Le carnaval des utopies
Ils prétendent tous être Mimosa Ferrara. Et ils sont prêts à tout défoncer pour le prouver : tabous, cadre de scène, barrières de la rectitude politique et esthétique, frontières entre genres sexuels et artistiques. Dans une surenchère de numéros d’une furieuse extravagance, chacun à tour de rôle pousse encore plus loin le bouchon de ses fantasmes identitaires. Les seules limites à leur ébahissante démesure sont celles de l’imaginaire. Qui, de la bourgeoise décadente venue d’un autre siècle, de la bibitte hermaphrodite aux airs d’extraterrestre ou du clone endiablé d’une vedette de la pop, gagnera la bataille de la plus folle incarnation de cette fantasmagorique (M)IMOSA ?
Croisant leurs écritures avec les codes des performances sociales du voguing, les créateurs-interprètes Cecilia Bengolea, François Chaignaud, Trajal Harrell et Marlene Monteiro Freitas se livrent à un combat extrême pour défendre la liberté d’être et de changer de peau. Une œuvre pétillante, jouissive et déjantée.
Cecilia Bengolea, François Chaignaud, Trajal Harrell, Marlene Monteiro Freitas
Créateurs sans frontières et sans tabous
Stagiaires du programme DanceWeb du festival Impulztanz 2008 de Vienne, Cecilia Bengolea, François Chaignaud, Marlene Monteiro Freitas y ont eu pour mentor Trajal Harrell. Deux ans plus tard, ils embarquaient ensemble dans l’aventure de (M)IMOSA, créée en 2011 à New York. L’œuvre s’inscrit dans une recherche qu’Harrell mène depuis 2001. Elle est la version (M) de Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church que le chorégraphe et danseur new-yorkais a décliné en cinq formats allant de (XS) à (XL) pour explorer les possibles croisements entre les codes du voguing, né dans le Harlem homosexuel et transsexuel des années 1960, et ceux de la danse postmoderne qui s’est développée à la même époque à Greenwich Village.
Si tous ces artistes mènent de fructueuses carrières individuelles, le Français François Chaignaud et l’Argentine Cecilia Bengolea ont déjà défrayé la chronique avec des œuvres qu’ils créent ensemble depuis 2005 au sein de la structure VLOVAJOB. Ils explorent par exemple les territoires chorégraphiques de l’intimité corporelle au moyen de godemichés dans Pâquerette, qui leur a valu, avec Sylphides, le Prix de la révélation chorégraphique du Syndicat de la critique en 2009. Ou encore, ils évoluent en suspension au-dessus de spectateurs allongés au sol dans Castor et Pollux. Quant à la Capverdienne Marlene Monteiro Freitas, elle est désormais établie à Lisbonne, Elle y a cofondé avec Tânia Carvalho le collectif Bomba Suicida (But from me I can’t escape, Have patience, FTA, 2010) et signé une demi-douzaine de chorégraphies.
Section vidéo
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Collaboration aux costumes La Bourette
Lumières Yannick Fouassier
Photo Paula Court
Rédaction Fabienne Cabado
Création à The Kitchen, New York, le 9 février 2011
Durée : 2 h
Tarif régulier : 45 $ / 40 $
30 ans et - / 65 ans et + : 40 $ / 35 $
Forfaits en vente 15% à 40% de réduction
En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 26 mai
Coproduction Le Quartz - Scène nationale de Brest, Théâtre National de Chaillot, Centre de Développement Chorégraphique (Toulouse), La Ménagerie de Verre (Paris), The Kitchen (New York), Bomba Suicida (Lisbonne), FUSED - French US Exchange in Dance
Avec le soutien des Laboratoires d’Aubervilliers
Présentation en collaboration avec Place des Arts avec le soutien du Service de Coopération et d’Action Culturelle du Consulat Général de France à Québec
Cinquième Salle
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est
par Mélanie Thibault
Cécilia Bengolea, François Chaignaud, Trajal Harrell et Marlene Monteiro Freitas sont tous les créateurs individuels de ce grand happening. Danseurs techniquement irréprochables, ils auraient pu se contenter de briller. Ils ont préféré inscrire la danse dans un processus intime, troublant, extrême, à l’équilibre délicat, dans son fantasme comme dans son intégrité. Résultat, ils resplendissent à un point tel que le spectacle aurait pu se poursuivre la nuit durant. Un grand coup de cœur qui a changé, personnellement, mon œil de spectatrice endurci.
New York 1963, la scène Voguing de Harlem, un des deux grands courants de cette discipline, bat son plein. Elle propose des enchaînements de poses inspirées des magazines féminins en incarnant une image loin de celle à laquelle notre corps nous contraint en société ; le fameux vidéoclip Vogue de Madonna s’en est inspiré. Gais, transsexuels, travestis, Afro-Américains et latinos en font leur danse de prédilection. La Post Modern Dance de la Judson’s Church, l’autre grand courant Voguing, arrive à l’ère post nineties et s’oppose à la création d’artifices du premier genre en cherchant la realness, la volonté d’être vrai, incarnant un autre que soi avec le plus de réalisme possible, dixit l’initiateur du projet, Trajal Harrell. Une division que les performeurs confronteront tout le long de (M)imosa.
Les solos se succèdent, s’imbriquant et luttant pour relever la question initiale du projet, à savoir si ces deux genres de danse peuvent coexister dans une même proposition esthétique. Le quatuor n’aura de cesse de fréquenter ces possibles tout le long du spectacle, plongeant dans l’histoire du Voguing par le biais de récits touchants, tout en poussant avec créativité ce qui peut en émaner. Chacun propose sa propre version et une nouvelle forme de danse prend vie.
La générosité des quatre artistes et l’échange qu’ils entretiennent avec le spectateur, lui aussi sous les projecteurs, amène une densité à l’esthétique débridée de la proposition scénique. Les costumes s’alternent dans le grand bal de l’expression gaie et libératrice et transforment radicalement les corps. L’expérience est d’une force prenante autant dans ce qu’il y a de profond comme de superficiel, recouvrant plusieurs réalités homosexuelles, mais surtout humaines, prenant chaque différence pour de tangibles créations artistiques. En émerge une création multidisciplinaire qui bouleverse les codes de la performance. Tout simplement sublime, le spectacle dépose une étoile dans le cœur de tous ceux qui souhaitent s’ouvrir au genre.
Pour ceux qui ne pourront pas assister aux représentations de (M)imosa, Paris is burning at Judson’s Church est THE FILM pour comprend le Voguing dans toute sa beauté.