Texte : Tatiana Tolstaia
Mise en scène : Alvis Hermanis
Critique d'Olivier Dumas
Après une présence remarquée l’année dernière au FTA avec The Sound of Silence, le Nouveau Théâtre de Riga récidive avec Sonia, un magnifique spectacle imprégné de sensibilité et de douleur.
À Leningrad, deux cambrioleurs au physique ingrat prennent possession d’un modeste appartement décoré à l’ancienne. À l’aide de quelques accessoires, leur allure lourdaude s’insère avec virtuosité dans la peau de différents personnages. L’un des deux devient Sonia, une femme solitaire et sans âge au cœur d’or qui possède un dévorant appétit de vivre qu’elle exprime par la couture et la confection de gâteaux. Or, elle est laide et son entourage la ridiculise en lui faisant croire qu’un certain Nicolaï est amoureux d’elle.
Le deuxième cambrioleur raconte cette tragique histoire humaine en devenant les hommes qui l’ont rejetée, métaphore de cette impitoyable société qui, par son manque de compassion, a entraîné l’existence de Sonia vers un désespoir abyssal.
Ce récit aux accents mélodramatiques est inspiré d’une nouvelle de l’auteure russe contemporaine Tatiana Tolstaia. Heureusement, le metteur en scène Alvis Hermanis a effectué une transposition scénique toute en finesse et une remarquable sobriété qui sert adéquatement le propos. C’est le désir de deux protagonistes de vivre dans un monde imaginaire pour s’extirper de la banalité de l’ordinaire qui a valu aux comédiens (Gundars Abolinš et Jevgenijs Isajevs) une longue ovation bien méritée lors des représentations à la Maison Théâtre. Pendant plus d’une heure trente, les deux clowns pathétiques, qui évoquent l’esprit de Beckett, passent avec sensibilité et humilité du comique à la tragédie, en nous parlant avec délicatesse de la vie, de l’amour et de la mort.
Le Nouveau Théâtre de Riga nous rappelle ainsi qu’il suffit d’un duo de comédiens intense, d’une histoire d’une simplicité désarmante et de l’intérieur modeste d’un appartement des années 30 pour émouvoir encore et encore le public. Dans la tête et le cœur de nombreux festivaliers, le mal de vivre de Sonia restera, sans aucun doute, inoubliable.