Un pari fou, démesuré. Océan de détritus aussi beau que monstrueux, Oblivion dévoile un an de déchets réinvestis. Une lente célébration des choses ressuscitées.
Un pari fou. Une expérience radicale, déstabilisante. Pendant un an, l’artiste belge Sarah Vanhee a accumulé tous ses déchets personnels, réels ou virtuels. Sous forme d’installation plastique ou de performance philosophique, l’océan de débris se révèle sur scène aussi beau que monstrueux. Poussant l’idée de la bienveillance à l’extrême, Oblivion interroge la valeur de chaque chose, de chaque instant vécu, réinvestis dans une lente célébration des choses ressuscitées.
Pendant plus de deux heures, l’artiste suspend le temps et se connecte à ce qu’elle a considéré comme des déchets, constatant ce qui meurt au quotidien, puis ce qu’il en reste. Conservé sans discrimination, l’arsenal d’ordures, d’idées, de lectures et de sons récoltés durant l’année exposent un monde à l’envers où l’invisible devient visible ; le déchet se transforme en richesse. Chant d’amour pour ce que l’on jette, Oblivion ébranle les fondements de notre société de consommation. Spirituel, écolo et inattendu, l’objet rare fascine.
Conception et interprétation Sarah Vanhee
Crédits supplémentaires et autres informations
Regard extérieur Mette Edvardsen, Berno Odo Polzer
Son Alma Söderberg, Hendrik Willekens
Voix Jakob Ampe
Assistance à la production Linda Sepp
Technique Bart Huybrechts
Rédaction Elsa Pépin
Traduction Neil Kroetsch
Photo Phile Deprez
Durée 2h15 approx.
Rencontre après la représentation du 27 mai
Création à CAMPO, Gand, le 12 novembre 2015
Les glaneurs et la glaneuse
19 mai, Cinémathèque québécoise.
Un peu partout en France, Agnès Varda a rencontré des glaneurs et glaneuses, récupérateurs, ramasseurs, jeunes et retraités, qui, par nécessité, hasard ou choix, grappillent et récupèrent de la nourriture dans les poubelles, les champs, les arbres. Ces portraits renvoient aussi un miroir à la réalisatrice, qui cueille ici et là des moments de vie pour faire ses films.
France, Agnès Varda, 2000, 1 h 22 min, V.O. FR.
Un spectacle de Sarah Vanhee
Production déléguée CAMPO (Gand)
Coproduction CAMPO (Gand), HAU Hebbel am Ufer (Berlin), Göteborgs Dans & Teater Festival,
Noorderzon (Groningue), Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) dans le cadre de NXTSTP avec le soutien du Programme Culture de l’Union Européenne
Avec le soutien de Autorités flamandes
Remerciements à Manyone (Bruxelles), Pianofabriek Kunstenwerkplaats (Sint-Gillis), Kaaitheater (Bruxelles)
Présentation en collaboration avec Place des Arts, Carrefour international de théâtre (Québec)
Après avoir assisté à une représentation d’Oblivion de l’artiste belge Sarah Vanhee, émane le sentiment d’une expérience prétentieuse et peu palpitante. Dommage, car la proposition annonçait des préoccupations environnementales contemporaines sur la société de (sur)consommation.
Cette production créée en 2015 continue de tourner partout à travers le monde. Son interprète atterrit pour la toute première fois au FTA, tout comme ses nombreuses boîtes en carton qu’elle vide lentement durant les deux heures et des poussières de sa prestation, comme une forme de travail à la chaîne. Les déchets constituent le sujet à une longue dissertation (et combien de digressions) où de nombreux sujets « philosophiques » ou anecdotiques surgissent. Un thème revient souvent dans ce monologue : la merde dans toutes ses déclinaisons, ses surnoms et ses expressions plus loufoques ou triviales les unes que les autres.
Lorsque le public pénètre dans la Cinquième salle de la Place des Arts, ou la moitié des sièges est recouverte de draps noirs, la comédienne s’active déjà dans son activité répétitive, soit de déverser sur la scène le contenu d’un an de déchets, tout aussi physiques que virtuels. Les premières minutes se déroulent en écoutant de vieux enregistrements musicaux populaires ou encore des ritournelles plus récentes. Nous voyons d’abord de nombreuses bouteilles d’alcool vides parmi les objets ; sans projection ou autre artifice visuel, la comédienne, aux pieds nus et aux vêtements foncés et amples, s’exprime en anglais et parfois aussi en français. Vanhee ne cherche pas à créer ou recréer une matière harmonieuse sur scène avec l’amoncellement de déchets ménagers. Elle dépose le tout, semble-t-il, sans un ordre précis. Les mêmes actions sont répétées sans variation de rythme, Nous aurions aimé sentir que le propos dépasse la simple démonstration technique de collage ou de superposition. Rien ne semble dépasser le fait d'accumuler sur une scène des objets ramassés, si ce n’est peut-être de reproduire certains de nos comportements.
Des créatrices ont exécuté de brillantes œuvres avec ou autour des déchets, dont Jovette Marchessault (aussi une grande dramaturge déjà montée par le directeur artistique du FTA, Martin Faucher) qui concevait des sculptures telluriques avec de la matière trouvée dans des poubelles, afin de se réapproprier une matière qui n’avait plus d’utilité. Ici, le sujet de la récupération n’est jamais amené de manière transgressive ou imaginative. La démarche laisse poindre quelques réflexions sur la société, mais reste surtout derrière la démonstration. Il permet par contre de nombreuses confidences sur des proches de l’actrice et la présence de nombreuses citations de penseurs (surtout masculins) célèbres. La surabondance d’extraits audio empêche la pièce d’approfondir une écriture théâtrale plus intuitive et plus incarnée.
Le mot merde (ou ses synonymes) revient à d’innombrables reprises : « chier requiert d’être en position assise », « il ne faut pas ajouter du vomi sur de la merde »… L’interprète s’est amusée à inclure des références ou citations en lien avec la matière fécale, avec, notamment, les noms de Michel Foucault (un texte intitulé Comment vivre ensemble), de Louis-Ferdinand Céline et de Tristan Garcia. Car comme l’un de ces autres messieurs a l’affirmé, le mot de cinq lettres démontre une certaine égalité entre les êtres humains, mieux que toutes les promesses des régimes communistes ou socialistes.
Le spectacle se permet des interrogations en surface, plus cocasses, dont celle à savoir laquelle, de Cher ou de Barbra Streisand, représente la meilleure « icône gaie », ou effleurer brièvement certaines préoccupations plus graves comme l’embourgeoisement de certaines villes (San Francisco à partir des années 1980). Certains réalisateurs sont nommés dont Luis Buñuel et Rainer Werner Fassbinder, plus près du « name dropping » que d’ajouts pertinents à la narration de l’histoire. Ces confidences plus personnelles ne s’arriment pas toujours au propos plus social et politique, ne suscitant pas de conciliations fortes entre l’individu et le collectif.
La scénographie aurait gagné à un traitement plus créatif dans la lignée de certaines réalisations en arts visuels, comme la créatrice québécoise Sophie Castonguay qui s’engage à produire une œuvre d’art avec les déchets accumulés d’une année. En fin de compte, rien ne paraît dépasser l'exercice de style. Oblivion nous interpelle trop rarement pour éveiller les consciences et les passions.