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Festival TransAmériques - 6, 7, 8, 9 juin 2012, 20h
AlexisLa pérégrin chérubinique
Théâtre
En français
Un spectacle de L’École sauvage
Texte Jovette Marchessault
Mise en scène et interprétation Pol Pelletier

Profession de foi
Obstinée magnifique, Pol Pelletier revient en force, portée par l'éclat poétique des mots de Jovette Marchessault et enveloppée des musiques intemporelles de Jean-Jacques Lemêtre. La pérégrin chérubinique, présentée dans une ancienne église, révèle la lente agonieet la violente extase mystique d'une femme en pèlerinage.

D'une richesse inouïe, la prose crépusculaire de Jovette Marchessault fait de cette expérience un moment d'une beauté inspirante. Présence lumineuse, Pol Pelletier éclabousse le confort du spectateur, s'empare de l'autel pour l'embraser et nous galvaniser. Lemêtre, infatigable chercheur de sons, l'accompagne dans cette fête sauvage aux allures de cérémonial.

Agissant comme un baume en ces temps incertains, le spectacle se révèle une pure joie, un voyage spirituel bouleversant à l'aune d'une civilisation en déclin. Trois êtres d'exception pour un acte de résistance face à la morosité et à la médiocrité, une aventure théâtrale d’une grande intensité.

Jovette Marchessault et Pol Pelletier

Trio de choc
Depuis plus de 35 ans, Pol Pelletier enchante le théâtre québécois. Elle cofonde le Théâtre Expérimental des Femmes, après avoir été du noyau de base du Théâtre expérimental de Montréal avec Ronfard et Gravel. Elle a écrit et joué en 1976 dans le mythique collectif La nef des sorcières, brûlot radical et engagé. Dans les années 1980, elle instaure le Dojo, espace unique d'entraînement pour acteurs. Au cours des années 1990, les publics du FTA ont été chavirés par les spectacles-fleuves Joie (1993)et Or (1997). Océan complète cette trilogie où elle raconte l'histoire du théâtre, des femmes et du Québec par le biais de son parcours d'artiste. Pol Pelletier a présenté Nicole c'est moi de 2004 à 2008 au Québec ainsi qu'en France, où a également été créé Une Contrée sauvage appelée Courage. En 2011, elle crée La Robe blanche et L'Événement.

Jovette Marchessault est écrivaine, peintre et sculpteure. Elle s'est attachée à décrire d'importantes figures féminines de l'histoire : La terre est trop courte, Violette Leduc (1981), Alice et Gertrude, Natalie et Renée et ce cher Ernest (1983), Anaïs dans la queue de la comète (1985). Elle a obtenu le Prix du Gouverneur général en 1992 pour Le voyage magnifique d'Emily Carr.

Jean-Jacques Lemêtre, complice d'Ariane Mnouchkine, compose les musiques des spectacles du Théâtre du Soleil depuis 1979. Multi-instrumentiste prodigieux ainsi qu'inventeur de sons, il interprète ses compositions sur scène. On l'a vu à Montréal notamment dans Le cycle des Atrides (1990) et Tambours sur la digue (1998), présentés au Festival de théâtre des Amériques.


Section vidéo
une vidéo disponible


Musique Jean-Jacques Lemêtre
Rédaction Diane Jean

Création au Musée de l’Amérique française le 17 novembre 2008

Durée : 1 h 15

Tarif régulier : 35 $
30 ans et - / 65 ans et + : 30 $

Forfaits en vente 15% à 40% de réduction

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 7 juin

Production L'École sauvage


FTAÉglise Sainte-Brigide
1151, rue Alexandre DeSève, métro Papineau
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Mélanie Thibault

C’est un texte de Jovette Marchessault, Les vaches de nuit, qui serait l’inspiration première du travail de Pol Pelletier, première entrée que l’interprète appelle l’« autre état », découvert lors d’une représentation soulignant la journée de la femme.

La grande dame de théâtre livre, 30 ans plus tard, un texte coup-de-poing de cette auteure, Le pérégrin chérubinique. Prise actuellement de maladie, Jovette Marchessault n’aura pu assister à la représentation. Pourquoi cette auteure a-t-elle été reléguée aux oubliettes, c’est la question phare que pose Pol Pelletier à la fin de sa performance. Si tous les textes avaient cette portée que l’on peut appeler, sans gène, une véritable révolution des mots, les gens se bousculeraient au théâtre, lieu idéal pour s’affranchir des injustices.

La casserole à la main, 20 heures sonnant, quelques membres du public ont entamé leur symphonie. C’est alors qu’une bonne partie des spectateurs s’est jointe au mouvement, le porte-clés à la main, une boite de pilules, une cuillère prête à sortir du sac à tout moment, bref, tout ce qui fait du bruit, afin d’exprimer leur indignation face à un gouvernement qui refuse de s’ouvrir aux besoins du peuple. La soirée a donc commencé en force.

Le texte révèle le caractère mystique rattaché au christianisme d’antan, ce qui porte plus haut, le tout se déroulant dans une église, l’actrice et sa voix profonde vêtue d’une longue robe noire. Elle conservera le texte, présenté sous forme de livret, dans sa main gauche. C’est un choix judicieux, Pol Pelletier incarnant les personnages du texte, tout près du public, tout en gardant la distance narrative nécessaire pour rendre hommage aux mots de l’auteure, sans autre décor que l’église elle-même. L’ombre du corps de l’interprète se projette sur le mur derrière le spectateur comme pour l’inclure davantage dans cette traversée mystique.

L’ambiance du texte est également recréée par des sons de tout acabit : l’orgue, bien sûr, mais aussi le vent, les voix d’enfants et encore de beaux sons, admirablement accompagnés par Jean-Jacques Lemêtre.

La soirée s’est terminée avec autant de fougue. Pol Pelletier, à la fin de la représentation, a invité ses convives à prendre un verre de vin rouge, question de se changer et de faire place à une autre représentation surprise.

C’est dans une procession vers l’autel que le spectateur, sa chaise à la main, a d’abord pris part au mouvement. Avec aplomb et sensibilité, c’est une véritable catharsis qu’elle déploie, le visage maquillé de blanc, des chaussures rouges aux pieds, une robe de petite fille accrochée à son pull. Autant de symboliques qui seront portées par les mots de l’artiste. Les blessures nées d’agressions de la part d’un curé lors de ses trois ans auront refait surface pour cracher une douleur trop souvent laissée sous silence. Comme elle l’a si bien dit pour le texte de Jovette Marchessault, elle aussi « saisit sa souffrance et la transforme en lumière. » Il n’y a pas plus beau cadeau à offrir.

Un théâtre salvateur qui s’immisce dans les parties profondes de l’inconscient collectif, ses aliénations inconscientes, son repli. Il est temps de changer les choses, le théâtre de Pol Pelletier est un tremplin pour la révolte. Elle propose au spectateur d’agir à présent en extériorisant chaque oppression par les mots. C’est utopique, comme Pol Pelletier sait l’être, mais on ne perd rien à tenter le coup.

07-06-2012