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Festival TransAmériques - Du 27 au 29 mai 2017, 20h
Antoine et Cléopâtre
Théâtre
En français
Création originale Mundo Perfeito
Texte Tiago Rodrigues avec des citations de Antoine et Cléopâtre de William Shakespeare
Mise en scène Tiago Rodrigues
Interprétation Sofia Dias + Vítor Roriz

Immense et sulfureux, le couple royal Antoine et Cléopâtre ne connaît pas de repos définitif. Imprégné des leçons de Plutarque, des lignes de Shakespeare et de la passion épique incarnée par Elizabeth Taylor et Richard Burton au cinéma, le metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, qui a ravi le cœur des festivaliers en 2015 avec By Heart, illumine le mythe absolu.

Cette histoire mille fois entendue, Tiago Rodrigues la réécrit pour Sofia Dias et Vítor Roriz, chorégraphes et interprètes, compagnons de scène et de vie. Au bout de leurs gestes ou aux détours des phrases qu’ils complètent l’un et l’autre, Antoine inspire, Cléopâtre expire. Sofia et Vítor les nomment pour les faire exister jusqu’à se glisser en eux. Il n’y a plus d’Orient, plus d’Occident ; plus d’Égypte ni de Rome ; plus même d’homme ni de femme. Il ne reste qu’un amour qui ne cesse jamais d’être passionnel. Un acte théâtral éperdu de présent.

Tiago Rodrigues (Lisbonne) - Teatro Nacional D. Maria II

À 40 ans à peine, Tiago Rodrigues dirige depuis 2015 le Teatro Nacional Dona Maria II à Lisbonne, où il relève le pari d’un théâtre public plus libre.


Section vidéo


Scénographie Ângela Rocha
Costumes Magda Bizarro + Ângela Rocha
Lumières Nuno Meira
Collaboration artistique Maria João Serrão + Thomas Walgrave
Traduction en français Thomas Resendes
Production exécutive à la création originale Magda Bizarro + Rita Mendes
Rédaction Jessie Mill
Photo Magda Bizarro

Durée : 1 h 20

28 mai / Rencontre après la représentation

TERRAINS DE JEU

Films

Cleopatra

Dimanche 21 mai, 17 h, QG du Festival

En 48 avant J.-C., l’Empereur Jules César envoûté par Cléopâtre sur le trône d’Egypte. Puis Marc-Antoine, quelques années plus tard. Somptueux et démesuré, un film qui a mené les studios de la 20th Century Fox au bord de la faillite et qui a mythifié à tout jamais le couple Burton/Taylor.

États-Unis, Joseph L. Mankiewicz, 1963, 4 h 08, v.o. ang.

Un spectacle de Teatro Nacional D. Maria II

Coproduction Centro Cultural de Belém (Lisbonne) + Centro Cultural Vila Flôr (Guimarães) + Temps d’Images (Lisbonne)
Avec le soutien de Museu de Marinha (Lisbonne)
Résidences artistiques Teatro do Campo Alegre (Porto) + Teatro Nacional de São João (Porto) + Alkantara (Lisbonne)

Présentation avec le soutien de CAMÕES Institut de la coopération et de la langue I.P. en collaboration avec Société de la Place des Arts + Festival international de la littérature (FIL)


FTACinquième salle
Place des Arts
Billetterie : En ligne : fta.ca
Par téléphone 514 844 3822 / 1 866 984 3822
En personne :
La Vitrine, billetterie officielle du FTA* - 2, rue Sainte-Catherine Est (métro Saint-Laurent)
*En personne, les billets pour les spectacles présentés à la Place des Arts ne sont pas en vente à La Vitrine, mais exclusivement à la PDA.

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Critique

Dans le livre intitulé Apprendre 40 : Le diable c’est l’ennui, paru chez Actes Sud, le metteur en scène Peter Brook a écrit «qu’au théâtre, l’ennui, tel le diable, peut surgir à chaque moment. Il suffit d’un rien et il vous saute dessus. Il guette, il est vorace! Il cherche le moment pour se glisser de manière invisible à l’intérieur d’une action, d’un geste, d’une phrase.» Peut-être que le grand  homme de théâtre aurait poussé plus d’un bâillement devant la production Antoine et Cléopâtre présentée à la Cinquième Salle de la Place des Arts dans le cadre du FTA.




Crédit photos : Magda Bizarro

À l’âge de 40 ans, Tiago Rodrigues dirige déjà depuis 2015 Teatro Nacional Dona Maria II à Lisbonne où il souhaite proposer une pratique théâtrale libérée des oripeaux de la tradition et des visions muséales figées dans le temps. La création reprend une célèbre histoire popularisée au fil des siècles par William Shakespeare, Antoine et Cléopâtre, privilégiant ici un cadre assez minimaliste. Pendant environ une heure et vingt minutes, deux interprètes, une femme et un homme, soit Sofia Dias et Vítor Roriz, incarnent, ou plutôt nous parlent du couple mythique. Ce dernier a inspiré bien des versions différentes, dont le célèbre long métrage avec Élizabeth Taylor et Richard Burton. Tiago Rodrigues réinvente ce duo d’amoureux pour son tandem. Celui-ci est polyvalent dans sa démarche artistique : en plus d’être comédiens, Dias et Roriz sont aussi chorégraphes et forment un couple dans la vie.

Le plateau est plutôt dépouillé, à l’exception d’un très joli mobile géant qui semble plus décoratif qu’utile à l’intrigue, et d’une chaîne stéréo dont les deux artistes laissent entendre quelques magnifiques extraits de musique classique. Portant tous les deux un jean bleu délavé, les deux performeurs nous entretiennent des soubresauts qui habitent les deux figures politiques. Roriz nous parle de Cléopâtre et sa complice, d’Antoine. Avec leurs voix, mais aussi des gestes répétitifs, ils nous révèlent, entre autres, que l’un expire, pendant que l’autre expire. Tout au long de la représentation, les commentaires se succèdent, des confidences les plus banales aux actions les plus spectaculaires. Il s’agit après tout d’une reine d’Égypte et d’un général romain.

Si la tragédie historique shakespearienne a moins hanté les planches québécoises  que les Hamlet et Othello, elle a connu au moins une adaptation peu mémorable sous la gouverne de Lewis Furey au Théâtre du Nouveau Monde à l’automne 2005. Dans la présente adaptation, c’est plutôt l’absence d’évolution ou progression dramatique qui pose problème. Du début à la fin, les deux acteurs arpentent le plateau dans les mêmes positions, souvent avec les mains placées devant, comme dans certains exercices de mime, ou encore enchevêtrées pour les moments plus intimes. Devant cette démonstration plutôt inusitée, relevant davantage de l’ordre de l’évocation que de l’illustration (selon les mots du metteur en scène dans le dossier du FTA), quelques rires polis fusent à l’occasion. 

Le ton froid, dans l’esprit d’une distanciation apparentée à certaines expériences brechtiennes, crée un détachement (peut-être voulu par la compagnie?) par rapport aux enjeux du récit. Et curieusement, le spectacle devient beaucoup plus intéressant vers la fin, juste avant que le duo tire sa révérence. Pour Tiago Rodrigues, Antoine et Cléopâtre, l’une de ses tragédies shakespeariennes préférées,est une pièce monumentale et ambitieuse, parfois mégalomane, volontairement «trop imposante pour le théâtre pauvre» qu’il préconise. Ainsi, lorsque les deux comédiens délaissent légèrement ce traitement plus didactique pour quelques éclats de rire, l’atmosphère s’allège. Roriz s’exprime avec plus de liberté et de détente, tout comme sa comparse, qui osent tous deux, même, certains jeux de mots plus fantaisistes. Nous croyons alors voir des enfants qui jouent, les couples des premières œuvres scéniques d’Eugène Ionesco ou même un peu des personnages de Réjean Ducharme. L’une des dernières séquences avec l’acteur, plus monologuée et intimiste, suscite enfin une ferveur plus palpable. Elle est accompagnée d’un magnifique éclairage de Nuno Meira qui met en valeur pour l’une des rares fois la scénographie d’Ângela Rocha.

Cette relecture ou transposition d’Antoine et Cléopâtre laisse alors passer quelques fugitifs instants qui s’harmonisent enfin avec ce désir de transgression de la matière originale.             

28-05-2017