Des racines et des mythes
Il rêve. Son sommeil crépite du feu du désir et de la colère qui brûle les pages du Rāmāyana racontant les tribulations du prince hindou Rāma. Elle est sa voix, sa chair, sa vision, son cinématographe. Dans une singulière danse avec son piano, elle chante, parle, prie, murmure. Parfois, il lui donne la réplique. Viscérale résonance. Tour à tour homme, femme, princesse, démon, dieu-singe devenu chien, elle se fait prisme d’archétypes où les figures mythologiques se déforment pour prendre un visage humain. Le corps réagit au gré des incarnations. La voix passe du cœur au ventre. Tissées d’amour, de spiritualité et de sexualité, les images se font et se défont, prégnantes. Hymne insolite à l’inconscient collectif.
Incursion solennelle dans l’intimité profonde du chorégraphe Benoît Lachambre et de l’auteure-compositrice-interprète et danseuse Clara Furey, Chutes incandescentes combine leurs talents pluriels dans un solo pour deux corps. Un objet inclassable et passionné.
Benoît Lachambre
Benoît Lachambre, le corps dans tous ses états
Ancrant résolument ses créations dans le somatique, le chorégraphe-interprète québécois a fortement marqué la scène européenne au cours de la dernière décennie et ses ateliers sur l’hyper éveil des sens sont prisés à l’international depuis une quinzaine d’années. En 1996, il fonde par b.l.eux (Benoît Lachambre et eux) pour créer des œuvres interdisciplinaires en collaboration avec des artistes de tous bords, dont Boris Charmatz, Sasha Waltz, Marie Chouinard ainsi que Meg Stuart et Hahn Rowe avec lesquels il a remporté un prix Bessie pour Forgeries, Love and Other Matters. Déjà programmé au FTA avec 100 rencontres (2005), Is You Me (2008, avec Louise Lecavalier et Laurent Goldring) et Body-Scan (2009, avec Su-Feh Lee), il participe régulièrement à des productions extérieures à sa compagnie et répond aussi à des commandes chorégraphiques telles que “I” Is Memory pour Louise Lecavalier ou JJ’s Voice pour le Cullberg Ballet à Stockholm. En 2011, il a signé un solo pour Clara Furey dans le projet collectif Danse à 10.
Clara Furey
Clara Furey, les arts dans la peau
Auteure-compositrice-interprète et danseuse, la très charismatique Clara Furey travaille sur tous les fronts depuis sa sortie de LADMMI, l’école de danse contemporaine. Avant de rencontrer Benoît Lachambre, avec qui elle a déjà collaboré deux fois, elle a travaillé avec les chorégraphes David Pressault, Pierre Lecours, George Stamos et Danièle Desnoyers (Là où je vis, FTA, 2008) et elle a dansé récemment une chorégraphie de Damien Jalet dans l’opéra Red Waters, mis en scène par Arthur Nauzyciel. Elle a aussi joué dans trois films et s’est particulièrement illustrée au théâtre dans Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent (FTA, 2008) et Dans les charbons de Loui Mauffette. Elle collabore actuellement avec Céline Bonnier avec qui elle a cocréé Hello… How are you? en 2011. Enfin, la Carte blanche offerte au Théâtre de Quat’Sous lui a permis de faire valoir ses talents de musicienne, tout comme la tournée française avec son père, Lewis Furey, qui demeure encore aujourd’hui son plus précieux mentor.
Section vidéo
une vidéo disponible
Poême Jellalludin Rûmî
Lumières Lucie Bazzo
Scénographie Benoît Lachambre en collaboration avec Annick La Bissonnière
Regard extérieur Daniele Albanese, Céline Bonnier, Rachel Tess
Rédaction Fabienne Cabado
Création mondiale le 25 mai 2012, au Festival TransAmériques
Durée : 1 h
Tarif régulier : 35 $
30 ans et - / 65 ans et + : 30 $
Forfaits en vente 15% à 40% de réduction
En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 26 mai
Coproduction Festival TransAmériques, Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint-Denis, Agora de la danse
Présentation en collaboration avec Agora de la danse
Agora de la danse
840, rue Cherrier
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est
par Isabelle Girouard
Fruit d’une collaboration entre le chorégraphe-interprète Benoît Lachambre et la créatrice-danseuse Clara Furey, Chutes incandescentes arrive enfin au Festival TransAmérique. Le spectacle solo, écrit par Lachambre et transmis à la jeune danseuse, devait être présenté au festival il y a deux ans, mais a dû être annulé en raison d’une blessure en répétition. Les deux artistes ont toutefois poursuivi leur travail et la création s’est transformée en duo, dans lequel le chorégraphe est à son tour descendu sur scène.
Chutes incandescentes provient à la fois de l’univers onirique de Lachambre et d’un des mythes fondateurs de l’hindouisme, le Rāmāyana. La connivence entre certains passages du poème et les rêves de l’artiste ont d’abord servi de matière première à une performance solo. La création est reprise par Furey, qui en assure la direction musicale. Ce sont ses propres pièces au piano, mais aussi des textes du poète sufi Rumi qu’elle met en scène.
Il n’y pas plus de frontières entre la danse, la performance, la musique et le chant qu’il n’y a de forme dans la représentation. Lachambre, travaillant l’aspect somatique dans ses créations, nous oblige à interpréter un langage archaïque d’où émane pourtant une forte quête d’authenticité du geste. Si sa présence sur scène reste discrète, elle n’en vient pas moins soutenir celle de la très intense Furey, qui nous livre une solide performance corporelle et musicale, dont le piano, troisième entité sur scène, semble être l’extension. Alors que les deux artistes évoluent plutôt en parallèle sur la scène, le texte (tantôt parlé, chuchoté ou chanté) vient unifier le tout.
Loin d’être une relecture du Rāmāyana, Chutes incandescentes nous est plutôt livré comme un état d’être, une individualité cherchant à rejoindre la conscience universelle. Il y a certainement plusieurs moments forts dans la représentation, dont le dernier chant, qui ne semble plus vouloir s’éteindre même après la fin du spectacle.