Des cités en crise. Une population tranquille. Dépeignant la souffrance de 10 villes dans des narrations énigmatiques et étrangement paisibles, le duo barcelonais El Conde de Torrefiel soumet l’Europe à un regard perçant, échafaudant un théâtre aussi actif que méditatif pour raconter la tragédie qui gronde.
Créateurs de subtiles ambiances, ces nouveaux artistes chéris de la scène européenne sculptent d’étonnants paysages endormis et racontent le chaos mondial ignoré. Madrid, Berlin, Marseille, Lisbonne, Kiev, Bruxelles, Thessalonique, Varsovie, Lanzarote et Florence : autant de villes troublées, évoquées dans une suite de tableaux performatifs. Corps suggestifs, atmosphères douces-amères, château gonflable, sacs de plastique, gong et plantes vertes. Une visite théâtrale comme une exposition d’art contemporain. Conviant la pensée d’artistes et d’intellectuels tels que Michel Houellebecq, Spencer Tunick et Zygmunt Bauman, ils tracent la cartographie de la barbarie souterraine qui articule notre monde. Déroutant.
El Conde de Torrefiel (Barcelone)
Il est Espagnol, elle est Suisse, et leur rencontre à Barcelone a donné lieu à des spectacles d’une grande précision plastique qui ont fait de leur compagnie, El Conde de Torrefiel, une figure majeure de la nouvelle scène espagnole.
Section vidéo
Voix Tanya Beyeler
Lumières Octavio Más
Scénographie Jorge Salcedo
Musique Rebecca Praga + Salacot
Son Adolfo García
Chorégraphie Amaranta Velarde
Images Claudia Pajewski + Ainara Pardal
Rédaction Philippe Couture
Photo Claudia Pajewski
Durée : 1 h 15
Création au CDN Sala Valle-Inclán, Madrid, le 18 juin 2015
Un spectacle de El Conde de Torrefiel
Coproduction Festival TNT de Terrassa + Graner Espai de creació de Barcelona + El lugar sin límites / Teatro Pradillo / CDN Madrid
Avec le soutien de Programa IBERESCENA (Madrid) + La FuNdicIÓn Bilbao – ICEC – Generalitat de Catalunya + Antic Teatre de Barcelona + Institut Ramón LLull (Barcelone) + ICEC – Generalitat de Catalunya + INAEM Ministerio de Cultural (Madrid)
Présentation en collaboration avec Centre PHI
La compagnie El Conde de Torrefiel présente, en première nord-américaine, La posibilidad que desaparece (La possibilité qui disparaît face au paysage), un objet abstrait qui interroge la nature, l’humain, et tout ce qu’il y a entre les deux.
Une voix hors champ, une heure et demie de textes à lire et quatre hommes sur scène. Voilà la base de la mise en scène de La posibilidad. Prémisse qui peut sembler simple ; pourtant, ce spectacle en est un de contenu. Le texte, narré en espagnol et surtitré en français et en anglais, raconte des moments artistiques historiques, dont la séance photographique de Spencer Tunik à Berlin avec 5000 participants nus, la réflexion de l’écrivain Houellebeck sur l’histoire ou celle de Paul B. Preciado sur la nature. Pendant ces descriptions, les quatre comédiens imagent les propos dans une interprétation très libre ; tout nous est suggéré plutôt que montré littéralement, créant parfois des contradictions entre ce qui est dit et ce qui est fait. Voilà toute la force de La posibilidad.
Tel que décrit par la compagnie elle-même, « […] on pourrait affirmer que nous aimons séparer ce que l’on dit de ce que l’on fait. L’idée est de créer un vide entre la parole et l’image, lequel doit être rempli par le spectateur. » Et c’est réellement le cas, à travers cette représentation qui relève à la fois de la recherche anthropologique, de la sociologie, du théâtre et de la danse. Les comédiens restent muets, mais imagent à merveille les propos du texte, denses et intellectuels, qui nous emmènent dans plusieurs villes du monde et à plusieurs moments dans le temps. On perçoit à travers le texte des questionnements ainsi que des inquiétudes sur les bouleversements du monde, particulièrement européens.
Se découpant en tableaux selon les différentes parties du texte, La posibilidad nous questionne sur ce que l’on lit et ce que l’on voit, et l’espace entre les deux. Les comédiens arrivent à la fois à nous faire rire, à créer le malaise et à observer la contemplation. Tout se passe dans les corps, dans les suggestions présentées par les artistes. Ces derniers se déplacent sur une grande scène rectangulaire blanche, que seules quelques plantes meublent.
On dénote rapidement une grande recherche dans l’esthétique du spectacle, dans les rapports aux corps et dans les fresques humaines que les artistes nous présentent. Le duo hispano-suisse de El Conde, Tanya Beyeler et Pablo Gisbert,implique grandement ses études en art dramatique et en philosophie dans ses spectacles. La posibilidad n’y fait pas exception, à travers les performances physiques des comédiens et de la réflexion que le texte apporte.
Original, d’une grande beauté tout en nous faisant réfléchir à notre place dans le monde, à celle de la nature et aux changements qui affectent nos sociétés, La posibilidad est un must de la présente édition du FTA.