Amours parasitées
Un OVNI occupe le ciel de Heart As Arena. Composé de 30 vieux postes branchés sur des stations de radio, c’est un épicentre électromagnétique où les climats relationnels se traduisent en distorsions, en silences et en chansons d’amour. Engagés dans un ardent corps à corps avec les ondes, les danseurs se font têtes chercheuses de fréquences à syntoniser, révélateurs de la trame invisible des réseaux hertziens, métaphores des mystères du contact amoureux. L’énergie passe à cent milles à l’heure et en écorche quelques-uns au passage. Les cœurs s’emballent, s’essoufflent, se fracassent. Les interférences brouillent le signal. Peu d’élus se retrouvent sur la même longueur d’onde.
Après avoir fait émerger la danse de films d’animation dans Smash Up (FTA, 2008), la chorégraphe-interprète vancouvéroise Dana Gingras s’associe à la designer sonore Anna Friz pour chorégraphier l’énergie et tracer un surprenant parallèle entre la mécanique de la rencontre humaine et celle du monde énergétique qui nous entoure. Éminemment physique.
Dana Gingras
Conquérir de nouveaux territoires
Active sur la scène professionnelle depuis plus de 20 ans, Dana Gingras a modifié le paysage chorégraphique canadien avec la compagnie The Holy Body Tattoo, cofondée avec Noam Gagnon à Vancouver en 1993. Pendant près de 15 ans, les chorégraphes-interprètes se distinguent par des œuvres intenses et une gestuelle d’un grand dynamisme. Parmi celles-ci, our brief eternity, créée en 1996, leur vaut un prix Dora Mavor Moore. En 2006, désireuse de creuser librement le dialogue déjà amorcé avec le multimédia et d’en nouer un plus intime avec le film, tout en se dégageant des attentes suscitées par cette compagnie quasi mythique, Dana Gingras fonde une structure parallèle, Animals of Distinction. La démarche artistique qu’elle y développe concentre bien vite tous ses intérêts et ses activités.
Créée en 2008 au FTA, la série de solos et duos regroupée dans Smash Up combine avec intelligence et originalité danse et film d’animation. Elle donnera lieu à la réalisation des courts métrages Aurelia et Double Bubble, produits par la chaine Bravo! tout comme le duo danseuse et ours de Dances for Dzama. Artiste associée au Centre national des Arts du Canada, la passionnée de cinéma réalise aussi l’installation vidéo What is Mine is Yours avant de se lancer de front, en 2011, dans la création de New Animal pour The 605 Collectiveet Heart As Arena.
Section vidéo
une vidéo disponible
Conception, installation et composition sonore Anna Friz
Scénographie et lumières Mikko Hynninen
Dramaturgie Ruth Little
Assistant à la dramaturgie Daniel Canty
Costumes Sarah Doucet
Direction des répétitions Karine Denault
Photo Yannick Grandmont
Rédaction Fabienne Cabado
Création à The Cultch, Vancouver, le 4 octobre 2011
Durée : 1 h 05
Tarif régulier : 30 $
30 ans et - / 65 ans et + : 25 $
Forfaits en vente 15% à 40% de réduction
En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 30 mai
Coproduction Festival TransAmériques, CanDanse Réseau canadien des diffuseurs de danse (Toronto), The Cultch (Vancouver), Brian Webb Dance Company (Edmonton), Centre national des Arts du Canada (Ottawa), Agora de la danse
Avec le soutien du Conseil des Arts du Canada
Résidences de création Centennial Theatre (Lennoxville), Usine C
Présentation en collaboration avec Agora de la danse
Agora de la danse
840, rue Cherrier
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est
par Ariane Cloutier
Au studio plein à craquer de l’Agora de la Danse, 30 radios rétro sont suspendues en cercle au-dessus de la scène, formant cette arène évoquée à travers le titre de la pièce, sous laquelle les danseurs évoluent. Le titre est lui-même inspiré du nom d’une toile de Basquiat qui a piqué la curiosité de la chorégraphe Dana Gingras. Mettant en relation les ondes du cœur avec les ondes sonores, la chorégraphe nous présente des entités isolées qui entreront en contacts brefs à travers ce morceau unique d’électro-acoustique dansé.
L’interrelation entre la trame sonore et le mouvement des corps provient de la volonté de collaboration entre Dana G. et l’artiste sonore Anna Friz, qui travaille depuis de nombreuses années avec les émetteurs radio. Cette dernière propose une création originale, entrecoupée de chansons d’amour connues et moins connues, de diverses origines. La magnifique pièce électro-acoustique s’harmonise à merveille avec le mouvement, comme si les deux avaient été construits conjointement. Selon Dana G., la structure même de la pièce repose sur le modèle de la vague sonore en tant qu’onde, en corrélation avec l’électrocardiogramme, avec ses variations de rythme et d’intensité. Suivant les grésillements et les mélodies des vieilles radios, les corps entrent en relation, se manipulent, entrent en conflit et s’unissent le temps de brèves étreintes. On sent une réelle soif d’amour et de communication dans leur gestuelle, mais aussi une nette tendance mécanique et individualiste. Les danseurs évoluent tantôt en synchronisme, tantôt en duo, tantôt en solo. La chorégraphie passe de mouvements très abstraits à des mouvements concrets et répétitifs. Les danseurs utilisent des radios sur scène pour communiquer entre eux, créant parfois de la perturbation sonore ou harmonisant leurs univers.
Par rapport à Smash Up, présenté par Dana Gingras à la précédente édition du FTA, qui alliait le cinéma d’animation à la danse, on se demande si l’influence du langage cinématographique est toujours utilisé dans Hearts as Arena. S’il est présent, c’est cette fois de façon plus subtile, grâce surtout au travail sublime du créateur d’éclairage Mikko Hynninen. Ce dernier transforme en scènes cinématographiques les tableaux chorégraphiques, transférant ou isolant l’attention sur tel ou tel détail de l’action, et exécutant des fondus enchaînés tout en douceur.
La pièce se termine sur une horloge humaine et nous fait réaliser qu’aucune des relations établies dans la pièce ne perdure. L’amour donne des ailes, « électrochoque », rend dysfonctionnel et transforme les personnages, mais ne semble pas perdurer dans le temps contre leur solitude. Ce que l’on constate, c’est que les ondes des uns troublent les autres et les font évoluer.
Heart as Arena est un bel exemple de collaboration entre artistes parfaitement en contrôle de leurs disciplines respectives, suivant une démarche artistique audacieuse.