant au Canada qu’en Europe.
Section vidéo
Scénographie Stéphane Heine et Belzébrute
Marionnettes Francis Farley-Lemieux
Musique Amélie Poirier-Aubry
Éclairages Clémence Doray
Castelet Mathieu Poirier-Galarneau
Vidéo Jocelyn Sioui
Accessoires Jessica Blanchet et Belzébrute
Photo Georges Dutil
Techniques : mixtes
Durée : 50 minutes
Coproduction Ubus Théâtre et Théâtre La Comète de Châlons-en-Champagne
École Paul-Gérin-Lajoie-d'Outremont
475, avenue Bloomfield
A:22$ E:16$ R:20$
Billetterie : 514 495-9944 ou en ligne ici
A: adultes | E: enfants | R: réduction*
(*étudiants, aînés, membres de l’AQM et de la ligne bleue ou acheteurs de trois billets de spectacles différents.)
Taxes et redevance incluses.
Grâce à l'accueil toujours exceptionnel de l'équipe du Casteliers et de sa codirectrice générale et directrice artistique Louise Lapointe, notre rédac' chef David Lefebvre a pu assister à sept spectacles lors de la plus récente édition du Festival de Casteliers. Voici son compte-rendu et ses critiques, en trois parties.
Louis Riel : A Comic-Strip Stage Play (The Rustwerk Refinery / Zach Fraser)
Toujours samedi. Je me dirige vers le sud, plus précisément à La Chapelle, pour assister à la représentation d'après-midi de Louis Riel, une adaptation théâtrale de la bande dessinée de Chester Brown (publié en anglais chez Drawn & Quarterly et en français chez La Pastèque). Le bouquin parcourt sur 280 pages l'histoire épique du héros métis des Prairies, plutôt méconnu ici. Si la pièce, par contrainte de temps et complexité du sujet, tourne quelques coins ronds, elle propose, sans temps mort, un résumé enlevant de l'histoire de Riel, de la défense des droits des colons dans l'ouest du pays et de la mainmise des Anglais sur la politique canadienne au 19e siècle. Spectacle bilingue par la force des choses, les interprètes et manipulateurs Charles Bender, James Loye, Cat Lemieux, Anne Lalancette et Jon Lachlan Stewart, sautant d'une langue à l'autre, joue avec aisance et aplomb. Comme l'adaptation reste authentique à sa source, les personnages et les décors, découpés dans le carton, tous en noir et blanc, manquent évidemment un peu d'éclat, de couleur. Heureusement, le jeu dynamique des comédiens remédie à la situation, et quelques trouvailles - des membres qui bougent, entre autres, à la surprise du public - font éclater de rire. Ludique, éclaté et audacieux, Louis Riel : A Comic-Strip Stage Play amuse et instruit tout à la fois : espérons que les écoles pourront profiter de cette pièce, qui pourrait facilement partir en tournée.
(Pour lire la critique complète de ma collègue Marie-Luce Gervais qui avait couvert la pièce, cliquez ici)
Monsieur Qui? (Belzébrute)
J'avais pu assister, en janvier 2014, aux premières représentations de Mr P., au Gesù, publiant au passage une critique étoffée sur le spectacle (voir plus bas). Cumulant qu'une quinzaine de représentations depuis sa création, la pièce est pourtant d'une efficacité exemplaire. Elle raconte avec beaucoup, beaucoup d'humour la montée d'un chanteur de cabaret (qui a la bouille de Monsieur Patate, possible métaphore de la vedette aux allures interchangeables) vers les plus hauts sommets de la gloire hollywoodienne, puis de sa chute vertigineuse. Heureusement, Pogo, son plus fidèle compagnon (un chien saucisse qu'il a adopté après l'avoir sauvé d'hommes cruels) deviendra sa bouée de sauvetage.
La pièce nous transporte dans l'univers des années 30 ; la musicienne Amélie Poirier-Aubry, sourire aux lèvres, portant robe crème et perles, circule parmi les spectateurs pour recueillir les 5 cents nécessaires pour faire fonctionner une machine à images, un amalgame de castelet, de nickelodeon et de scopitone. Jouant du piano et des percussions, c'est son jeu d'un instrument maison (un bâton et une corde tendue sur une bassine de métal retourné), au son ressemblant à une contrebasse, qui étonne et fait sourire.
Abordant l'épuisement professionnel, mais aussi la nécessité de savoir dire non, Monsieur Qui? est une véritable épopée dans la culture populaire des dernières années. En chanson, on passe de Gene Kelly à Renée Claude, d'Elvis à Psy, en passant par Félix, Vigneault et Jackson. Sur le petit écran surélevé, placé au-dessus de la musicienne et agissant comme support narratif au spectacle, quelques flashbacks sont projetés, ainsi que certains extraits de Monsieur P. participant aux plus grands succès cinématographiques de notre époque - moments hilarants garantis. L'interprétation d'Éric Desjardins et de Jocelyn Sioui, qui enfilent tour à tour le masque du personnage principal, est bluffante. L'adaptation pour le jeune public semble avoir été relativement simple : on coupe, remplace et actualise quelques blagues, on échange les dépendances à la drogue et à l'alcool pour celle aux boissons gazeuses (le sucre est aussi une drogue), et le tour est joué. Un superbe spectacle, terriblement amusant, qu'on espère revoir bientôt sur les planches montréalaises et québécoises.
The Table (Blind Summit Theatre, Angleterre)
Après la représentation de The Table de la compagnie britannique Blind Summit Theatre, une phrase était sur toutes les lèvres : il faut avoir vu « ça » au moins une fois dans sa vie. Car The Table, aussi simple que soit le synopsis, s'avère une véritable classe de maître, un cours 101, 102 et 103 sur la manipulation de la marionnette, d'une folie tout anglaise provoquant immanquablement l'hilarité, et ce, grâce aux nombreuses répétitions qui appuient les gags, la vivacité d'esprit et les moments de silence et d'immobilité qui jouent avec le rythme du spectacle.
Moïse, une marionnette de type bunraku (manipulée par trois personnes), au corps mou et à la tête sculptée dans du carton, est tout à fait consciente de son état. Alors qu'elle désire raconter la genèse du spectacle The Table, soit la mise en scène des 12 dernières heures, en temps réel, du prophète Moïse sur le mont Nébo, comme relaté dans le Deutéronome par Moïse lui-même (!), le tout dérape : la marionnette, parfois sarcastique, parfois ironique, philosophe sur sa condition, sur son univers - la table - qu'elle nous fait visiter d'un coin à l'autre, le mesurant d'un pas décidé. Elle tente de charmer une spectatrice de ses mouvements lascifs, elle perd des morceaux, se moque subtilement de ses manipulateurs et des surtitres qui ne suivent pas... Bref, c'est le bordel. Mais quel extraordinaire bordel ! Les trois marionnettistes, Mark Down, Nick Barnes et Sean Garratt, font preuve d'une maîtrise exceptionnelle et absolue de leur art, qui frôle le génie. Alors que la marionnette explique, par la théorie et la pratique, les trois éléments primordiaux de la manipulation - le regard, ou focus, la respiration et le point fixe - Down, Barnes et Garratt en ont plein les mains. Moïse court, danse, tombe et leur échappe presque ; Moïse n'est plus une marionnette, mais une quatrième entité sur scène, indépendante. Saisissante, ahurissante, The Table, dans toute sa simplicité, est une pièce aux proportions beckettiennes épiques et extraordinaires. Casteliers a frappé un grand coup en invitant la compagnie à présenter la toute dernière mondiale, à Montréal, de The Table, permettant ainsi aux festivaliers de profiter de chaque seconde de ce spectacle totalement déjanté - et aux marionnettistes de s'éclater lors de brillants et désopilants moments totalement improvisés.
À suivre, dernière partie - retour sur le Café causerie, La causeuse, Caws and Effect
critique publiée lors de la création en 2014, par David Lefebvre
Le band de théâtre Belzébrute présente, pour deux jours seulement au Gesù, son tout nouveau spectacle créé lors de la plus récente édition du Fringe, en juin dernier. C’est une idée folle, soit celle d’imaginer Monsieur Patate chanter Mexico, qui est à l’origine d’une première courte forme qui donnera ensuite naissance à ce spectacle, des années plus tard. Un rêve, donc, que Jocelyn Sioui et sa bande réalisent enfin avec cette nouvelle création. Pièce ludique et bédéesque à six mains, inspirée du cinéma muet, Mr. P raconte la montée fulgurante d’une patate chantante vers les honneurs et la gloire. Mais la pression est trop forte, et Mr. P craque ; on assiste alors à sa déchéance, à sa dépendance à l’alcool et aux drogues, aux scandales, puis à sa reprise en main, grâce à son fidèle compagnon canin Pogo, trouvant enfin la force de dire non à son manager. L’American Dream et le star-system, revus et corrigés par le tubercule le plus connu de la planète, à la sauce Belzébrute. Un véritable délice.
Le public est accueilli à l’entrée par Amélie Poirier-Aubry, la musicienne attitrée de la compagnie, vêtue d’une jolie robe de soirée très « années 30 ». Elle circule ensuite parmi les spectateurs, leur demandant de façon tout à fait charmante un cinq cents, pour activer la machine à images (immense et superbe castelet créé par Mathieu Poirier-Galarneau et scénographie par Stéphane Heine), rappelant vaguement les scopitones. Le tintement de l’argent qui s’engouffre dans la machine retentit, les ampoules s’allument, place à la magie de la marionnette !
Brillamment conçu par Francis Farley-Lemieux, Mr. P se matérialise sous la forme d’un gros œuf en plastique, un casque-masque peint que les manipulateurs Éric Desjardins et Jocelyn Sioui enfilent tour à tour durant la soirée ; dans un synchronisme étonnant, ils arrivent à créer un personnage en parfaite synergie. Les accessoires sont divers et nombreux : yeux fatigués, hallucinés, heureux, il existe, dirait-on, une paire pour chaque sentiment qui provoque des effets plus rigolos les uns que les autres. Aimantés, les yeux, tout comme les oreilles d'ailleurs, s'échangent ainsi rapidement et avec une certaine précision sur le corps et le visage du personnage. Du petit bar d’où il s’exécute, le soir, assis derrière son piano droit, à son boulot de jour comme concierge, Mr. P voit son talent enfin reconnu, grâce à un agent qui le découvre et lui offre des contrats. Les tableaux s’enchaînent alors, de New York à Hollywood, en passant par Vegas et... Brossard. Sky’s no longuer the limit, voyant même la lune l’accueillir, dans son superbe costume d’astronaute, rappelant davantage la pomme de terre au four que les habits de Neil Armstrong, avant de se lancer en politique.
Les numéros chantés sont les plus réussis de la soirée, dont celui où Mr. P change constamment de perruques et de chapeaux, reprenant des tubes des années 60 à aujourd’hui, dans un medley hilarant. Les références cinématographiques et musicales sont innombrables, plaquant un sourire sur le visage des spectateurs qui reconnaissent ici et là certains airs ou scènes tirées de classiques du cinéma américain.
Tous ces efforts n’auraient pas du tout les mêmes répercussions sans le fabuleux travail de mademoiselle Poirier-Aubry à la conception musicale et sonore. Toujours en scène, elle interprète la musique en direct ; quand ce ne sont pas des reprises d’artistes connus, ou quelques mélodies savamment empruntés à d’autres compositeurs comme Yann Tiersen, Amélie Poirier-Aubry, s’inspirant du ragtime de l’époque, joue une partition maison qui colle parfaitement à l’ensemble de la proposition. Elle en profite du coup pour nous faire découvrir un nouvel instrument patenté, soit une contrebassine, construite à partir d’une bassine de métal, d’un manche de bois et d’une corde tendue, un instrument qui sonne comme une contrebasse à laquelle on aurait amputé trois cordes. Derrière cet instrument de fortune, rappelant tout autant, et paradoxalement, la femme au foyer des années 50 autant que la femme fatale au collier de perles, la jeune musicienne se tient debout et dégage alors une assurance très sexy et assumée, jouant une mélodie simple, jazzée, presque langoureuse.
Belzébrute adore expérimenter, et Mr. P en est une (autre) preuve indéniable. De la manipulation d’objets à la musique, en passant par la vidéo, les membres du band de théâtre s'éclatent comme des fous. La vidéo, par contre, est ici tout autant un point fort que faible. Les images sont projetées sur un petit écran de fortune, juste au-dessus de la musicienne qui prend place à droite du castelet. Il faut toujours tourner la tête et quitter des yeux l’action de la scène pour voir ce qui se passe à l’écran ; l’installer au-dessus du castelet aurait possiblement été une meilleure idée. Si la plupart du temps la vidéo est utilisée à bon escient, affichant les éléments de lieux ou de temps pour situer le spectateur, à la manière des films muets, elle vient aussi proposer quelques petites séquences filmées. Si quelques-unes sont pertinentes et souvent très humoristiques, lors du passage, entre autres, de Mr. P à Hollywood, où il interprète le premier rôle dans plusieurs films connus, ou encore quelques titres de journaux à sensation, d’autres, comme certains flashbacks à la Toy Story expliquant le lien étroit entre Pogo et Mr P., allongent inutilement le spectacle. La chimie entre les deux amis, très bien rendue sur scène, n’a nul besoin d’explication supplémentaire, même s’il est plutôt rigolo de voir G.I. Joe, Barbie et autre Madame Patate faire ici quelques apparitions éclair.
Jeune compagnie à l’imagination foisonnante et au cœur d’enfant, Belzébrute n’a pas fini de nous en mettre plein la vue et les oreilles. Il ne faudrait en aucun cas bouder son plaisir ou rater la chance de voir ce terriblement comique et sympathique conte moderne qu’est Mr. P.