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Festival TransAmériques - 30-31 mai 2013, 20h, 1er et 2 juin 2013, 16h
GaneshGanesh versus the Third Reich
Théâtre
En anglais avec surtitres français
Un spectacle de Back to Back Theatre
Mise en scène, conception et scénographie Bruce Gladwin
Coauteurs Mark Deans + Marcia Ferguson + Bruce Gladwin + Nicki Holand + Simon Laherty + Sarah Mainwaring + Scott Price + Kate Sulan + Brian Tilley + David Woods
Interprétation Mark Deans + Simon Laherty + Scott Price + Luke Ryan + Brian Tilley

Hitler a volé à l’Inde le svastika pour en faire la croix gammée nazie. Ganesh, le dieu à tête d’éléphant voué à combattre l’ignorance, part en Allemagne récupérer cet ancien symbole sanskrit du bien. Mais que pourra Ganesh contre les écueils qui naissent en salle de répétition ? Car les comédiens se demandent qui d’entre eux vont jouer les nazis, ou s’il faut connaître le judaïsme pour incarner un Juif. Et si, au nom du bien commun, il faut accepter de faire confiance à un tyran : le metteur en scène.

Ganesh Versus the Third Reich pose de façon ludique, poétique et politique les questions brûlantes de l’appropriation culturelle, du droit de représenter l’autre et… des jeux de pouvoir du quotidien. Ce spectacle d’une beauté aussi rare qu’inédite, souvent étonnamment drôle et toujours bouleversant, doit sa grâce à ceux qui l’ont créé : des comédiens atteints de déficience intellectuelle, réunis au sein d’une compagnie australienne qui leur donne la parole. Authentique.

Le Back to Back Theatre a été fondé en 1987 à Geelong, dans le sud-est de l’Australie, près de Melbourne, afin de créer du théâtre avec des gens socialement stigmatisés comme ayant une déficience intellectuelle. Utilisant de façon privilégiée leur position d’exclus pour porter sur le monde un regard discordant, les membres du Back to Back Theatre explorent à travers le théâtre les points de friction entre l’instrumentalisation économique et l’humanisme, le social et l’artistique, les nécessités légitimes des individus et la tyrannie de la normalité. La compagnie, qui comprend cinq comédiens permanents, est dirigée depuis 1999 par le metteur en scène Bruce Gladwin. Privilégiant un processus créateur à très long terme basé sur l’écriture par improvisation des comédiens, Bruce Gladwin et sa compagnie ont, dernièrement, développé une théâtralité radicale par une mise en valeur des enjeux réels qui sous-tendent la représentation. Ils déploient ainsi une esthétique fondée sur la poésie visuelle, le ludisme et la simultanéité, en continu, du performatif et du représenté.

Les quatre plus récentes créations majeures du Back to Back Theatre — soft (2002), small metal objects (2005), Food Court (2008) et Ganesh Versus the Third Reich (2011) — ont valu une importante renommée internationale à la compagnie, qui a tourné dans plus de 50 villes et plusieurs grands festivals à travers le monde au cours des 10 dernières années.


Section vidéo
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Lumières Andrew Livingston
Scénographie Mark Cuthbertson
Animation Rhian Hinkley
Musique Jóhann Jóhannsson
Masques Sam Jinks + Paul Smits
Costumes Shio Otani
Photo Jeff Busby
Rédaction Paul Lefebvre

Création au Malthouse Theatre, Melbourne, le 29 septembre 2011

Durée : 1h40

Tarif régulier : 43 $
30 ans et moins /
65 ans et plus : 38 $
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 31 mai

Présentation en collaboration avec Usine C + Carrefour international de théâtre (Québec)


FTAUsine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Jeff Busby

Un insolite objet théâtral en provenance d’Australie visite la métropole ces jours-ci à l’occasion du Festival TransAmérique. Ganesh Versus the Third Reich, de la compagnie Back to back Theatre, propose aux spectateurs de suivre le dieu hindou Ganesh dans sa quête pour récupérer le svastika (un symbole sanskrit) au coeur de l’empire nazi, qui en a fait sa terrible croix gammée. L’action se passe en 1943, en pleine Deuxième Guerre mondiale.

Pari osé pour cette compagnie provenant de Melbourne, petite ville industrielle d’Australie : a-t-elle le droit moral d’aborder des sujets aussi sensibles et sacrés, auxquels elle n’est liée ni historiquement ni socialement? Un pari doublement risqué en raison de l’implication, dès le processus de création et jusqu’à la représentation sur scène, de personnes atteintes de handicaps mentaux. Ce sont elles qui déterminent les sujets traités par les productions de la compagnie, qui en imaginent les personnages et qui écrivent la majorité des textes. Pour Ganesh,le metteur en scène et concepteur  Bruce Gladwin s’est inspiré de ce travail de création pour bâtir un spectacle à plus d’un niveau de lecture, ce qui en fait sa grande richesse.

Sur scène, cinq acteurs, dont un seul « normal ». Celui-ci joue le metteur en scène, qui, par sa fonction, domine naturellement les autres, les dirige, les manipule. La pièce expose d’un côté la quête de Ganesh à travers l’Allemagne nazie; et de l’autre, reproduit en scène le travail des acteurs et du metteur en scène tout au long du processus de création. D’ailleurs, si ce n’était des sous-titres en français, les acteurs donneraient l’illusion parfaite d’improviser, une impression renforcée par certaines questions lancées en scène : l’acteur souffrant d’un handicap mental important peut-il distinguer la réalité de la fiction? Joue-t-il un rôle ou est-il seulement mis en scène? Quelque part, n’est-ce pas aussi l’état idéal que l’acteur cherche constamment à atteindre? Un moment de grâce parce que juste et vrai?

Le léger malaise ressenti lorsque la pièce nous propose de rire des handicaps disparaît vite, car le spectacle, vif et drôle, joue allégrement avec les limites de ses acteurs et avec le malaise des spectateurs, le faux metteur en scène allant jusqu’à accuser le public (un public imaginaire bien sûr) d’être venu voir un spectacle de monstres.

Ce collage de tableaux s’intéresse à l’appropriation culturelle tout en se penchant sur la question du pouvoir : d’abord le pouvoir que l’homme a donné aux symboles, devenus des dieux, puis le pouvoir d’un dictateur comme Hilter... ou du metteur en scène lui-même. Plus on défie celui-ci, plus il affirme sa domination allant jusqu’à pousser les acteurs dans leurs derniers retranchements. On se penche donc sur le pouvoir qu’il a sur nous et sur celui qu’on lui accorde... Mais Ganesh n’est pas qu’un spectacle de paroles, la production mise aussi sur un magnifique décor. D’immenses rideaux déplacés au fil des tableaux servent de toile de fond pour d’extraordinaires jeux d’ombres. En coulissant, ils créent tour à tour une vaste forêt, une maison, un ciel étoilé (de toute beauté) ou même un train derrière lequel défilent les Alpes suisses. Une scénographie simple et brillante signée Bruce Gladwin et Mack Cuthbertson.

Avec cette production, Back to back Theatre avançait en terrain miné, mais la compagnie a su éviter tous les obstacles et les chausse-trappes de la moralité pour présenter un spectacle dans lequel le handicap occupe le centre de la scène tout en s’intégrant magnifiquement à l’histoire, n’occultant aucun des enjeux sociaux soulevés par la pièce.

31-05-2013