critique publiée en 2015

La première fois. Tout le monde passe par ce moment intense, maladroit, mémorable ou non, de sa sexualité. Mais quel souvenir en gardons-nous ? Un Américain, Ken Davenport, a créé un site en 1997 pour répertorier les histoires de tous les gens qui voudraient bien confier leur première fois. Depuis près de 18 ans, le site a récolté plus de 56,000 histoires et est encore actif à ce jour. De ces récits, Davenport en a choisi plusieurs pour créer Ma première fois, un spectacle provocant et sans tabous. La version québécoise mise en scène par Jasmin Roy revenait pour une seconde fois à la Salle Albert-Rousseau en ce rude hiver avant de s’arrêter au Capitole, entre autres, le 6 mars prochain.

Les quatre comparses Marie-Soleil Dion, Roxanne Bourdages, Jonathan Roberge et Martin Vachon s’en donnent à cœur joie dans ce spectacle éclaté et audacieux. Que ce soit lors de très courts sketchs ou lors d’une histoire complète, les comédiens proposent des personnages souvent truculents aux gestes qui ne laissent pas de place à la subtilité. Les extraits inspirés du site web, souvent réunis par thème – âge, lieu – sont généralement bien rendus et causent l’hilarité dans la salle. Sans se prendre totalement au sérieux, quelques statistiques viennent mettre en contexte les histoires de la soirée, sans devenir didactiques. L’adaptation québécoise fait souvent mouche, avec de nombreux clins d’œil à des artistes connus, des accents du Québec ou des endroits particuliers, comme le métro de Montréal.

Alors que lors de la première partie, on semble vouloir terminer tous les tableaux inévitablement par un punch, la seconde propose quelques premières fois beaucoup moins drôles, dont les viols de deux jeunes filles, racontés en simultané, mais qui se sont déroulés de façon très différente. Si la découverte de l’attirance pour une personne de même sexe arrive souvent par la bande – un accident de genou, dans un lit, entre deux filles ou le désir de deux hommes de perdre leur virginité ensemble avec la même fille, mais qui ne se termine pas comme elle l’aurait désiré – il faut avouer que le sketch où deux hommes se rencontrent dans un autobus puis s’invitent chez l’un d’eux pour écouter du Lady GaGa est franchement comique. Ce tableau, qui oppose Jonathan Roberge et Martin Vachon, est le plus réussi : les deux hommes se permettent beaucoup de liberté, improvisant un peu et n’hésitant pas à décrocher ou à en ajouter.

Pourquoi tant de gens se confient-ils ainsi à un site web? À quel point l’humain est voyeur, exhibitionniste? Que cherchent-ils réellement en exposant ainsi publiquement le moment le plus intime et personnel de leur vie, et ce, avec moult détails ? Ma première fois ne tente même pas de s’approcher de cette réflexion, s’amusant seulement avec les histoires des autres en les mettant sous la lumière des projecteurs au nom du divertissement. On rit de ce couple dans une station de radio qui se saute dessus en direct, micros ouverts, ou de ces discussions aléatoires et salées dans un bar entre amis. Et le problème, c’est que ça marche.