Texte de Molière
Mise en scène de Benoît Brière
Avec Guy Jodoin, Alain Zouvi, Sylvie Léonard, Nathalie Mallette, Stéphane Breton, Gary Boudreault, Denis Mercier, François-Xavier Dufour, Rénald Laurin, Christine Harvey, Claude Tremblay et Émilie Gilbert
Monsieur Jourdain est un homme d’affaires prospère qui, comme son père, a fait fortune en vendant des draps. Or, comme il vit à Paris sous le règne de Louis XIV, ce n’est pas suffisant pour son ambition sociale et pour tromper sa femme avec une jolie marquise. Pour cela, il lui faut appartenir à la noblesse et, à défaut d’être noble, faire comme : suivre les extravagances de la mode, savoir danser, manier une épée et philosopher avec esprit. Dur programme. Il n’a peur de rien, monsieur Jourdain, surtout pas du ridicule, et pas même d’accepter un titre de noblesse… qu’on lui confère dans une extravagante turquerie.
Lorsqu’il crée sa spectaculaire et hilarante comédie-ballet, Molière est au sommet de son art : son humour fait mouche comme jamais et il maîtrise de façon confondante le mariage du théâtre à de grandioses numéros chorégraphiques. Chaque bourde de Jourdain — et Dieu sait qu’il les accumule — est pour l’auteur une occasion d’épingler les conventions sociales de son temps. Mais surtout, Molière a décrit pour l’éternité un type humain universel : le naïf prêt à tout subir pour satisfaire ses idées de grandeur.
Avec les deux Sganarelle qu’il a joués au TNM, Benoît Brière a signé des interprétations moliéresques qui ont fait date au Québec. C’est dire à quel point il sait faire jaillir tout l’humour et toute l’humanité des comédies de l’auteur le plus illustre du théâtre français. Et sa grandissante réputation de metteur en scène a fait qu’on ne pouvait confier à nul autre que lui ce Bourgeois gentilhomme pour lequel il dirigera vingt-et-un comédiens et danseurs. Guy Jodoin, avec son irrésistible sens du comique et sa tête de monsieur-tout-le-monde, revient par la grande porte pour endosser les habits d’un homme ordinaire aux lubies extraordinaires : monsieur Jourdain.
Parterre A-V | 42,00 $ |
Corbeille | 42,00 $ |
Balcon | - |
Handicapés | 42,00 $ |
Étudiants Cégep de Sainte-Foy | 21,00 $ |
Une production du TNM
Salle Albert-Rousseau
2410, chemin Ste-Foy
Billetterie : 418-659-6710 - 1-877-659-6710
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Dates antérieures
Du 12 janvier au 6 février 2010, TNM
par David Lefebvre
Est-ce que Le Bourgeois gentilhomme de Molière, au départ critique et satire envers l’entente douteuse des fortunés sans titre et des nobles sans le sou, d’un 17e siècle où tout se bouscule à la cour, peut toucher les gens quatre siècles plus tard ? Nul doute n’est encore possible : les textes, que l’on nomme classiques, proposent des thèmes si forts, si bien tournés, qu’ils auront écho dans toutes les époques de l’humanité. Nous trouverons toujours de ces nouveaux riches, comme le Monsieur Jourdain de la pièce, né de petite famille, qui désire tout apprendre et tout savoir et à qui on vole sans scrupule tous ses deniers. Le paraître et le désir d’accéder à l’élite, voilà possiblement deux des plus grandes faiblesses de l’homme !
Benoît Brière a su mettre en scène avec éclat cette comédie-ballet, aux inspirations tout aussi classiques que modernes, en lui insufflant une dose superbe de folie qui tient tout autant de son style que celui de l’immortel auteur français. On reconnaît ici un déhanchement, un rythme soutenu, sans temps mort, et quelques impropriétés modernes qui lui sont propres. Dès le lever du magnifique rideau rouge, le somptueux décor tape-à-l'œil nous éblouit – double escalier, grandes portes et fenêtres, trône pour le maître de maison, le tout scintillant et miroitant. Mais l’homme de théâtre qu’est Brière a voulu nous épater : au bling-bling du décor s’ajoute l’extravagance des costumes qui nous fait rire joyeusement. Des robes en forme de chapiteau aux costumes des danseurs turcs à la Iznogoud de Tabary, les teintes et les tissus sont d’une couleur et d’une qualité étonnante. Il faut absolument voir le costume de soirée de M. Jourdain, qui transforme l’homme en Big Bird sous LSD. Sa démarche claudicante et ses allures, d’un ridicule qui tue presque, nous découragent tout autant qu’ils nous amusent. Tout est démesure, tout est matière à spectacle.
Plusieurs scènes sont une réussite totale. Celles réunissant les différents apprentissages de M. Jourdain – la musique, la danse, les armes et la philosophie – sont désopilantes. De plus, elles nous proposent une petite lutte interne adorable, opposant les formes d’art et leur importance ; superbe de ridicule. Que dire, alors, de cette chorégraphie loufoque que nous offre la troupe du prince turc en deuxième partie ?
Les comédiens forment une troupe des plus harmonieuses. Notons, entre autres, la qualité de jeu de Gary Boudreau en maître danseur, Stéphane Breton en maître d’armes, Normand Carrière en garçon tailleur, de Luc-Martial Dagenais en maître de musique, de Denis Mercier en noble Dorante, d’Olivier Aubin en tailleur aux manières efféminées et de Sylvie Léonard en Dorimène, la flamme de M. Jourdain. Rappelant, au premier regard, Errol Flynn, Alain Zouvi est tout simplement parfait en maître de philosophie. François-Xavier Dufour (Cléonte) et Claude Tremblay (son valet, Covielle), ainsi que Nathalie Malette (la servante des Jourdain, Nicole, qui nous fait rire si facilement en s’esclaffant rapidement), Émilie Gilbert (la fille Lucile) et Monique Spaziani (qui semble s’en donner à cœur joie dans le rôle de Madame Jourdain, tout aussi espiègle et lucide que trahie) forment le noyau le plus près de M. Jourdain. Guy Jodoin, dans le rôle-titre, est tout aussi naïf que pathétique. On aime le voir tout gober et s’émerveiller devant son nouveau statut, ou se faire embobiner par qui le veut bien.
L’humour prend souvent le chemin de la répétition et touche la cible à chaque fois. Le ton est définitivement bon enfant ; on apprécie la musicalité du texte et la mélodie des mots, malgré que quelques répliques soient souvent prononcées avec une telle rapidité que nous en échappons quelques bribes. La musique occupe une place de choix dans le spectacle, grâce au clavecin, à la basse de viole (violoncelle) et au violon maniés élégamment par Christian Thomas, Christine Harvey et Luc-Martial Dagenais.
Le Bourgeois gentilhomme s’avère une comédie brillante, des plus sympathiques, qui abordent tant de sujets qui seront toujours d’actualité – hypocrisie, mensonge, amour et amour-propre, idéaux de société, richesse, profit, etc. – qu’elle ne peut que nous toucher et nous amuser, intelligemment, tout en nous en mettant, ici, plein la vue.