Un homme, une table, une joyeuse logorrhée. Une traversée du savoir à la manière de Wikipédia. Autant professeur que conteur, le comédien virtuose Pierre Mifsud gambade d’une idée à l’autre, navigue de lien en lien, entraînant son public ébahi à le suivre dans mille et un détours d’esprit. Une plongée jouissive dans l’insatiable curiosité humaine.
De Descartes à Annie Hall, en passant par les Jeux olympiques d’hiver de Salt Lake City, aucun sujet n’échappe à cette Conférence de choses hors-norme, frottement de références disparates, étrangement interconnectées par les lois improbables de l’hyperlien. Que ce soit au cours des six conférences de 53 minutes 33 secondes données dans des lieux associés au savoir montréalais ou dans la version marathon de six heures, ce sont de vivifiants exercices de pensée décalée qui s’offrent à nous, amalgamant sans complexe culture savante et culture pop. Une ode à la démocratisation du savoir. De quoi mettre le cerveau en profonde ébullition.
François Gremaud + Pierre Mifsud (Lausanne) - 2b company
Drôles. Décalés. Joyeux. Lucides. Ainsi décrit-on la plupart des spectacles de François Gremaud, metteur en scène et comédien suisse qui a fait de la curiosité, de l'ébahissement et de l’amusement les matières premières de son théâtre.
Section vidéo
Rédaction Philippe Couture
Photo 2b company
Durée : 53 min (29 mai au 3 juin) + 6 h (4 juin)
* 29 mai / Monument-National, Salle Ludger-Duvernay, 1182 Boul St-Laurent
30 mai / Maison Notman, 51 Rue Sherbrooke Ouest
31 mai / Le Balcon - Église Unie St. James de Montréal, 463 Rue Sainte-Catherine Ouest
1 juin / Musée Redpath, 859 Rue Sherbrooke Ouest
2 juin / BAnQ Vieux-Montréal, 535 Avenue Viger Est
3 juin / Chapelle historique du Bon-Pasteur, 100, rue Sherbrooke Est
4 juin / Auditorium de la Grande Bibliothèque, 475 Boul de Maisonneuve Est
Création au far° festival des arts vivants, Nyon, du 8 au 13 aôut 2013
Un spectacle de 2b company
Production et diffusion Michaël Monney
Coproduction Arsenic (Lausanne) + Centre Culturel Suisse (Paris)
Avec la participation de far° Festival des arts vivants (Nyon)
Avec le soutien de Pro Helvetia – Fondation suisse pour la culture (Zurich) + CORODIS (Lausanne) + Loterie Romande (Lausanne) + Fondation Leenaards (Lausanne) + Fondation suisse des artistes interprètes (Zurich) + Fonds culturel de la Société Suisse des Auteurs (Lausanne) + Ville de Lausanne
Depuis Lausanne, le metteur en scène François Gremaud et le comédien Pierre Mifsud s’amènent avec leur Conférence de choses, une performance de mémorisation… et d’inutilité, mais surtout une mise en lumière implacable de cette immense réserve de connaissances dans laquelle il est si facile de s’égarer et de perdre le fil de son idée.
En cette époque où tout le savoir du monde semble à portée de main, et où, du bout des doigts, on peut accéder à des milliards de renseignements sur tous les sujets possibles et inimaginables, on a parfois l’impression que l’ignorance est un luxe.
Un homme monte sur scène, débordant d’un grand bagage de savoirs académiques qu’il se montre désireux de nous transmettre. Pour ce faire, il se donne 53 minutes et 33 secondes, pas une de plus. Mais de quoi va-t-il nous parler? Le point de départ de cette conférence sera le bâtiment où elle a lieu : au soir de la première, le Monument-National, riche d’histoire, comme on le sait. Mais très vite, le conférencier incarné par Pierre Mifsud, qui cosigne le spectacle, part à la dérive. Il bondit d’un sujet au suivant à la manière du lecteur curieux sur Wikipédia, qui passe d’un article à un autre et finit par s’égarer en chemin à force de cliquer sur un hyperlien après l’autre. Aussi, bien que la Conférence de choses paraisse totalement décousue et dépourvue de fil conducteur, elle reproduit parfaitement le cheminement de la pensée humain lorsque l’esprit vagabonde… Cet exposé qui part dans tous les sens se présente de fait comme une grande courtepointe de sujets, tous liés les uns aux autres, de façon organique ou totalement artificielle.
Sur scène, Pierre Mifsud livre avec un grand naturel une performance irrésistiblement allumée et, quoiqu’accidentellement, très drôle. Avec lui, on virevolte de Sarah Bernhardt à Byzance au bison d’Amérique à l’arbalète… et j’en passe. Le spectateur a l’impression d’emmagasiner à son tour de nouvelles connaissances, d’agrandir son savoir, alors que ce papillonnement de surface démontre surtout l’étendue de son ignorance, sa capacité à absorber une multitude de petits faits sans jamais rien approfondir. Une accumulation de savoirs individuels ou collectifs qui ne nous rend ironiquement pas plus savants. Et voilà pour la démocratisation du savoir tous azimuts telle que promue par Wikipédia, l’encyclopédie libre.
Mais déjà, la minuterie annonce la fin de la conférence, le conférencier s’interrompt en pleine explication sur l’arbalète (ou était-ce sur l’arc, le loup ou Vivaldi?) et reprendra ce soir à la Maison Notman. Quatre autres conférences seront offertes dans les prochains jours avant une intégrale de six heures, qui se tiendra à la Grande Bibliothèque, ce dimanche (entrée et sortie permises en tout temps). Faites-vous plaisir, allez voir l’intégrale, sortez pendant quelques minutes et laissez-vous décontenancer par l’immense dérive entre le sujet abordé à votre sortie et celui au moment de votre retour. Surprise garantie.