Un spectacle de Daniel Danis, arts/sciences
Texte et création Daniel Danis
Critique d'Olivier Dumas
Daniel Danis demeure un créateur atypique, capable du meilleur (Celle-là et Terre Océane) que du pire (E, un roman dit, un pénible souvenir). Pour cet habitué du Festival TransAmérique, sa nouvelle proposition Mille anonymes laisse une sensation de déception à la sortie de l’Espace Go.
Difficile d’aimer cet obscur objet qui tente un amalgame entre l’atmosphère d’une installation muséale contemporaine et une parole puisant dans la tradition orale. En résumé, le spectacle Mille anonymes s’articule autour d’une société archaïque, derniers vestiges d’une ville minière fantôme autrefois prospère. Les habitants veulent laisser coûte que coûte une trace de leur vie avant l’extinction définitive, dans ultime tentative de symbiose avec la nature environnante.
À l’exception peut-être de La trilogie des flous, le talent de dramaturge de Daniel Danis s’est surtout démarqué par son univers autrement plus littéraire imprégné de répliques poétiques foudroyantes entre le tragique d’un Michel-Marc Bouchard et la beauté cérébrale d’un Normand Chaurette. Il porte ici le double chapeau d’auteur et de metteur en scène, en plus de prendre plaisir à brouiller les repères traditionnels du théâtre. Le texte de Milles anonymes demeure embryonnaire et hachuré avec des ellipses et moments silencieux. Cette fragmentation s’accompagne d’une multitude de personnages indéfinis, loin de tout processus d’identification. Durant les 80 minutes de la représentation se succèdent 33 tableaux annoncés par un narrateur qui prend même le temps de nous lire les didascalies. Heureusement, pour les quelques phrases qu’ils ont à dire, les acteurs prennent plaisir à s’exprimer avec une prononciation très québécoise.
Pour son hommage aux sociétés disparues, Daniel Danis s’est entouré d’une talentueuse équipe de concepteurs qui parvient à recréer visuellement et musicalement une atmosphère saisissante. Le dispositif monochrome éclairé de l’intérieur et la scénographie composée de planches en perpétuels déplacements rappellent le travail formel de Robert Lepage. L’imposante robe blanche portée par l’une des comédiennes qui contient même des lampes m’a fait penser à certaines tenues de scène de Diane Dufresne. Sur le plan technique, la pièce se révèle assez intéressante.
Par contre, l’essence du spectacle dégage une froideur qui empêche souvent le public d’adhérer à un propos qui recèle autrement un potentiel dramatique qui aurait pu être plus poignant. Les ambitions de recréer un théâtre du rituel et du sacré se perdent donc devant un formalisme trop froid pour nous bouleverser. Dommage que le perfectionnement de la technologie n’a pas mieux embrasé la portée symbolique de ces Mille anonymes en quête d’un dernier souffle avant leur anéantissement.