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Festival TransAmériques - 29, 30 mai 2012, 20 h
IrakeseEn Atendant
Danse
Un spectacle de Rosas
Chorégraphie Anne Teresa De Keersmaeker
Collaboration à la création et interprétation Bostjan Antoncic, Carlos Garbin, Cynthia Loemij, Mark Lorimer, Mikael Marklund, Chrysa Parkinson, Sandy Williams, Sue-Yeon Youn

Passeurs de temps
À l’heure où le jour glisse inexorablement vers la nuit, 12 interprètes, danseurs et musiciens, exaltent le raffinement et la force vitale d’une musique créée au temps des grandes noirceurs du monde médiéval : l’ars subtilior. « En attendant, il me faut endurer / de pénibles tourments / Et vivre languissant; c'est ma destinée », chante une ballade en ouverture d’un bal de corps vibrants qui font l’amour avec le son. Corps-calligraphes, ils gravent la musique dans l’espace avec la légèreté du vent. Polyrythmie jubilatoire. Impétueux ou retenus, en solo ou en groupe, ils incarnent les notes et les font résonner jusque dans le silence. Pont entre Moyen Âge et XXIe siècle, trait d’union magistral entre danse et musique.

Légende vivante dominant le paysage chorégraphique occidental, Anne Teresa De Keersmaeker marque le FTA d’une double présence avec En Atendant*, suivie de Cesena. D’une remarquable beauté, la première de ces deux œuvres coule comme un long fleuve intranquille.

*En attendant en vieux français

Anne Teresa De Keersmaeker

Mathématique de l’espace et du temps
Figure de proue de la danse contemporaine, reconnue pour l’acuité de sa compréhension de la musique, Anne Teresa De Keersmaeker s’impose sur la scène internationale au tout début des années 1980 avec le duo Fase, Four Movements to the Music of Steve Reich, présenté en 2008 à l’Usine C, et la pièce de groupe Rosas danst Rosas, laquelle inspire le nom de sa compagnie. En 1995, Rosas s’allie au prestigieux Théâtre de la Monnaie de Bruxelles — où elle a été en résidence de 1992 à 2007 — pour fonder la célèbre école internationale P.A.R.T.S. (Performing Arts Research and Training Studios) et former des générations d’artistes accomplis sous la direction de la chorégraphe. Habituée du FIND où elle a été programmée cinq fois, la compagnie prend l’affiche du FTA avec deux créations récentes.

D’abord caractérisée par des combinaisons répétitives et une énergie cyclique, l’œuvre d’Anne Teresa De Keersmaeker évolue vers des formes résolument marquées par la complexité rythmique et la géométrie spatiale. Émaillée de quelques incursions dans l’univers cinématographique, elle se partage entre des pièces abstraites de danse pure telles que Fase, Rain ou Drumming et des créations multidisciplinaires intégrant le texte, la voix ou des images filmées comme Elena’s Aria et Stella. L’écriture est précise, rigoureuse et énergique. Au fil des ans, la chorégraphe a tissé une relation privilégiée avec le compositeur Steve Reich et s’est ouverte à toutes sortes d’influences musicales, de Monteverdi et Mozart à Ligeti et Coltrane. Après avoir chorégraphié le silence dans The Song et plongé dans le romantisme du XIXe siècle pour 3Abschied, cocréé avec Jérôme Bel, elle remonte le temps pour s’intéresser à l’ars subtilior dans En Atendant (2010) et Cesena (2011).


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Flûtes Bart Coen, Michael Schmid
Vièle Birgit Goris
Chant Annelies Van Gramberen / Poline Renou
Scénographie Michel François
Costumes Anne-Catherine Kunz
Photo Herman Sorgeloos
Rédaction Fabienne Cabado

Durée : 1 h 35

Tarif régulier : 45 $
30 ans et moins, 65 ans et plus : 40 $
Sièges réservés

Forfaits en vente 15% à 40% de réduction

Coproduction La Monnaie (Bruxelles), GREC Festival de Barcelona, Grand Théâtre de Luxembourg, Théâtre de la Ville (Paris), Festival d’Avignon, Concertgebouw Brugge


FTAUsine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Mélanie Thibault

C’est inspiré d’un poème du XIVe siècle que s’est construit En Atendant, l’un des diptyques que présente l’artiste belge Anne Teresa de Keersmaker et sa compagnie Rosas au FTA. Le spectacle porte le titre du poème de l’auteur, Philipus de Caserta (1370-1420) qui raconte l’attente pénible et tourmentée née de l’inaccessibilité à une fontaine, entourée de ruisseaux. Le poème se termine sur ces deux strophes magnifiques : « S’il n’en tenait qu’à moi qu’il en fut ainsi décidé, je vivrais dans l’espoir du grand bonheur par sa dignité et sa très noble puissance. »

Ce manque de rassasiement se ressent dans le corps des danseurs, dont les pas se dessinent grâce à un petit filet de terre disposé à l’avant-scène qui bientôt s’inscrit dans l’espace et le temps, au rythme des mouvements. Chaque mouvement se lie à la musique contrapontique à trois voix et aux variations polyphoniques de l’ars subtilor, genre musical puisé, comme le poème, à l’époque du Moyen-Âge. Les corps s’imbriquent tout en bougeant à des vitesses diverses dans une grande danse à la fois fluide et contrastée.

De Keersmaker a choisi ce temps difficile de l’Histoire humaine, alors traversée par la peste et la guerre, pour y confronter la naissance d’une musique sophistiquée. En ressortent les pertes de repères, mais aussi l’émerveillement, la quête insatiable et la force de vivre.

Envoutée par le parcours élégant des figures chorégraphiques proposées, c’est comme si mon corps de spectatrice s’était baigné dans le paysage épuré, flottant et fougueux des danses tout en restant sec et détaché. Bien que l’échange scène / salle soit peu communicatif à première vue, le mouvement, lui, entre en nous telle une vague subtile. La cohésion des scènes entre elles ne donne aucun répit tout en posant l’énergie des figures dans la durée. Des rappels d’œuvres picturales de l’époque semblent émaner tout naturellement de l’agencement des mouvements, alors que la géométrie des corps prédomine pourtant.

La cohésion du mouvement et de la musique atteint chaque corps en scène, pourtant très différents les uns des autres. Une harmonie frisant la perfection dans la particularité de chaque structure. Est-ce dû à la grande complicité des danseurs de Rosas, dont De Keersmaker poursuit la collaboration dans la durée ? Est-ce aussi le fait que le spectacle soit à l’aube de terminer sa tournée internationale ? Peu importe, l’envoutement est de la partie.

31-05-2012