Résonances anatomiques
Réunis dans une captivante création-exposition, des danseurs, des plasticiens, des artistes médiatiques, des penseurs et des bâtisseurs d’espaces sonores et visuels transforment la Galerie de l’UQAM en un kaléidoscope géant. Panorama éclaté de regards sur le corps. Un homme joue avec son double numérisé tandis que le génome d’une danseuse s’inscrit sur une toile. Un fœtus sommeille dans un aquarium à quelques enjambées de planches anatomiques imaginaires. Libre de ses déplacements, le spectateur-visiteur s’attarde à l’orée d’une forêt de fils blancs peuplée de mots et de mouvements imprévisibles. En deux pas, il se rapproche du souffle d’un danseur et d’une peau qui se lit en gros plan sur écran. Échos multiples du mystère insondable de ce Corps en question (s).
Dans la lignée de l’aventure interdisciplinaire menée en 2007 au FTA avec Perspectives Montréal, la chorégraphe Isabelle Van Grimde se fait commissaire d’exposition pour mettre en scène une réflexion puissante sur le devenir du corps, entre nature, culture, sciences et technologies. Une expérience inédite.
Isabelle Van Grimde
La danse, lieu d’expériences et de rencontres
Surtout connue pour la richesse du dialogue qu’elle entretient entre danse et musique, la Belgo-québécoise Isabelle Van Grimde est avant tout une passionnée du corps. Concentrée à en sonder les mystères depuis 1987, elle intitule ses œuvres de jeunesse Au sommet de tes côtes, Par la peau du cœur ou À l’échelle humaine. En 1992, elle baptise sa compagnie Van Grimde Corps Secrets et elle entame, en 2004, une série de grandes entrevues sur le corps qui influenceront sa gestuelle et donneront naissance à la création-exposition Le corps en question(s). La volonté de multiplier les perceptions possibles du corps qui fonde cette nouvelle œuvre compte parmi les éléments au cœur de la démarche artistique de la chorégraphe et s’est déjà exprimée dans des pièces telles que Trois vues d’un secret, Les chemins de traverse I et Vortex. Parallèlement, son désir d’ouvrir les champs de perception pour ses créations se traduit dans le choix de les présenter selon le principe de l’œuvre ouverte depuis 2005 et dans des collaborations interdisciplinaires : avec des créateurs d’autres disciplines artistiques dans Perspectives Montréal (FTA, 2009) ; avec les milieux scientifiques dans Duo pour un violoncelle et un danseur et Les gestes, où des instruments de musique numériques deviennent des extensions du corps.
Section vidéo
une vidéo disponible
Artistes visuels et médiatiques Derek Besant, Brennan/Caulfield/Mills, Kate Craig, Nadia Myre, Marilène Oliver, Monique Régimbald-Zeiber
Musique Thom Gossage
Architecture et scénographie Anick La Bissonnière en collaboration avec Éric O. Lacroix
Lumières Lucie Bazzo
Vidéo Foumalade
Essais Dr Cristian Berco, Dr Dawna Gilchrist
Comité de conseil en arts visuels Louise Déry, Kitty Scott
Photo Michael Slobodian
Rédaction Fabienne Cabado
Création
Durée : 25 minutes
Tarif régulier : 20 $
30 ans et - / 65 ans et + : 20 $
Forfaits en vente 15% à 40% de réduction
En parallèle
Isabelle Van Grimde et invités : Le corps en question(s) - Rencontre avec ISABELLE VAN GRIMDE + MONIQUE RÉGIMBALD-ZEIBER + Dr CRISTIAN BERCO (Le corps en question (s), Montréal).
En collaboration avec la Société canadienne d’études en danse à l’occasion du colloque « Collaboration : intersections, négociations, médiations dans les mondes de la danse », dont la première journée se tient au Quartier général du FTA.
Français + anglais
Jeudi 31 mai 2012 - 15 h 30
Entrée libre - Quartier général
En collaboration avec Brian Webb Dance Company (Edmonton)
Coproduction Festival TransAmériques, Brian Webb Dance Company, CanDanse Réseau canadien des diffuseurs de danse (Toronto), Festival Danse Canada (Ottawa), Centennial Theatre (Lennoxville), University of Alberta
Résidences de création The Banff Centre, Agora de la danse
Codiffusion Galerie de l’UQAM
Galerie de l'UQAM
1400, rue Berri, Salle J-R120
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est
par Olivier Dumas
Lors de notre entrée dans la Galerie de l’UQAM, c’est la blancheur presque clinique d’un hôpital qui frappe d’abord les yeux et les sens. Avec son installation-concept intrigante, Le corps en question, la commissaire et chorégraphe Isabelle Van Grimde propose une réflexion appétissante et parfois surprenante, même si elle n’ébranle pas tous nos sens.
Dans un espace où se regroupent comédiens, danseurs et créations variées d’artistes plasticiens, le public peut se réjouir que l’instigatrice, qui avait mené l’aventure Perspectives Montréal pour le même festival en 2007, n’ait pas privilégié la carte de la provocation. Certaines expériences sur le même thème, comme Bodies, avaient suscité bien des réactions. Ce n’est pas le cas ici : sur un ton d’une étonnante délicatesse et même d’une certaine pudeur, les spectateurs se promènent entre les nombreuses réalisations multidisciplinaires et frôle même les interprètes en chaire en et os qui ne réagissent aucunement aux réactions et aux stimuli dans cet environnement en perpétuel mouvement.
Pendant tout le trajet se dégage un sentiment de tristesse et de stupeur devant les nombreuses représentations froides de l’anatomie humaine. L'installation se situe aux antipodes du désir, de l’érotisme ou de toute autre dimension charnelle. Alors que les sociétés néolibérales et technoïdes se gargarisent d’une libération sexuelle et d’un affranchissement de toute cloison entre individus, Le corps en question nous interpelle beaucoup. Par son cloisonnement entre époques, histoires et continents, elles multiplient les réflexions sur les traditions et la modernité, dans un constat que l’évolution ne tend pas toujours vers le meilleur.
Dès les premiers pas dans ce lieu, l’impression numérique de la professeure et généticienne de l’Université de l’Alberta, Dawna M. Gilchrist, intitulée L’étincelle divine, sommes-nous davantage que l’expression de nos gènes, frappe d’emblée par son propos percutant. Juste à côté, le vidéo Délicate Issue de la Canadienne Kate Craig nous montre en gros plan des bouts de sa peau, de ses paupières où les rides et tâches ne sont pas dissimulées. Filmé en 1979, il s’accompagne d’une respiration profonde comme un mantra que l’on peut entendre avec des écouteurs. Dans un autre petit film, une animation de Nadia Myre projetée sur le sol, nous voyons une femme recroquevillée sur elle-même qui change de formes dans des jeux de lumière très saisissants. C’est probablement l’une des réalisations les plus intéressantes par sa simplicité rudimentaire. Elle crée également un contraste saisissant par rapport à d’autres projections. Celles-ci apportent une dimension plus didactique à l’ensemble. Sur les murs, le public observe des images de squelettes aux torses colorés de bleu et de jaune que l’on retrouve habituellement dans les documentaires scientifiques. L’art et la technologie se complètent et s’interpellent donc habilement.
Vêtus de couleur chair, les interprètes sont immobiles ou se déplacent debout ou à quatre pattes. Par moment, ils effectuent quelques mouvements de danse comme des impulsions. Lors de mon passage, Marie Brassard jouait avec des pièces en forme de carré qu’elle manipulait sur le sol, comme les morceaux d’un casse-tête. Avec ses cheveux gris, son torse poilu et son ventre bedonnant, le chorégraphe Brian Webb magnifie ces défauts physiques par son énergie lente et habitée. Nous retrouvons également dans ce microcosme de l’acrylique, des plumes d’autruche, des fils de nylon, des objets symboliques de nos ancêtres et de la poudre d’argile.
La conception sonore comblera tout amateur de musique électroacoustique avec ses moindres bruissements amplifiés comme ceux d’une clochette ou d’un vent qui laissent entendre les échos de rugissement. Elle ajoute une touche de tension, de violence contenue et de grondement sous-jacent à une proposition artistique surtout très cérébrale.
Par son hybridité de disciplines artistiques diverses, l’exposition conçue par Isabelle Van Grimde remplit parfaitement son mandat de témoigner en ce premier quart de 21e siècle d’un sujet qui a défié et transcendé les cultures, les siècles et les peuples. Si le cœur et l’affect ne sont pas entièrement comblés, les interrogations fusent à la sortie de ce Corps en question intellectuellement stimulant.