Du 4 au 29 novembre 2008
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Tableau d'une exécution

Texte de Howard Baker
Mise en scène de Gill Champagne
Avec Normand Bissonnette, Frédérick Bouffard, Marie Gignac, Linda Laplante, Michel Nadeau, Olivier Normand, Klervi Thienpont, Nicola-Frank Vachon et sept danseurs

Barker nous plonge au cœur de la Renaissance italienne, à une époque où les hommes règnent sur toutes les sphères de la société. À Venise vit Galactia, une peintre au tempérament passionné et explosif, qui se voue complètement à son art. Femme à la personnalité forte et complexe, elle est une des grandes artistes de la cité dont le génie et le talent sont reconnus par tous. L’État lui commande une fresque représentant le plus important triomphe de l’histoire de Venise: la bataille de Lépante. Artiste rebelle, elle peint l’intolérable vérité et sous son pinceau apparaît le carnage de la bataille plutôt que la noblesse du combat.

Ses proches tentent de la persuader d’abandonner ce projet, conscients que cette toile ne fera qu’irriter l’Église et le pouvoir politique qui ne peuvent fermer les yeux face à cet affront.

Galactia résistera-t-elle à la censure, acceptera-t-elle de modifier son œuvre?

Howard Barker est l’une des voix les plus originales et les plus fécondes du théâtre anglais contemporain. Avec Tableau d’une exécution, il soulève peu à peu le voile de l’artiste aux prises avec son travail. Pour mettre en lumière la force de ce texte, le metteur en scène Gill Champagne et la chorégraphe Karine Ledoyen nous proposent une succession de tableaux composés de huit comédiens et de sept danseurs.

Scénographie: Jean Hazel
Costumes: Maude Audet
Éclairages: André Rioux
Musique: Yves Dubois
Chorégraphe: Karine Ledoyen
Assistance à la mise en scène: Simon Lemoine

Une coproduction du Théâtre du Trident et de Danse K par K

Trident - Grand Théâtre de Québec
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

par Isabelle Girouard

Né en 1946 à Dulwich, en Angleterre, Howard Barker, cet écrivain peu connu, décrit lui-même son œuvre comme le « théâtre de la catastrophe ». Son écriture est percutante, les thèmes présentés sont souvent brutaux et représentent un monde en crise, souffrant de la violence qu’il a lui-même créée. Scenes from an Execution (Tableau d’une exécution), d’abord écrite pour la radio en 1984, fut présentée deux ans plus tard sur scène au Théâtre Almeida, à Londres.  Elle nous raconte l’histoire d’Anna Galactia, peintre italienne du XVIe siècle, qui reçoit de la part du Dogue de Venise la commande d’une fresque représentant la bataille navale de Lépante.  Cette femme, menant une vie de bohème contraire aux mœurs de son époque, scandalisera les instances politiques et religieuses par son interprétation personnelle de la bataille. 

Plusieurs thèmes historiques s’entrecroisent dans Tableau d’une exécution, mais heureusement on ne s’essouffle jamais. La célèbre bataille navale de Lépante a bel et bien eu lieu, le 7 octobre 1571, opposant les chrétiens et Ottomans. Les deux forces luttèrent pendant quatre heures aux bords de la Grèce, laissant derrière elles la défaite des Ottomans et des centaines de cadavres flottant dans une mer rougie par le sang. De nombreux artistes ont été inspirés par cet évènement, relevant le triomphe et la grandeur des chrétiens.  Le peintre vénitien Andrea Vicentino a immortalisé la scène, d’où émanent intensité et violence. Barker se serait inspiré de cette toile : on retrouve la même impression de carnage dans l’œuvre de Galactia. Quant au personnage, il n’a jamais existé, mais est intimement lié à la vie d’Artemisia Gentileschi, peintre de la renaissance italienne. Marquée par des expériences traumatisantes, l’artiste lègue une œuvre imprégnée de froideur et de violence, qui sera ignorée pendant des siècles.  Ce n’est qu’à la fin des années 1960 qu’elle suscitera l’intérêt chez les critiques d’art féministes.

Il fallait, pour porter à la scène ce texte merveilleux, un espace qui sert à la fois l’intimité et le travail de création de l’artiste, mais aussi la violence du sujet, et tout ce sang. C’est bien heureusement dans un tel lieu que cohabitent comédiens et danseurs, car la mise en scène de Gill Champagne, réunissant danse et théâtre en un même univers, fascine. La scénographie est exploitée audacieusement et l’œil se régalera de cette poésie qui émane des corps en action.  Mais la question se pose : pourquoi avoir incorporé une chorégraphie dans cet espace théâtral?  La réponse se fait évidente : les danseurs sont en fait la représentation vivante de l’œuvre de Galactia, ils évoluent au rythme de la toile peinte, apparaissant et disparaissant comme des fantômes pâles…         

Bien qu’elle souffre d’un jeu peu convaincant par moments, ce qui laissera peut-être le spectateur perplexe, la pièce est, dans son ensemble, réussie et brillante.

09-11-2008

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