Du 22 septembre au 17 octobre 2009
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Reconnaissance

Texte et mise en scène de Michel Nadeau
Avec Sylvio-Manuel Arriola, Lorraine Côté, Hugues Frenette, Steve Gagnon, Valérie Laroche, Michel Nadeau, Claudiane Ruelland, Patric Saucier

François est un jeune metteur en scène obsédé par Hamlet, de Shakespeare. À la suite d’un accident de voiture, il est plongé dans le coma. Son père n’a alors qu’un seul but : retrouver son fils avant qu’il ne devienne qu’un fantôme. Comment ? Nul ne le sait. Ni le scanner, ni le ciel. En dépit du sens commun, il entreprendra une étrange odyssée dont le succès est improbable. Pourtant, un jour, quelqu’un a bien pris la mer avec la certitude que la terre était ronde... Tout l’entourage de François est bouleversé par ce qui lui arrive et chacun tente, à sa manière, de le ramener à la vie. Leur propre existence en sera complètement transformée. Reconnaissance est une histoire d’absolu et de quotidien, d’amour et de violence, de rêve et de déception, d’être ou ne pas être…

Le Théâtre du Trident coproduit ce spectacle avec le Théâtre Niveau Parking. Depuis sa fondation en 1986, cette troupe de Québec fait de la création son maître-mot. Elle a présenté plusieurs pièces marquantes et grandement récompensées telles que Lentement la beauté, On achève bien les chevaux, Sans sang et l’Impératrice du dégoût. Pour cette nouvelle création collective qu’est Reconnaissance, l’équipe de Michel Nadeau renoue avec la démarche empruntée lors de la création de Lentement la beauté, en alternant les ateliers d’improvisation et les périodes d’écriture.

Scénographie Monique Dion
Costumes Julie Morel
Éclairages Bernard White
Musique Stéphane Caron
Conception vidéo Lionel Arnould
Assistance à la mise en scène Alexandre Fecteau

Une coproduction du Théâtre Niveau Parking et du Théâtre du Trident

Trident - Grand Théâtre de Québec
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

par Yohan Marcotte

Deux  ans après nous avoir offert Les mots fantômes, résultat d’une réactualisation du monumental Hamlet de William Shakespeare, le Théâtre Niveau Parking visite de nouveau ce texte phare de la modernité. Le résultat s’intitule Reconnaissance. Michel Nadeau est une fois de plus le capitaine de ce bateau qui navigue sur les eaux de notre inconscient individuel et collectif.

L’intrigue de la pièce repose sur l’état comateux dans lequel se trouve un jeune metteur en scène suite à un accident de voiture. Il venait de présenter Hamlet dans un festival de théâtre émergeant quand il est arraché aux siens. Présent mais inaccessible, son corps demeure une énigme, en particulier pour son père qui remue la terre et le net pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur de son fils. Par l’entremise de ce personnage, on présente des bribes du savoir scientifique sur le coma, des tranches de vies de personnes qui, de près ou de loin, ont vécu une situation similaire.

Malgré l’importance du personnage d’Hamlet, icône de l’homme moderne en perte de repère, on se demande pourquoi le TNP en est venu à réaliser deux créations distinctes autour de cette pièce dans un intervalle de temps si court ? Michel Nadeau reconnait que leur projet autour d’Hamlet se concrétiserait par deux pièces différentes : « La première, Les mots fantôme (Périscope, 2007) […] : un jeune homme essayait de se débarrasser de l’héritage de son père. Avec Reconnaissance, nous inversons l’ordre naturel des choses: c’est le fils qui est un fantôme. Dans le coma à la suite d’un accident, il n’est ni mort ni vivant : fantôme. » Le résultat de ces deux créations est naturellement très différent. Tandis que Les mots fantômes réactualisait le classique shakespearien dans un Québec contemporain, Reconnaissance donne plutôt l’impression qu’on joue autour de l’œuvre. Le résultat est moins fidèle, mais plus original puisqu’on puise dans le classique tout en se laissant porter par l’air du temps.

Par moments, les comédiens font référence à leur carrière. Oui, cela fait sourire, mais si l’effet est réussi, c’est parce que le spectateur en connait quelque peu sur la bande. La pièce ne s’enrichit pas à ce jeu. Au mieux, il semble que, de la sorte, on flatte les abonnés et les professionnels du milieu en leur adressant ces allusions qu’ils ont le privilège de comprendre. Il en va de même sur les insistantes tirades au sujet des subventions et conditions financières des productions théâtrales. Ces questions sont pertinentes dans un contexte qui les met en valeurs. Ici, il semble que la tentation ait été trop forte pour y résister. Ces digressions ne servent en rien l’objectif premier du spectacle et, en cela, elles n’ont rien du plaidoyer qui lui convient.

Revenons à l’histoire. Malgré l’investigation du père à la recherche d’un moyen pour retrouver son fils et, on s’en doute, arriver à une réconciliation, on a parfois l’impression que le spectacle n’a pas de direction précise, vu les nombreuses situations que le collectif déblaie pour les abandonner sans les creuser en profondeur. Les interprètes se défendent très bien, insufflant un naturel aux nombreux personnages qui circulent sur scène, mais ces derniers n’ont l’air que de passer. Ils ne laissent rien, sinon des poussières, comme si les créateurs ne savaient que faire des mines d’or qu’ils savent enfouies sous leurs pieds. Puis, lorsqu’on ne s’attend plus à une épaisseur dramatique, le père révèle une vieille blessure du passé. Ceci entraine le spectacle vers une finale où l’intrigue se résout que trop artificiellement. On quitte la salle avec l’impression d’un travail bâclé.

Les projections très présentes, parfois transforment complètement l’espace de jeu, parfois morcellent la scénographie constituée principalement de panneaux coulissants devenant des écrans configurables. Le travail minutieux du concepteur vidéo, Lionel Arnould, se montre très efficace, surtout quand vient le temps de véhiculer la dimension cybernétique des recherches du père sur les forums du net.

Ce souci esthétique est ce qui sauve le spectacle. À défaut d’une bonne question à poser, d’une bonne histoire à raconter, on possède l’art de bien raconter. Il me faut insister sur cette qualité de la mise en scène de Michel Nadeau. Les transitions coulent à souhait, les procédés de narration éprouvés dans les créations des dernières années sont toujours aussi efficaces. Pourtant, la machine bien huilée ne garantit pas une tenue de route sans faille. Le spectacle gagnerait à être recentré autour d’un nombre plus restreint de situations pour éviter le relâchement de l’intérêt qui survient durant le périple.

18-10-2009

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