Un spectacle de Les ballets C de la B
Mise en scène : Alain Platel + Frank Van Laecke
D’après une idée de Vanessa Van Durme
Création et interprétation : Gerrit Becker + Griet Debacker + Andrea De Laet + Richard "Tootsie" Dierick + Timur Magomedgadzhiev (remplacé par Hendrik Lebon) + Danilo Povolo + Rudy Suwyns + Vanessa Van Durme + Dirk Van Vaerenbergh
Critique de Daphné Bathalon
Quelque part, au-delà de l’arc-en-ciel, il y a ces êtres fanés, flétris par les années dont la vie s’est écoulée sur la scène d’un cabaret, aujourd’hui sur le point de fermer. Ces êtres, à la fois hommes et femmes, nous accueillent dans leur jardin le temps d’une dernière représentation bien particulière. Touchant, ce beau portrait nous est proposé par Les Ballets C. de la B pour un très court moment au Monument-National.
C’est avec beaucoup de tendresse et de respect qu’Alain Platel et Frank Van Laecke abordent le délicat sujet de la transformation d’un homme en femme, mais aussi, et surtout, du vieillissement et de l’espoir. Ne cherchez pas ici le strass et la paillette, les boas et les faux cils… ils y sont bien sûr, mais pas pour choquer ou le glamour, ils sont avant tout les accessoires grâce auxquels se parachève la métamorphose finale, celle qui nous éblouit et nous réconcilie avec les rares longueurs de la pièce. De fait, le rythme est volontairement lent, les tableaux entrecoupés d’un silence qui n’a rien de pesant. Le metteur en scène a pris le temps de réfléchir, de chercher la profondeur du sujet et de l’offrir à la vue des spectateurs fort silencieux en ce soir de première.
D’abord vêtus de complets-veston-cravate de couleurs mornes, les hommes sont tout aussi éteints que leurs habits, traînant les pieds. Vieux et usés, ils semblent perdus à l’annonce de la fermeture du cabaret. Puis ils quittent cette peau qui ne leur convient pas et nous montrent celle qu’ils cachent dessous, beaucoup plus colorée. Il est là le ballet, dans la grâce de leur transformation. En une série de clichés photographiques, Platel nous présente des souvenirs rayonnants, le plaisir et une certaine idée de la liberté.
En maître de cérémonie, la comédienne Vanessa Van Durme rayonne sans avoir besoin de paillettes. Solide, elle n’a ni besoin d’affirmer son identité sexuelle ni de la revendiquer pour s’imposer à nous. Elle orchestre la représentation avec grâce et humour, organisant son bouquet en plaçant et déplaçant chacune des fleurs qui la compose. Quant à ces fleurs, elles sont sept, six êtres vieillissants et un jeune homme qui incarne ce qu’ils ne sont plus. Et ils s’exposent avec naturel sans chercher à faire un show de leur strip-tease sur des grands airs pop ou classiques, du Boléro de Ravel à Comme ils disent d’Aznavour.
Malgré sa lenteur, ou plutôt grâce à elle, le spectacle de ces êtres délaissés est plein de douce tendresse et d’espoir. Alors qu’ils prononcent à peine quelques mots pendant la représentation, on ressent un élan d’affection pour les vedettes du cabaret qui, avec une certaine tristesse, s’effacent sur un dernier sourire.