Ressortez les chips, les peanuts, les liqueurs, Germaine Lauzon qui a gagné un million de timbres-primes est de retour en compagnie de ses sœurs, ses belles-sœurs et ses voisines pour un party de collage de timbres.
À l’occasion du quarantième anniversaire de la création de la pièce culte de Michel Tremblay, le metteur en scène René Richard Cyr avec la complicité du compositeur Daniel Bélanger transforme ce classique de la dramaturgie québécoise en théâtre musical et Belles-Soeurs devient un irrésistible party. Quinze femmes fortes et délurées interprètent quinze chansons drôles et tendres et émouvantes et folles et vraies.
Accompagnées sur scène par quatre musiciens, Marie-Thérèse Fortin, Sonia Vachon et Maude Guérin mènent tambour battant une brillante distribution qui regroupe des comédiennes les plus en voix du Québec. Avec elles, c’est une toute nouvelle génération de Belles-Soeurs portée par des rêves d’affranchissement et de liberté qui prend d'assaut les planches, célébrant les combats et les joies.
Musiciens Serge Arsenault, Martin Marcotte, François Marion, Francis Gaulin, Benoît Sarrasin
Direction musicale : Stéphane Aubin
Assistance à la mise en scène et régie : Lou Arteau
Décor : Jean Bard
Costumes : Mérédith Caron
Éclairages : Martin Labrecque
Tarifs : 63,50$
Une création du Théâtre d’Aujourd’hui et du Centre culturel de Joliette en collaboration avec Loto-Québec
Dates antérieures (entre autres)
Plusieurs dates depuis la création en 2010 au Théâtre d'Aujourd'hui
par David Lefebvre (2010)
Quarante ans déjà. Il y a près d'un demi-siècle explosait une bombe dans le domaine du théâtre québécois. Michel Tremblay en était le détonateur et l'artificier. L'auteur donnait la parole à ces femmes qui n'en avaient jamais eu l'occasion. Ses Belles-Soeurs ont, depuis, connu mille versions, ont été jouées sur d'autres continents et leurs paroles ont été traduites et entendues par des milliers de personnes. Texte phare de la dramaturgie d'ici, Les Belles-Soeurs n'est pas considéré comme un récit parfaitement écrit, mais ses imperfections créent et alimentent des personnages et des situations tout aussi vrais que fantastiques, dans lesquels on se reconnaît, encore aujourd'hui.
Il fallait la réunion de deux créateurs de génie pour que Belles-Soeurs voit le jour. La fusion des univers mélodiques, de Daniel Bélanger, et visuels, de René Richard Cyr, semblait être tracée dans le firmament du spectacle québécois. Firmament est le mot : une distribution cinq étoiles et des scintillements dans les yeux du public, du début à la fin de la représentation. Oui, l'équipe de création de Belles-Soeurs peut maintenant crier victoire : ce qui aurait pu être un échec s'avère être un succès retentissant. C'est à se demander pourquoi ce texte n'avait pas été adapté en comédie musicale avant cela (malgré les essais infructueux sur Broadway il y a 20 ans). René Richard Cyr a su prendre l'âme des mots de Tremblay, les secouer et faire le ménage dans ce conte moderne d'une extraordinaire manière. Sa mise en scène, d'abord retentissante - entrée des comédiennes sur une musique assumée, percutante - flirte avec le cartoon. Mais plus la pièce évolue, plus le drame, qui se tenait à l'ombre, se matérialise sous la lumière de cette mythique cuisine. Chaque vol de ces timbres-primes est une douce vengeance envers le train de vie cheap et sans espoir de ces femmes ; l'envie et la jalousie de ces soeurs, ces voisines, ces amies se transforment en une violence sourde. Le démon ne se cache pas toujours dans le corps de femmes de petite vertu comme Pierrette...
Se servant des monologues, René Richard Cyr signe le livret et les paroles en respectant le niveau de langage et l'essence de chaque personnage. La musique de Daniel Bélanger s'inspire tout autant de la religion, du yéyé ou du rock que du québécois des années 60-70, avec une touche tout à fait personnelle. Les ritournelles s'imprègnent rapidement dans notre esprit et il est à parier que plusieurs refrains deviendront des incontournables. Mais ce qui impressionne davantage, c'est la voix de ces quatorze comédiennes (la 15e comédienne étant Mme Janine Sutto). Ensemble, elles forment un choeur solide, aux harmonies travaillées, mélodieuses. Individuellement, elles se démarquent avec talent, que ce soit Marie-Thérèse Fortin qui casse la glace avec brio, Guylaine Tremblay ou Maude Guérin. Soulignons le travail de Monique Fauteux à la direction vocale.
La superbe scénographie de Jean Bard propose une cuisine montréalaise des années 60, tout ce qu'il y a de plus classique. Les comédiennes prennent place, lorsqu'elles ne sont pas dans l'aire de jeu, sur une passerelle au-dessus du décor. Les éclairages de Martin Labrecque sont tout simplement splendides : l'utilisation lumineuse des armoires pour quelques scènes ou celle de projecteurs isolant certains personnages, le magicien de la lumière opère. Et ce rideau rouge, éclairé en fond de scène, qui nous rappelle que la vie est le théâtre de bien des petits drames, et que le théâtre est la vie dans toute sa grandeur. Notons les costumes de Mérédith Caron, hyper colorés, à la coupe très oldies.
Des Belles-Soeurs plus grandes que nature, un spectacle enlevant, inspiré. C'est la (re)naissance d'un classique. Et si les comédiennes entonnent, lors de la pièce : «J'ai-tu l'air de quelqu'un / qui a déjà / gagné quek'chose », qu'elles se le tiennent pour dit : c'est le coeur du public qu'elles ont conquis.