Age & Beauty Part 1 : Mid-Career Artist/Suicide Note Or &:-/Au milieu de sa vie, l’impudique Miguel Gutierrez s’engage dans un cycle de création joyeusement angoissée. Son journal intime chorégraphié jaillit sur la scène. De retour au FTA, le bouillonnant créateur new-yorkais plonge vers le crépuscule de l’artiste dans une célébration insolite et délinquante.
Les pulsations d’une boîte de nuit martèlent l’espace immaculé. Vêtu d’un maillot de bain rose fleuri, Gutierrez entame à l’unisson avec le jeune Mickey Mahar une impitoyable partition aérobique, exaltant les contrastes de leur duo dépareillé. Gracieux et délicat, Mahar, 25 ans, est un pierrot mélancolique. Derrière son outrageux maquillage fuchsia, Gutierrez, 44 ans, a autrement vécu. Solidaires, ils scandent inlassablement « We are the dancers ». Une fièvre lascive et indisciplinée prend le pas sur la géométrie de la danse, le désir attise les deux corps avec la même fougue. Et Gutierrez, glorieux, détourne le chant du cygne avec sa pop viscérale et ivre de futur.
Constellations indisciplinées
Établi à Brooklyn depuis 1997, Miguel Gutierrez influence toute une génération de danseurs de la scène new-yorkaise avec ses performances queer irrévérencieuses et indisciplinées. Son travail déborde les corps par des musiques, des textes et des chansons qu’il crée avec le même engagement féroce. Avec ses nombreux collaborateurs, il a créé une quinzaine de pièces, notamment Retrospective Exhibitionist and Difficult Bodies (2005), pour lequel Gutierrez reçoit un prix Bessie, ou And Lose the Name of Action (2012). Animé par le désir de redéfinir les formes, Gutierrez privilégie les processus aux résultats, pour leur temporalité variable et leurs écueils créatifs. Parallèlement aux créations, il donne de nombreux ateliers et soulève aussi les foules dans des soirées de workout sexy avec sa technique de DEEP AEROBICS.
Au FTA 2011, il présentait Last Meadow en compagnie de deux formidables danseurs. Cette année, il revient avec le premier volet de la série Age & Beauty, entamée au cours de l’édition 2014 de la Biennale du Whitney Museum. Gutierrez interroge ici la représentation du danseur et le vieillissement de l’artiste gay à mi-carrière. Comment l’artiste peut-il durer dans la profession s’il tient compte du gouffre financier qui le guette et des impératifs de la performance ? Comment peut-il créer en se dégageant des attentes, en se préservant de l’épuisement ? Miguel Gutierrez déploie toujours une énergie vive, mais il cherche aussi sous nos yeux de nouvelles manières d’exister en tant qu’artiste, pour notre plus grand plaisir.
Section vidéo
Musique Chuckie and Silvio Ecomo, Jerry Goldsmith, Miguel Gutierrez
Texte Miguel Gutierrez
Scénographie Miguel Gutierrez, Mickey Mahar
Costumes Dusty Childers
Lumières Lenore Doxsee
Rédaction Jessie Mill
Crédit photo Ian Douglas
Durée : 55 minutes
Tarif régulier :
34$
30 ans et moins :
28$
65 ans et plus : 31$
Taxes et frais de services inclus
En parallèle
Brooklyn à Montréal / DJ Miguel (à voir sur le site du FTA)
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 24 mai
Résidences de création et soutien Maggie Allesee National Center for Choreography - Florida State University + ]domaines[ program - Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon + Hollins University (Roanoke) + Whitney Biennal 2014
Présenté en collaboration avec Théâtre Prospero
Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est
par Gabrielle Brassard
99% danse
Crédit photo : Ian Douglas
Le très attendu chorégraphe new-yorkais Miguel Gutierrez (Last Meadow au FTA en 2011) présente, au Théâtre Prospero, sa nouvelle performance, Age & Beauty Part 1 : Mid-Career artist/suicide note or &:-/.
Dans une salle aux lumières blanches criantes, enveloppés de draps blancs, les deux danseurs, soit le très charismatique Miguel Gutierrez et son très jeune complice Mickey Mahar, excellent danseur, mais dont le sérieux, la pâleur, l'âge et la concentration contraste avec Gutierrez, nous accueillent avec du vernis rose qui circule parmi le public, et du rose un peu partout sur le plancher et les draps du décor.
Gutierrez en maillot rose, Mahar en habits de sport drabes ; la différence est très visible. Mais voilà une part de l'intérêt de Age & Beauty, première partie d'une trilogie qui s'étendra jusqu'à l'automne, entamée en 2014 dans le cadre de la Biennale du Whitney Museum.
Cette nouvelle œuvre, donc, aborde en vrac les thèmes du vieillissement, de la mi-carrière de l'artiste, de la beauté, de la laideur, et des identités sexuelles troubles et queer, l'un des sujets de prédilection de l'artiste de Brooklyn. Age & Beauty n'y fait pas exception, autant dans la danse que par le physique des danseurs. La représentation commence par des segments de danse très bien exécutés et d'une courte durée, soit une heure. On pourrait croire que le spectacle ne sera que ça, et c'est très bien ainsi. Les danseurs ont une complicité palpable, et exécutent impeccablement et gracieusement les chorégraphies.
Cependant, à la mi-parcours, on observe un changement radical du spectacle. La danse devient plus énergique, les danseurs se touchent beaucoup, rappelant à la fois des bagarres, des moments de folie et des scènes érotiques. Puis, un long segment parlé, qui fait référence à l'identité, autant artistique que sexuelle, nous emmène ailleurs. La fin est ponctuée d'un délire psychédélique sur fond de musique technologique, nous enjoignant à quitter la salle.
Intéressante démarche que celle de Gutierrez. Ses thèmes, son charisme et les oppositions qu'il sait rendre intelligibles et visibles sur la scène hypnotisent et réussissent à garder le public captif de son œuvre.