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Festival TransAmériques - Du 25 au 30 mai 2015, 19h
Tu iras la chercher
Théâtre
Un spectacle de Millimètre
Texte : Guillaume Corbeil
Mise en scène : Sophie Cadieux
Avec : Marie-France Lambert

Première mise en scène de Sophie Cadieux, premier coup d’éclat. Un voyage initiatique à la recherche de l’inaccessible image de soi. Guillaume Corbeil, auteur de Cinq visages pour Camille Brunelle, crée un tour de force théâtral, étrangement hypnotique, qui aspire le spectateur dans un rêve éveillé. Et Marie-France Lambert, virtuose, se transforme en une femme anonyme qui devient étrangement le reflet élusif de toutes les femmes.

Sur un coup de tête, une femme s’envole pour Prague à la poursuite d’une autre femme. Or, cette autre femme, c’est elle — ou plutôt l’image qu’elle se fait d’elle-même — tant et si bien qu’elle ira jusqu’à montrer à des touristes sa propre photo de passeport pour savoir s’ils ne l’auraient pas aperçue… Quête impossible. Spirale narrative envoûtante qui multiplie les reflets du soi, semant le doute au fur et à mesure qu’on les découvre. Insaisissable. 

Têtes chercheuses
Une des voix majeures de la dramaturgique québécoise récente par son acuité formelle et son exploration du concept même de représentation, Guillaume Corbeil détient une maîtrise en création littéraire de l’UQAM et un diplôme en écriture dramatique de l’École nationale de théâtre. Auteur d’un recueil de nouvelles, L'art de la fugue (prix Adrienne-Choquette 2009), et d’un roman, Pleurer comme dans les films, il a également publié une biographie du metteur en scène André Brassard. Sa pièce Cinq visages pour Camille Brunelle / Nous voir nous, créée par le Théâtre PÀP, lui vaut le prix Michel-Tremblay en 2013. 

Depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 2001, Sophie Cadieux s’affirme comme l’une des têtes pensantes et agissantes du théâtre au Québec, autant par son travail de comédienne et de codirectrice artistique du Théâtre de la Banquette arrière que par ses fréquentes interventions publiques. De 2011 à 2014, elle est artiste en résidence à Espace GO, où elle est à l’origine de plusieurs projets dont deux des Drames de princesses d’Elfriede Jelinek Blanche-Neige  et La belle au bois dormant— ainsi que La fureur de ce que je pense d’après des textes de Nelly Arcan et Tu iras la chercher, sa première mise en scène, qui lui vaut une nomination aux Prix de la critique 2013-2014 de l’Association québécoise des critiques de théâtre.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène Emanuelle Kirouac S.
Lumières Marie-Aube St-Amant Duplessis
Scénographie Max-Otto Fauteux
Environnement sonore Anne-Marie Levasseur
Costumes Ginette Noiseux
Rédaction Paul Lefebvre
Crédit photo Caroline Laberge

Création à Espace Go, Montréal, le 11 mars 2014

Durée : 1h20

Tarif régulier : 39$
30 ans et moins : 33$
65 ans et plus : 36$
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Montréal la désinvolte / DJ Sophie (à voir sur le site du FTA)
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 26 mai

Production Millimètre
Coproduction Festival TransAmériques
Présentation en collaboration avec Espace Go


FTAEspace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est


Dates antérieures (entre autres)

Du 11 au 27 mars 2014, Espace Go

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Caroline Laberge

Après nous avoir offert l’an dernier Cinq visages pour Camille Brunelle, véritable succès critique et populaire de la saison 2012-2013, Guillaume Corbeil récidive avec le sobre et très beau Tu iras la chercher, un récit entièrement écrit à la deuxième personne du singulier.

Une femme, qui ne sait plus tout à fait qui elle est, ni ce qu’elle fait là, attablée devant cette femme (une amie?) qui lui raconte ses malheurs, décide sur un coup de tête de partir pour Prague, peut-être à la poursuite d’une autre femme, peut-être pour y retrouver qui elle est vraiment. Elle décrit le moindre geste, la moindre pensée, comme si elle assistait à sa vie en tant que spectatrice et se regardait agir, derrière une vitre.

Difficile pour le spectateur, malgré la froideur apparente du texte — introduite par cette narration inhabituelle et le ton d’abord monocorde de l’actrice — de demeurer totalement détaché de ce qu’il entend. Interpellé par ce grand « tu », il n’a d’autre choix que de se sentir inclus ou de répondre mentalement aux questionnements de la femme. Le spectateur ne peut s’empêcher de visualiser les scènes ou les actions évoquées, de devenir le reflet de cette autre en scène, d’en faire sa propre voix, d’en devenir le reflet et d’épouser sa quête identitaire. Car qui ne s’est jamais senti étranger à lui-même pendant au moins quelques instants? Qui ne s’est jamais demandé s’il était l’original ou une simple copie d’autres identités, et si un seul de ses souvenirs lui appartenait vraiment? Est-on réellement ce qu’on affiche ou cherche-t-on plutôt à correspondre à l’image et au ton qu’on attend de soi?

Avec ce court monologue, qui ne dure en fait qu’une trentaine de minutes, Guillaume Corbeil démontre une nouvelle fois son habileté à manier le texte comme une partition, parsemant son récit de citations percutantes qu’on voudrait graver dans sa mémoire, et se jouant des mots tout autant que du ton. Il nous présente avec précision cette femme égarée loin d’elle-même sans jamais la décrire ou nous dévoiler la moindre information sur elle. Une seule écoute ne suffit pas pour entendre toutes les subtilités du texte. Heureusement, une fois parvenue à la conclusion que « tôt ou tard, tu le sais, tu repartiras la chercher », la femme incarnée par Marie-France Lambert reprend son monologue de zéro. Mais sa voix perd peu à peu de sa neutralité, se fait plus hésitante, plus nuancée, son contrôle lui échappe par moments, si bien que le public redécouvre le texte sous un nouvel éclairage, littéralement. Le corps de la femme, moins rigide, marque aussi l’hésitation, bouge plus naturellement. À quelques mots près, il s’agit pourtant du même texte, de la même série d’événements perturbants pour cette femme en perte d’identité.

La scénographie géométrique et épurée de Max-Otto Fauteux se prête parfaitement à l’univers de la femme en représentant des lieux aseptisés ou anonymes comme les aéroports, lieux de transit par excellence indifférenciés et indifférenciables. Entièrement blanc, éblouissant pendant la première partie du spectacle, il se pare de couleurs entières, sans compromis en deuxième partie, tandis que la froideur de la femme se fissure et laisse voir la fragilité qui la sous-tend.

Pour cette production, qui clôt sa résidence de trois ans au théâtre Espace Go, Sophie Cadieux propose une mise en scène découpée au scalpel de la précision. Son travail d’orfèvre sert magnifiquement le texte de Corbeil tout en s’effaçant pour laisser briller le talent de la comédienne.  Seule en scène, Marie-France Lambert livre une performance à la hauteur de l’intensité qu’on lui connaît. Figée d’un côté de la scène pendant de longues minutes, la comédienne ne manque pourtant pas de nous happer dès qu’elle ouvre la bouche pour s’adresser à nous, à elle-même... on ne sait trop qui elle tutoie ainsi. L’interprète maîtrise son texte presque à la virgule près, et nous emporte dans les tourments du mal être de la femme, de sa quête d’identité, sur terre et dans les airs à la poursuite de cette autre qui n’est peut-être en fait qu’elle-même, toujours en avance tandis qu’elle est à la traîne, essoufflée par cette quête sans fin, éternellement à recommencer.

14-03-2014