Du 3 au 28 novembre 2009
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Macbett

Texte de Eugène Ionesco
Mise en scène de Diego Aramburo
Avec Frédérick Bouffard, Lise Castonguay, Gill Champagne, Vincent Champoux, Sophie Dion, Jonathan Gagnon, Myriam LeBlanc, Sophie Martin, Nicola-Frank Vachon

Écrit avec un « t » au lieu d’un « h » à la fin, le Macbett d’Ionesco est une version satirique d’un grand classique de Shakespeare. Nous retrouvons les deux amis généraux Macbett et Banco qui, assoiffés de pouvoir, complotent afin d’éliminer le roi Duncan et s’emparer du trône. Appuyés dans leur projet par deux sorcières qui leur prédisent gloire et pouvoir, puis aidés de Lady Duncan et sa suivante, les deux compagnons assassinent le roi. Mais voilà que  tout ne se déroule pas comme prévu lorsque Banco réalise que son ami, devenu souverain, ne lui montre pas autant de considération qu’il l’avait promis. La table est mise pour une comédie noire où sont dénoncées habilement l’absurdité des relations humaines, la corruption des êtres assoiffés de pouvoir, l’ambition démesurée, la jalousie et la trahison dont est capable l’homme.  Un sujet toujours d’actualité, traité avec humour, intelligence et finesse.

Scénographie Michel Gauthier
Costumes Maude Audet
Éclairages Denis Guérette
Musique Yves Dubois
Assistance à la mise en scène Hélène Rheault

Trident - Grand Théâtre de Québec
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

par Isabelle Girouard

S’il faut une première fois pour toutes choses en ce monde, en voilà une pour un texte d’Ionesco au Théâtre du Trident. La proposition n’est pas sans curiosité: comment plonge-t-on dans l’univers si particulier de cet auteur, considéré comme le père du théâtre de l’absurde? 

Il y a presque cent ans jour pour jour que naquit Eugène Ionesco à Slatina, en Roumanie. Il aura passé sa vie entre son pays natal et la France, où il s’installera définitivement en 1938.  Comme celle de plusieurs artistes de l’époque, son œuvre porte les stigmates de la guerre et traduit un monde étrange où erre l’homme, rongé par la solitude et l’insignifiance de son existence.  Aux côtés de Beckett, Ionesco est sans aucun doute un de ces géants qui aura marqué la dramaturgie du XXe siècle, produisant plus d’une trentaine d’œuvres pour le théâtre. Il crée Macbett en 1971, reproduisant dans son ensemble le Macbeth que Shakespeare écrivit quelque 300 ans plus tôt. Mais en déviant légèrement du tragique, Ionesco nous livre une version du mythe où le questionnement sur la nature du bien et du mal laisse le champ libre à la mécanique diabolique de la prise de pouvoir.  En effet, le malaise se fait sentir dès le début et se renouvellera jusqu’aux derniers mots : l’ambition des personnages pour l’ascension et la puissance n’a de fin en soi.  Une exposition de plus de la corruption de l’âme humaine.

En résumé, l’archiduc Duncan règne cruellement sur ses territoires, alors que les deux barons Glamiss et Candor préparent un coup d’État.  Ils seront vite réprimés par Macbett et Banco, généraux de confiance de l’archiduc, auxquels ce dernier a promis de généreux titres en échange de la tête des traîtres.  Mais la prophétie de deux sorcières éveillera en chacun des jeunes hommes le désir vicieux du pouvoir, les poussant vers le sang et la trahison.  D’abord aidés par Lady Duncan, ils voudront faire tomber le roi.  Et ce n’est que le début de l’exposition de desseins plus vils les uns que les autres. Hypocrisie, cruauté, paranoïa coursent dans le cercle vicieux de l’ambition. Et nous, spectateurs, les accompagnons jusque dans ces situations de non-sens où le doute sur la nature et la mission de l’âme nous turlupine intensément. Oui, les personnages de Ionesco nous glacent par leur attitude désincarnée face au monde.

C’est Diego Aramburo, originaire de la Bolivie, qui assure la mise en scène du spectacle. Auteur, comédien et metteur en scène, il est aussi fondateur de la compagnie de théâtre bolivienne Kiknteatro, et dirige plusieurs activités artistiques en Argentine, aux États-Unis et en France. Venu en résidence au Trident en 2006, il récidive avec le projet de Macbett.  En se questionnant sur la réception d’un tel texte aujourd’hui, le metteur en scène a eu l’idée de souligner la médiatisation du pouvoir en général.  Ainsi, en plein centre de la scène se trouve un panneau lumineux indiquant au spectateur les grands thèmes du drame. Le décor est par ailleurs très simple, à la limite de l’austérité, auxquels viennent s’agencer les costumes au style futuriste.  Rien pour exciter l’œil, quoi.  Il vaut peut-être mieux se concentrer sur l’intrigue, qui se joue sur un tout autre niveau de réalité.  Mais en général, l’humour que l’on reconnaît à l’auteur tarde à poindre dans une mise en scène un peu sombre. Reste qu’il est impossible d’esquiver complètement certains moments délirants (et délicieux),  alors que des rires timides fusent ici et là dans la salle.  Soit dit en passant, la générosité de Nicola-Frank Vachon et Frédérick Bouffard, incarnant respectivement Macbett et Banco, ainsi que l’élégance de Myriam Leblanc dans le rôle de Lady Duncan sont de bons ingrédients pour une soirée réussie.

Oui, c’est bien l’âme humaine qui est sondée à travers une vision… métaphysique des choses. Sacré Ionesco.

N’oubliez pas votre goût pour l’insolite.

10-11-2009

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