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Festival TransAmériques - 26 mai 2016, 19h, 27-28 mai 15h et 19h
Pôle sud : documentaire scénique
Théâtre
En français
Texte et mise en scène Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier
Avec des habitants du quartier Centre-Sud

Jacqueline, ex-effeuilleuse. Serge, sculpteur-soudeur. Johanne, ancienne toxicomane. Tous habitent le quartier Centre-Sud. Sur scène, les contours d’une chambre d’ado ou d’une école polyvalente. Des lieux chargés de leurs vécus et de leur intimité. Réinventant les codes du théâtre documentaire dans une narration cinématographique, Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier affinent quelques portraits sublimes avec une tendresse manifeste.

Ils sont huit. Huit anonymes aux trajectoires singulières, dans un quartier discrètement extraordinaire. Ils ont eu des vies improbables entre la tour de Radio-Canada et les effluves festives du village gai. À l’invitation du théâtre Espace Libre situé à quelques rues de là, ils se dévoilent dans une forme scénique d’abord audio, puis ancrée dans une délicate mise en scène de la présence humaine. Puissant théâtre de vérité, Pôle sud… rappelle à quel point tout destin, même le plus apparemment anodin, est toujours bouleversant.

Anaïs Barbeau-Lavalette + Émile Proulx-Cloutier

Formant l’un des couples les plus talentueux du milieu artistique québécois, Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier brillent parfois en solo, lui comme acteur et auteur-compositeur-interprète, elle comme cinéaste et romancière.


Section vidéo


Recherche et entrevues Anaïs Barbeau-Lavalette
Conception narrative et mise en scène Émile Proulx-Cloutier
Sur scène Serge Blais + François Julien + Johanne Larose + Mélissa Michaud + Vanessa Michaud + Cybèle Pilon + Marc Ouimet + Jacqueline Vigneault
Prise de son Martyne Morin + Catherine Van Der Donck en collaboration avec Jocelyn Lauzon
Bande sonore Nicolas Basque + Mélanie Chicoine + Michel Cordey + Ilyaa Ghafouri
Musique Mathieu Désy + Émile Proulx-Cloutier
Décor, costumes et accessoires Karine Galarneau
Lumières Lucie Bazzo
Rédaction Philippe Couture
Photo Pedro Ruiz

Durée : 1 h 30

Rencontre après chaque représentation

TERRAINS DE JEU

Films

Il était une fois dans l'Est

Mardi 2 mai, 19 h, Cinémathèque québécoise

L’univers féroce de Michel Tremblay sur grand écran. Germaine Lauzon réunit chez elle parentes et amies pour coller le million de timbres-primes qu’elle a gagnés. Hosanna prépare avec fébrilité son costume de Cléopâtre pour un sordide concours de travestis. Récits croisés de réjouissances qui tournent à la tragédie.

Canada, André Brassard, 1974, 1 h 40, v.o. fr.


Films

Les petits géants

Mercredi 17 mai, 19 h, Cinémathèque québécoise

Cinq enfants issus de familles défavorisées suivent les répétitions du Bal masqué de Verdi à l’Opéra de Montréal et relèvent le défi d’interpréter leur propre version. Ils apprennent chant, musique et jeu. Une aventure initiatique où l’art transforme la vie.

Canada, Anaïs Barbeau-Lavalette + Émile Proulx-Cloutier, 2009, 1 h 15, v.o. fr.


Films

La mémoire des anges

Mercredi 10 mai, 19 h, QG du Festival

Dans un minutieux travail d’assemblage d’archives tirées de 120 films produits par l’ONF dans les années 1950 et 1960, Luc Bourdon dépeint avec grâce un Montréal poétique d’une ère révolue. Grandes figures, gens ordinaires, lieux emblématiques ; portrait du temps qui passe.

Canada, Luc Bourdon, 2008, 1 h 20, v.o. fr.

Présentation avec le soutien de Espace Libre en collaboration avec Rencontres internationales du documentaire de Montréal


FTAEspace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : En ligne : fta.ca
Par téléphone 514 844 3822 / 1 866 984 3822
En personne :
La Vitrine, billetterie officielle du FTA* - 2, rue Sainte-Catherine Est (métro Saint-Laurent)
*En personne, les billets pour les spectacles présentés à la Place des Arts ne sont pas en vente à La Vitrine, mais exclusivement à la PDA.

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Critique

critique publiée lors de la création en mai 2016

Avec le spectacle Pôle Sud, le directeur artistique d’Espace Libre Geoffrey Gaquère réalise le souhait de faire du théâtre de la rue Fullum un territoire d’exploration pour les artistes qui veulent encourager la participation citoyenne. Dans son mot de bienvenue, il a d’ailleurs rappelé l’article 27 de la Déclaration des droits de l’homme selon lequel « toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. » 


Crédit photo : Mélissa Michaud

Créé par Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier, Pôle Sud se présente comme une série de documentaires scéniques invitant huit habitants de Centre-Sud à raconter leur histoire. Tout en découvrant des personnalités fascinantes, leurs récits permettent de comprendre également l’histoire du quartier, de l’expropriation des habitants pour construire la tour de Radio-Canada aux incendies ravageurs qui ont découlé de la grève des pompiers dans les années 1970. Des images et des vidéos d’archives ponctuent d’ailleurs le spectacle pour témoigner de ces grands moments d’histoire. Aussi, signe de la rigueur de leur démarche artistique, Barbeau-Lavalette et Proulx-Cloutier ont fait appel à une recherchiste pour exécuter un travail exploratoire sur le quartier et ses habitants.

Les deux artistes ont choisi de faire des entrevues préenregistrées le moteur du spectacle. Durant les derniers mois, Anaïs Barbeau-Lavalette s’est promenée autour d’Espace Libre pour faire des rencontres. Accompagnée d’une preneuse de son, mais sans caméra, elle s’est déplacée chez les gens, qui ont eu la générosité de la laisser pénétrer dans leur univers. En sont ressortis des témoignages ultra-personnels, racontés avec une simplicité saisissante. Fous rires, lapsus, silences et hésitations ont été conservés afin de préserver la spontanéité de leurs récits.

Plutôt que de faire appel à des comédiens professionnels pour transposer sur scène les témoignages récoltés, Barbeau-Lavalette et Proulx-Cloutier ont choisi de demander aux protagonistes d’incarner physiquement leurs propres histoires. Sous le regard bienveillant de l’auteure et cinéaste, qui les accompagne discrètement sur scène, les sujets sont amenés à exécuter des gestes quotidiens liés à leur travail ou à leurs passe-temps. Cette présence de « vraies personnes » sur scène permet d’ailleurs une confrontation directe avec les réactions des spectateurs. Une dimension « performancielle » s’ajoute alors à la simple écoute de témoignages, dont les extraits ont été choisis soigneusement.

Mais la force de Pôle Sud réside surtout dans la couleur du portrait que dressent Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier de Centre-Sud. Sans éviter les traits constitutifs du quartier – comme la forte présence ouvrière ou l’ouverture à la diversité sexuelle –, le couple d’artistes n’a pas cherché l’objectivité. Il a plutôt voulu présenter au public d’Espace Libre la force de certains parcours de vie : Jackie nous fait part de son passé de strip-teaseuse et son amour des parfums ; Serge nous raconte ses débuts comme orfèvre ; les jumelles Vanessa et Mélissa nous font découvrir le « parc brun », où elles aiment rejoindre leurs amis ; François nous fait part de son parcours comme biologiste judiciaire et comme spécialiste de l’étude des projections de sang ; Cybelle se confie sur son amour des mots, sur ses séjours à l’institut Pinel et sur le vide qu’a laissé dans sa vie la mort de sa mère ; Johanne nous parle de son emploi d’aide-concierge et de la difficulté de pratiquer un métier traditionnellement masculin ; Marc nous parle de son attachement à la statue commémorative du chien Grand blond dans un des parcs des rues avoisinantes.

Avec Pôle Sud,Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier évitent le piège de la spectacularisation des sujets, qui aurait pu les confiner dans la marge. C’est plutôt la résilience de ces personnes qui marquent le public, lui permet également de renouveler son regard sur le quartier le plus au sud de l’île de Montréal. Si l’approche documentaire implique toujours une intrusion dans la vie des sujets qui se racontent, Pôle Sud propose une ouverture à l’autre à la fois pudique et enrichissante. Les créateurs démontrent très clairement leur admiration pour ces gens au parcours atypique qu’ils cherchent à mettre en valeur.

15-05-2016