MonTheatre.qc.ca, votre site de théâtre
16 mai 2011, 20h
Thérèse et Pierrette à l'école des Saint-Anges
Texte Michel Tremblay
Adaptation théâtrale et mise en scène de Serge Denoncourt.
Avec Josée Beaulieu, Catherine De Léan, Isabelle Drainville, Muriel Dutil, Sébastien Huberdeau, Lynda Johnson, Danielle Lépine, Marie-Ève Milot, Sylviane Rivest-Beauséjour, Geneviève Schmidt

Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges est une tragi-comédie mettant en scène des personnages plus grands que nature. Tirée des Chroniques du Plateau-Mont-Royal, œuvre majeure de Michel Tremblay. Cette pièce dépeint magistralement les exaltations et les tiraillements du passage à l’adolescence, l’emprise de la religion sur l’éducation et les tourments de la classe ouvrière à l’aube des années 40, dans la grisaille de la guerre. Tous ces personnages nous captivent pour finalement nous étreindre amoureusement

Assistance à la mise en scène Marie-Christine Martel
Régie Julien Véronneau
Décors et accessoires Louise Campeau
Costumes et accessoires François Barbeau
Assistance aux costumes Louisanne Lamarre
Éclairages Martin Labrecque
Conception sonore Michael Binette
Conception et réalisation programmation vidéo Roger Dufresne
Confection des perruques Carol Gagné

Prix: de 25,50$ à 47,50$

Jean-Bernard Hébert inc. en collaboration avec la Maison de la Culture de Gatineau et le Théâtre Denise-Pelletier

Salle Albert-Rousseau
2410, chemin Ste-Foy
Billetterie : 418-659-6710 - 1-877-659-6710

____________________

Dates antérieures (entre autres)

Théâtre Denise-Pelletier du 5 au 20 novembre 2010

Delicious
______________________________________
 Critique
Critique
Imprimer la critique

par Olivier Dumas (Montréal)


Crédit photo : Valérie Ouellet

À la scène, les transpositions de romans populaires donnent souvent des résultats peu concluants: cette écriture narrative ne s’harmonise pas toujours au vocabulaire théâtral. Heureusement, il existe des exceptions, comme en témoigne cette adaptation de Serge Denoncourt de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Ange. Sans surpasser l’original, l’une des plus grandes réussites romanesques de Michel Tremblay, la production présentée ces jours-ci au Théâtre Denise-Pelletier constitue une réjouissante réussite.

Ce deuxième tome des Chroniques du Plateau-Mont-Royal demeure également l’une des œuvres préférées des admirateurs du dramaturge des Belles-sœurs et autres Vrai Monde. Jonglant entre l’humour et le drame, il laisse présager les tragédies et les déchéances que vivront des personnages marquants de l’imaginaire collectif québécois.

L’histoire se déroule sur quatre jours en juin de l’année 1942. Elle raconte les tribulations de trois fillettes du Plateau Mont-Royal: Thérèse, Pierrette et Simone, trois amies inséparables. Elles fréquentent l’école des Saints-Anges, dirigée par la despotique mère Benoîte-des-Anges. La pièce nous dévoile également la vie des religieuses enseignantes qui peinent à lui tenir tête. Les trois fillettes voient leur existence bouleverser d’abord par la chirurgie plastique de Simone pour effacer son bec-de-lièvre et par les préparatifs de la Fête-Dieu, un événement important pour la paroisse. C’est sans compter l’attirance troublante de Thérèse pour Gérard, le gardien du Parc Lafontaine beaucoup plus âgé qu’elle.

Dans cette tragi-comédie, Michel Tremblay dépeint avec une acuité remarquable les bouleversements du passage à l’adolescence, l’éveil de la sexualité, l’emprise de la religion sur l’éducation et les tourments de la classe ouvrière à l’aube des années 40. L’œuvre témoigne avec sensibilité d’une société gangrenée par la pauvreté physique, morale et culturelle. Le Québec d’alors peine à s’affranchir de son élite dirigeante. Son portait de la situation des femmes, confinées au foyer ou consacrées à la vie religieuse, maintenue dans l’ignorance quant aux questions sexuelles et politiques, porte une charge explosive qui trouve encore un écho dans la société d’aujourd’hui.

Serge Denoncourt réussit le pari de transposer à la scène le livre tout en conservant intacte la verve du prodigieux conteur qu’est Michel Tremblay. En raison des coupures et des raccourcis nécessaires à ce genre d’exercice, la structure du roman a été néanmoins respectée. Elle conserve les quatre parties ou mouvements comme dans la Quatrième symphonie de Brahms qui semble avoir servi de modèle. Plusieurs passages et personnages, particulièrement les figures masculines, ont été éliminés pour resserrer l’action sur les trois héroïnes. Avec une touche de féminisme revendicateur avant l’heure, la mise en scène rend bien l’atmosphère, le souffle littéraire et le ton caustique du texte original.

À plusieurs reprises, sur le ton de l’aparté, les comédiens récitent des extraits du roman que le metteur en scène a inséré afin de guider le public à une meilleure compréhension du déroulement de l’action. Tout compte fait, cette manière de passer du roman au théâtre n’ajoute que très peu d’éléments éclairants sur les tourments des protagonistes. Par ailleurs, ces moments d’arrêts ne donnent pas toujours des résultats heureux. Certains des interprètes parlent dans un français « littéraire », alors que d’autres gardent l’accent joual de leurs personnages. Lors de l’avant-première à laquelle j’ai assisté, les quinze premières minutes ont été trop précipitées, probablement en raison de la nervosité. Il a fallu un bon quart d’heure avant que le spectacle trouve son rythme de croisière entre tension et humour.

Plusieurs actrices se démarquent par la qualité de leur prestation. La Lucienne de Geneviève Schmidt se révèle particulièrement allumée et énergique, laissant un peu dans l’ombre le trio Catherine de Léan, Marie-Ève Milot et Sylvianne Rivest-Beauséjour, pourtant toujours juste entre la ferveur et le doute. Pour les rôles de religieuses, la Sœur  « Pied-Botte » de Josée Beaulieu apporte une touche d’humour contagieux. La mère de Simone, incarnée par Isabelle Drainville, livre un monologue très poignant lorsqu’elle va défendre sa fille devant la Mère directrice.

L’adaptation théâtrale de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Ange vaut le détour pour ses indéniables qualités artistiques et sa peinture vivante des années1940. Avec son équilibre entre le rire et les larmes, elle témoigne de la richesse de l’œuvre de Michel Tremblay.

08-11-2010

Retour à l'accueil