Terres invisibles questionne le traitement médiatique actuel du drame des migrants. Dans un espace intime, les deux interprètes jouent du rapport d’échelle entre le micro et le macro. Utilisant leurs corps comme des paysages pour figurines miniatures, ils racontent le parcours chaotique d’exil des déracinés : des flots de gens marchant sur la colline d’un dos courbé, une famille perdue dans une montagne de genoux traquée par un hélicoptère de la taille d’une boîte d’allumettes… Le récit d’une tristesse dévastatrice nous emporte.
Livsmedlet est le fruit d’une collaboration entre le marionnettiste et metteur en scène Ishmael Falke et la danseuse et metteure en scène Sandrina Lindgren. La compagnie est née en 2011 à Turku en Finlande, avec pour ambition de créer des pièces de théâtre pertinentes et visuellement innovantes. Leurs pièces bousculent la perception du spectateur au sujet d’enjeux actuels qui nous entourent. Ce duo est acclamé à la fois par la critique et le public à travers le monde.
Texte Sandrina Lindgren et Ishmael Falke
Mise en scène et scénographie Sandrina Lindgren et Ishmael Falke
Interprétation Sandrina Lindgren et Ishmael Falke
Crédits supplémentaires et autres informations
Musique : Niklas Nybom
Éclairage : Jarkko Forsman
Photo Pernilla Lindgren
Dédié à Dima Tulpanov
Techniques : corps, figurines miniatures, objets et projections vidéo
Durée 50 minutes
Billetterie en ligne
Adultes 36 $ Réduction 28 $
PASSEPORT 220$ (billets pour tous les spectacles sauf CABAN– une réduction de 20% du prix régulier).
Nombre limité – passeport en vente jusqu’au 14 février 2020. Cliquez ici
Par téléphone 514 495-9944, poste 1
Achat en ligne Théâtre Outremont
Aucun frais de service
A: Adultes (13 ans +) | E: Enfants (12 ans et moins) | R: Réduction * | G: Groupes (10 + personnes)
* Membres AQM, étudiants, aînés 65 ans et +, acheteurs de trois billets de spectacles différents ou plus
Taxes et frais de billetterie inclus
Les clients qui auront acheté en ligne ou par téléphone des billets au tarif réduction devront présenter une carte d’identité avec photo à l'entrée de la salle de spectacle.
Production Livsmedlet (Finlande)
Alors que les migrants sont traités ces jours-ci comme une simple marchandise politique dans les pourparlers entre la Turquie et l’Europe1, voilà que Casteliers propose le fascinant spectacle Terres invisibles, la plus récente production de la compagnie Livsmedlet (une expression suédoise qui signifie « substance qui permet de vivre »). Après des créations un peu plus fantaisistes, telles que traFika (un couple qui ne peut communiquer que par des panneaux de signalisation) et le déambulatoire Dead Ends, le duo formé du marionnettiste et metteur en scène Ishmael Falke et de la danseuse, chorégraphe et metteure en scène Sandrina Lindgren s’inspire de l’actualité et entraîne les spectateurs sur les traces d’une famille qui fuit son pays en proie à la guerre.
Cris, bruits d’artillerie, explosions : alors que ces sons retentissent dans la minuscule salle de la Maison internationale des arts de la marionnette (MIAM), on ne peut qu’imaginer l’horreur. Un homme et une femme, habillés de jaune et de kaki, semblent attendre que ça passe. Dès lors, en jouant des échelles macro et micro, tous leurs gestes prennent une double signification, en commençant par des cigarettes électroniques dont ils expirent la fumée, fumée qui rappelle les combats qui font rage. La femme retire en partie le polo de l’homme qui se couche sur ses genoux ; son dos exposé devient le tréteau vivant d’une longue fuite. Falke et Lindgren utiliseront, pour incarner les personnages en cavale, de minuscules figurines d’à peine deux ou trois centimètres, qui collent à la peau des interprètes. Au rythme des mouvements, des respirations, leurs corps (dos, ventre, bras, tête, pieds, cuisses) deviennent les chemins, les déserts, les océans sur lesquels les migrants posent les pieds et découvrent leur destin, au péril de leur vie.
Grâce à une lente progression, une proposition d’une étonnante clarté, aux mouvements hyper calculés et une trame sonore riche, Terres invisibles s’avère être une performance hautement poétique et politique.
Un peu à la manière de la danse contemporaine, certes, ici, minimaliste, Sandrina Lindgren manipule son compagnon avec puissance, lui faisant prendre différentes positions. Pour mieux jouer ces terrains d’exode, les interprètes se dénudent jusqu’aux sous-vêtements, d’abord pour exploiter tous leurs membres, puis pour signifier, il nous semble, les nombreuses pertes et les humiliations que les migrants peuvent subir. Scène de nuit, un projecteur éclaire les pieds surélevés de la danseuse. Un autobus se gare ; y montent les quelques personnes qui ont pu se rendre au rendez-vous. On se blesse, on panse les plaies dans un camp de réfugiés. Mais la marche continue. Surgit une clôture avec barbelés difficile à franchir ; il faudra se séparer. Un hélicoptère tourne autour du groupe qui tente d’éviter les balles tirées par l’engin aérien. La mer apparait, grâce à de la peinture bleue qu’on s’enduit sur le ventre. Une barque lilliputienne tangue au fil de la houle/respiration. Elle chavire : dans un moment tout aussi captivant que confrontant, les deux comédiens plongent la tête dans un bol rempli d’eau. Des spasmes les secouent alors que les poumons cherchent l’air. Le temps se suspend, le public retient son souffle, l’attente devient de plus en plus insoutenable. Une scène d’une grande simplicité et d’une redoutable efficacité, à l’image de ce que le duo veut provoquer : une prise de conscience.
Pour bien profiter du spectacle, le public est prié de s’assoir sur des coussins qui bordent le petit carré blanc servant d’espace de jeu. Mais la demande est forte, et plusieurs spectateurs doivent prendre place dans des gradins. L’expérience y est beaucoup moins immersive ; on se met à rêver de l’utilisation d’une caméra captant tous les personnages minuscules et dont l’image serait projetée sur un écran en arrière-scène. L’idée n’est pas mauvaise, puisque cette technique sera utilisée à la toute fin du spectacle, octroyant un autre angle de vue, une autre dimension à l’épopée, surtout lorsque la caméra deviendra subjective. Mais le duo a voulu que le spectacle se passe surtout dans la tête des spectateurs.
Terres invisibles est proposé sans réelles paroles (un dialecte inventé se fait entendre tout au long de la représentation) ; la musique s’avère donc importante. Signée par le musicien Niklas Nybom, elle fait d’abord penser peut-être à du Gotan Project, puis se multiplie en mélodies à la guitare pour accompagner avec une certaine émotion ces migrants vers une terre d’accueil.
Grâce à une lente progression, une proposition d’une étonnante clarté, aux mouvements hyper calculés et une trame sonore riche, Terres invisibles s’avère être une performance hautement poétique et politique. Nus, maculés de peinture, pansés, les interprètes accueillent les applaudissements avec humilité, mais profondément mérités.
1 Libération, 5 mars 2020 : Crise des migrants : les Vingt-Sept haussent le ton face à Ankara
Maison internationale des arts de la marionnette
30 avenue St-Just