Un spectacle Miguel Guttierez and The Powerful People
Chorégraphie Miguel Gutierrez en collaboration avec les interprètes
Participation a la création Alex Anfanger + Neil Medlyn
Critique de Daphné Bathalon
Il y a de ces spectacles qui, malgré tous les efforts fournis par le spectateur, demeurent en grande partie obscures. Des premiers instants de la représentation jusqu’au salut final, de brefs éclairs de lucidité nous font penser avoir saisi le fil de l’histoire ou de la réflexion du metteur en scène, puis le fil nous échappe à nouveau et nous voilà, bouche semi-ouverte, à chercher à rattraper l’idée perdue. Last Meadow fait partie de ces spectacles qui vous bousculent, vous agacent tout à la fois, et vous ennuient aussi, un peu, parfois.
S’inspirant de la personnalité de James Dean et surtout de trois des films auxquels il a participé (À l’est d’Eden, Géant et La fureur de vivre), Miguel Gutierrez, le maître d’œuvre du spectacle, a placé cet acteur au cœur de sa création, se jouant des conventions cinématographiques tout en laissant une large place à la danse et aux mouvements. Pour interpréter James Dean, qu’il décrit comme un être à la fois lunatique, sexy et androgyne, Gutierrez a choisi Michelle Boulé, alors qu’il a attribué le rôle de la petite amie à Tarek Halaby, formant, avec le troisième personnage qu’il interprète, un atypique triangle amoureux. Leurs échanges, autant physiques que verbaux, dynamisent toute la représentation et c'en est le principal point d’intérêt, notamment les scènes de tournage où les acteurs reprennent encore et encore la même séquence, et les scènes où Boulé décrit chacun des gestes de la chorégraphie (stop, go back, laugh, crazy face, etc.), comme si elle nous lisait les didascalies du spectacle.
Trois fois hélas, ces moments plus percutants sont rares, car le plus souvent, les dialogues se perdent dans le brouhaha, pour ne pas dire la cacophonie ambiante. Loin de permettre aux spectateurs de comprendre la teneur du discours, le metteur en scène a fait le choix délibéré de créer des chœurs dissonants, des canons de voix qui avalent un mot sur deux, ne laissant pas l’opportunité au spectateur de s’immerger dans l’action. Au contraire, il en est brutalement exclu, les oreilles bourdonnantes et la tête trop pleine de cris et d’onomatopées, souvent inintelligibles car enterrés par la voix des autres acteurs ou par la musique très forte. Certaines séquences, qui s’apparentent à de l’hystérie collective, irritent plus qu’elles ne choquent ou surprennent, tandis que d’autres laissent dubitatives. Ainsi, brillante est l’idée de faire un entracte sur scène, mais personne dans la salle n’a compris qu’il pouvait lui aussi se délasser les jambes et l’esprit. Brillante aussi cette idée de poursuivre le spectacle pendant le salut et même après, alors que les lumières sont rallumées et le spectacle « terminé ».
Mais parce qu’au sortir de la salle, le sentiment qui domine est celui de l’agacement, agacement de n’avoir pas compris ce à quoi on vient d’assister, il y a lieu de se demander si pour la majorité des spectateurs, Last Meadow ne rate pas sa cible.