Le regard frondeur du punk, le blouson de l’ouvrier, les semelles caoutchoutées de la rue : les révoltes d’hier se compriment dans les corps. Chargés à bloc, les 10 danseurs de TO DA BONE font monter la tension jusqu’à ce que se déploie une danse fière, dure, martiale. Ces jeunes jumpers issus de neuf pays luttent avec fougue contre l’épuisement de nos forces utopiques.
Le collectif français (LA)HORDE convoque la vitesse folleu jumpstyle, une danse post-Internet dont il se plaît à déstructurer les codes : les pas précis et ordonnés, la course sur place, les quarts de tour. Il mobilise sur une même scène des danseurs jusqu’alors seuls devant leur caméra. Ici rassemblés, ils forment un bataillon éphémère et bien réel. Du peloton se détachent quelques braves, narguant prodigieusement la gravité, défiant puissamment l’endurance. La tête haute, l’insoumission se réinvente en marge de nos soulèvements qui piétinent.
(LA) HORDE (Paris)
Danse, performance, installation, cinéma : (LA)HORDE passe à l’attaque sur tous les fronts. D’abord amis, maintenant complices dans la création, Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel forment un jeune trio qui détonne dans le paysage artistique actuel.
Section vidéo
Composition sonore Aamourocean
Lumières Laïs Foulc
Costumes Lily Sato
Regard extérieur Jean Christophe Lanquetin
Rédaction Mylène Joly
Photo Tom de Peyret
Durée : 1h05
31 mai / Rencontre après la représentation
Création au Festival TransAmériques, Montréal, le 31 mai 2017
Films
Nées dans les cités cosmopolites et leurs banlieues, les danses urbaines répondent à la violence des villes, à leurs inégalités, à leur énergie. Du hip hop au voguing, du krump au pantsula, comment ces danses s’immiscent-elles dans les créations d’aujourd’hui ?
Atelier de danse
TransFormation est un atelier intensif de danse contemporaine conçu pour les danseurs professionnels, chorégraphes, enseignants professionnels et artistes émergents.
Un spectacle de (LA)HORDE
Coproduction Charleroi Danses – Centre Chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles + Théâtre de la Ville de Paris + MAC – Maison des Arts et de la Culture de Créteil + Manège de Reims – Scène Nationale de Reims + Théâtre Municipal de Porto + Pôle Sud – CDC Strasbourg + La Gaîté lyrique (Paris) + Fondation BNP Paribas + DICRéAM – Dispositif pour la Création Artistique Multimédia et Numérique (Paris)
Avec le soutien de Institut Français + Mairie de Paris + SACD – Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques + Cité internationale des arts (Paris) + Liberté Living Lab (Paris)
Résidences Charleroi Danses – Centre Chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles + MAC – Maison des Arts et de la culture de Créteil + Théâtre Municipal de Porto + Manège de Reims – Scène Nationale de Reims
Présentation avec le soutien de Institut Français + Service de coopération et d’action culturelle du Consulat général de France à Québec
Théâtre Rouge du Conservatoire
4750, ave Henri-Julien
Billetterie : En ligne : fta.ca
Par téléphone
514 844 3822 / 1 866 984 3822
En personne :
La Vitrine, billetterie officielle du FTA* -
2, rue Sainte-Catherine Est (métro Saint-Laurent)
*En personne, les billets pour les spectacles présentés à la Place des Arts ne sont pas en vente à La Vitrine, mais exclusivement à la PDA.
Il y a de ces spectacles qui capturent l’esprit du temps présent sans trop se laisser enfermer par les engouements instantanés ou les modes passagères. Du collectif français LA(HORDE), l’expérience de To Da Bone se révèle remplie de bruits, de révolte et de fureur, malgré la présence d’un segment inutile et laborieux au Théâtre Rouge du Conservatoire.
Les lumières s’éteignent et la production chorégraphique conçue par Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel s’amorce. Toute l’énergie d’une troupe de dix danseurs et danseuses originaires de neuf pays différents prend son envol et se déploie progressivement. Un danseur vient s’installer sur le plateau dépouillé de ses rideaux et autres artifices. Au centre de l’espace, sans aucune musique d’accompagnement, celui-ci scrute en silence le public, souvent médusé, vêtu de chaussures fluorescentes et d’un blouson coloré (comme ses compagnons et compagnes de scène). Un autre de ses partenaires se joint à lui, suivi d’une autre, jusqu’à ce que tous les membres du groupe forment un tableau d’ensemble. Après quelques instants de silence, le véritable spectacle peut commencer.
Les premiers mouvements exécutés ressemblent à ceux d’un entraînement militaire, avec ses pas bien marqués au sol et ses cris d’encouragement. Les artistes se déploient ensuite dans l’espace, parfois en harmonie, parfois en rupture avec les gestes des autres. Derrière la fougue de ces jeunes interprètes se dissimulent une rage et une révolte, autant celle d’hier que celle d’aujourd’hui. Pour les spectateurs qui ont fréquenté le milieu de la danse dans les années 1990 et début des années 2000, cette expérience peut évoquer un peu les grandes réalisations de Jean-Pierre Perreault (Joe, Eironos) quand les mouvements prennent de la force lorsque reproduits dans un même souffle en chœur par toute la distribution. De mémoire plus récente, la présente production se rapproche aussi de l’effet ressenti devant Sideway Rain dans l’édition de 2012 du FTA.
Dans une danse que la compagnie qualifie de post-Internet (réalité dont la création ne fait aucunement abstraction par ses nombreuses références), ses artistes reprennent les pirouettes et les sauts du jumpstyle (selon le programme), mais aussi du break dance et autres styles plus acrobatiques. Fait à souligner, les chorégraphes ont réuni une cohorte de jeunes qui n’avaient performé jusqu’à alors que devant leur caméra chez eux dans leur chambre ou leur salon. Ces derniers apprennent à performer d’une même voix, mais aussi à laisser paraitre à l’occasion leurs divergences. À cet effet, To Da Bone réussit à conjuguer la force du groupe et la part d’individualité que chacun laisse poindre à des moments précis de la représentation. Par ailleurs, la composition sonore d’Aamourocean puise dans certains courants de musique industrielle et électronique, accentuant au passage ces sensations de violence et d’autodestruction qui minent ce portrait d’une société au bord de l’éclatement.
À la fois urbaine par ses pas saccadés sur le sol et contemporaine par sa volonté de s’affranchir de certains codes, la production se déroule dans sa première partie, une fois la glace brisée, avec un rythme effréné. Pourtant, après une demi-heure, la troupe cesse de bouger. L’un de ses membres fait descendre du plafond une longue barre noire horizontale pour y installer une toile blanche. Une caméra vidéo s’immisce également où l’un des cobayes s’amuse à filmer ses semblables, assis sur la scène et à enregistrer leur propos se déclinant dans diverses langues (dont le français et l’anglais). Cette séquence se veut une sorte de clin d’œil à notre époque obsédée par les modes narcissiques, les pulsions éphémères et les autoportraits. Pourtant, l’effet tourne rapidement en rond et rien d’intéressant n’émerge. Car la chorégraphie enflammée qui précède dit tout, sans avoir besoin de dire et de souligner à gros traits une ère où règne la dictature de l’image.
Or, dès que cet intermède cesse, la dernière partie subjugue et frappe droit au cœur. Sous la fumée qui se dégage des projecteurs, les danseurs reprennent leurs mouvements, avec une énergie moins frénétique, mais tout aussi habitée. Les corps, comme des ombres sous les lumières, ressemblent à des créatures revenues de la mort ou des tragédies qui ont marqué l’histoire de l’humanité. La charge en devient plus bouleversante, et laissera certes des traces mémorables aux festivaliers. To Da Bone constituera certainement l’une des pierres marquantes de la présente édition du FTA.