Texte de Michel Tremblay
Mise en scène Serge Denoncourt
Avec Normand D’Amour, Maude Guérin, Linda Sorgini, Gabriel Sabourin, Roger La Rue, Antoine Durand, Gabriel Lessard et Olivier Morin
Quand on est encore adolescents, et différents des autres sur le plan sexuel, quand on doit affronter dès le plus jeune âge les préjugés et les inquiétudes de ses parents et de ses éducateurs, certains mensonges semblent nécessaires pour survivre et rester soi-même.
Deux garçons de seize ans, Jean-Marc et Manu s’aiment. Ils s‘aiment, luttent, et veulent vivre heureux. Mais voilà que tout le monde se mêle de leur vie. 1959 et 2009, des temps différents, des sociétés différentes. Mais il faut se rendre à l’évidence : rien ne change vraiment. Les enfants incompris, chez qui on sème le doute, qu’on tente de brimer et de « redresser », des enfants qui jour après jour doivent affronter les préjugés les plus absurdes, en qui on insinue la peur en les présentant comme des parias et des criminels, ces enfants sont forcés de vivre dans le mensonge, face à une réalité fragmentée, jusqu’au jour où ils se rendent compte que tous ces mensonges sont inutiles.
Fragments de mensonges inutiles est un cri d’alarme poussé par un auteur lucide et courageux pour qui l’incompréhension et les préjugés sont trop souvent la marque d’une société qui, encore aujourd’hui, a toutes les misères du monde à accepter la différence.
Parterre A-V | 42,00 $ |
Corbeille | 42,00 $ |
Balcon | - |
Handicapés | 42,00 $ |
Étudiants Cégep de Sainte-Foy | 20,00 $ |
Production Théâtre Jean Duceppe
Salle Albert-Rousseau
2410, chemin Ste-Foy
Billetterie : 418-659-6710 - 1-877-659-6710
collaboration spéciale, par Marilyn Bastien
Après quarante ans de théâtre, Michel Tremblay nous propose une pièce qui lui est fidèle autant dans son style que dans sa forme. Il a cependant laissé tomber les «bonnes femmes du Plateau Mont-Royal» pour entraîner les spectateurs dans l’univers de deux jeunes adolescents homosexuels appartenant chacun à une époque différente. L’un s’appelle Jean-Marc et vit en 1959 ; l’autre, Manu, et vit en 2009. Ils s’aiment passionnément, mais avec une crainte compréhensible, vu les sociétés dans lesquelles ils évoluent. L’auteur a voulu démontrer que malgré la dénonciation et les dires d’une société de plus en plus tolérante, les problèmes que peut occasionner l’orientation sexuelle d’une personne restent les mêmes, de l’intérieur. En 1959, la communauté était austère et la présence de l’église avait une forte influence sur la vie et les mœurs des citoyens. En 2009, on se dit très ouvert et l’acceptation de l’homosexualité n’est plus à discuter, mais les souffrances et l’incompréhension des parents vis-à-vis les enfants ne sont pas pour autant simplifiées.
Lorsque la pièce débute, les jeunes garçons sont complètement nus sur la scène. Les deux acteurs Olivier Morin et Gabriel Lessard livrent un jeu physique comparable à un ballet contemporain. Ils s’enlacent, s’aiment, se caressent, s’embrassent : on sent l’amour qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, la tension de leurs corps nous transporte littéralement. Ce début nous donne l’impression qu’il sera question de la souffrance et de la réalité vécue des jeunes homosexuels à travers le temps. Malheureusement, si c’est ce que l’auteur a voulu faire, on a raté la courbe. On sent le malheur de ces jeunes, mais celui-ci est rapidement esquivé. On met plutôt l’emphase sur la réaction des parents et le vide auquel ils font face. D’un côté comme de l’autre de la ligne temporelle, on constate que les parents ont les mêmes inquiétudes. On démontre ici les états d’âme des parents par un principe de scènes simultanées, du «théâtre dans le théâtre», ce qui peut rappeler Albertine en cinq temps du même auteur. L’idée est bonne, mais on semble tomber dans un déjà-vu.
Serge Denoncourt signe une mise en scène juste et touchante. Il a su isoler les deux époques permettant ainsi aux spectateurs de cerner avec exactitude l’ambiance imprégnant chaque personnage. Cependant, on peut également remarquer une symbiose des univers par le jeu et les propos véhiculés par les principaux protagonistes. La scénographie, qui se veut simple et dépouillée d’objets inutiles, laisse place aux émotions et aux acteurs.
Ce qu’on retient, au final, c’est qu’en vérité rien n’a vraiment changé. Comme dirait Michel Tremblay : plus ça change plus c’est pareil !