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Festival TransAmériques - 27, 28 et 29 mai 2015, 20h, 30 et 31 mai 2015, 16h
Passim
Théâtre
Un spectacle de Théâtre du Radeau
Mise en scène et scénographie  François Tanguy
Interprétation Laurence Chable, Patrick Condé, Fosco Corliano, Muriel Hélary, Vincent Joly, Carole Paimpol, Karine Pierre, Jean Rochereau

Passim s’élève sur les ruines d’une humanité enfiévrée. Maître incontesté de bricolages virtuoses, François Tanguy se livre à une archéologie de l’instant. À la barre du Théâtre du Radeau établi au Mans depuis près de 35 ans, il remue les entrailles de l’histoire de l’art, de la littérature et de la musique en quête d’une rare poésie. Sublime. 

Ombres ou silhouettes, héros, rois et reines. Des acteurs splendides domptent des fragments d’éternité et empoignent l’imaginaire. Ils font valser des meubles, des cadres vides, des panneaux de papier peint bigarré, les pans d’un espace de tous les possibles. Tout est de guingois dans ce théâtre, taillé dans l’éphémère. Cheval bricolé, couronne de carton, robes et vestes fastueuses, sortis d’une épopée sans âge. Des tableaux vivants surgissent et disparaissent, glissent de leur châssis et s’évanouissent dans une triste fête indéfinissable. Des précipités littéraires, d’Euripide à Molière ou de Shakespeare à Flaubert, croisent leurs complices musicaux : Beethoven, Cage, Haendel ou Xenakis… Dans l’envoûtement de ce bal improbable, l’acuité du sens nous échappe. L’émerveillement est grandiose.

Demeurer sur la crête
Somptueux et mouvant, le langage poétique de François Tanguy ne dit pas ce qu’est le théâtre. Il en est la réinvention continue, provisoire, échevelée. Réfractaire aux étiquettes, le metteur en scène rejette aussi les modes d’emploi. Il s’occupe plutôt à déstructurer et à libérer le champ du sensible pour que la rencontre advienne.  

Avec sa compagnie, le Théâtre du Radeau, qu’il dirige depuis 1982, François Tanguy invente une dramaturgie onirique qui prend corps dans une machinerie tout artisanale. Architecte du clair-obscur, il signe des espaces dynamiques que la lumière enchante. Tous ses spectacles voient le jour à la Fonderie, au Mans, dans un ancien entrepôt devenu fabrique de théâtre. Hospitalier et ouvert, le lieu accueille des artistes de passage, des projets en gestation et sert de QG aux associations locales. C’est dans cette proximité du monde que François Tanguy guide les fidèles acteurs de sa compagnie au fil d’une recherche patiente. Le théâtre qu’il guette peut sembler vertigineux. Il se passe sur la crête, surgit au seuil, dans un espace-temps fugace qui ne fait qu’apparaitre. Ses spectacles, comme Mystère bouffe (1986), Chant du bouc (1991), Coda (2004) ou Ricercar (2007), semblent surgir d’une même ruine hantée par l’histoire de l’art, la littérature, l’humanité et ses mystères. En 1994, il présentait Choral au Théâtre Espace Go à l’occasion du Festival de théâtre des Amériques. C’est une immense joie de l’accueillir à nouveau.


Section vidéo


Son Eric Goudard, François Tanguy
Lumières François Fauvel, Julienne Havlicek Rochereau, François Tanguy
Rédaction Jessie Mill 
Crédit photo Théâtre du Radeau

Création au Théâtre National de Bretagne, Festival Mettre en scène, Rennes, le 7 novembre 2013

Durée : 1h45

Tarif régulier : 50$
30 ans et moins : 40$
65 ans et plus : 43$
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 28 mai

Coproduction Théâtre National de Bretagne - Centre européen théâtral et chorégraphique, MC2 Maison de la Culture de Grenoble - Scène nationale, Le Grand T Théâtre de Loire-Atlantique (Nantes), LU Le lieu unique - Scène nationale de Nantes, Centre dramatique national de Besançon 
Coréalisation T2G Théâtre de Gennevilliers, Festival d’Automne à Paris
Présentation avec le soutien de  Institut Français, Service de coopération et d’action culturelle du Consulat général de France à Québec en collaboration avec Espace GO 


FTAEspace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon

De-ci, de-là…


Crédit photo : Brigitte Enguerand

Il est de ces spectacles dont on peut difficilement dire : « j’ai aimé » ou « j’ai détesté », sans qu’on y reste pourtant indifférent. Passim (une expression latine signifiant « çà et là dans le texte ») fascine les sens tout en poussant l’esprit à la dérive. De fait, sur l’échelle d’appréciation, il faudrait un barreau juste pour la création du Théâtre du Radeau, car Passim, de François Tanguy, est un objet théâtral qui bouscule la forme et invite à la contemplation.

Les premières paroles, qui coulent, monocordes et à peine audibles, hors de la bouche d’une comédienne seule en scène, nécessitent déjà un effort de concentration.  « Regardez! Là-bas, au ras de la crête… Ne dirait-on pas une tête qui apparaît… » Les mots décrivant le combat d’Achille contre la reine des Amazones se meuvent avec la même lenteur que l’actrice, plongée dans une pénombre que nos yeux tentent de percer. À l’instar de ce premier tableau, Passim est une production qui respire. Chaque parole, chaque geste est un souffle qui nous porte vers le tableau suivant, d’un texte glissant dans un autre. On y reconnaît parfois un extrait du Roi Lear (la fameuse scène du partage des terres du roi entre ses filles, fort efficacement mise en scène ici), tantôt du Tchekhov, du Marlowe ou du Molière, des textes toujours bercés, par moment enterrés, par la musique classique de Beethoven, de Schubert, de Cage…

Dans le cadre instable d’une scène où s’empilent les châssis, les tréteaux et les cadres (de portes, de fenêtres, de tableaux…),  l’espace de jeu est en constant déséquilibre. Dans ce qui a toute l’apparence d’un entrepôt-débarras, tout devient cadre ou porte ouverte, même un vieux divan rouge défoncé ou un cheval de bois, qui se transforme en monture pour un Don Quichotte désorienté. Au fil de la présentation, la scène s’encombre ou se dégage au gré des déplacements de décor. Ce sont autant d’espaces de jeu qui se créent, des brèches par où les acteurs s’aventurent jusqu’à nous.

Passim joue de cette théâtralité fuyante, comme les ombres passant pour la réalité, alors que les acteurs se glissent entre les cadres pour laisser paraître et disparaître des fragments choisis de grands auteurs. Notre esprit, plutôt que de s’accrocher aux mots dits, aux idées exprimées, part à la dérive, s’égare dans des contours à peine esquissés par la pénombre persistante, pour mieux revenir valser avec les acteurs emperruqués. C’est dans ce constant va-et-vient, de-ci de-là, que Passim s’enracine dans notre mémoire, comme un songe vite évanoui mais dont les images, avant de se dissoudre sous nos yeux, s’impriment doucement en nous.

28-05-2015