Dix ans après avoir quitté son royaume et les siens, Ulysse tente de retrouver le chemin du retour, mais sera confronté à des obstacles foudroyants. Reconnu pour son intelligence et sa ruse, ce héros devra affronter de nombreux personnages mythologiques pour rejoindre son épouse Pénélope et son fils Télémaque. Un voyage rempli de péripéties dont les plus grands ennemis sont l'irréductibilité du temps et ses effets sur l'homme.
Scénographie : Marie-Renée Bourget-Harvey
Musique : Mathieu Campagna
Costumes : Élène Pearson
Éclairage : Laurent Routhier
Une production du Trident
par Chloé Legault
Le Théâtre du Trident conclut sa 41e saison avec L’Odyssée, un texte plus grand que nature ne comptant pas moins de 12 000 vers dans la version que nous a laissée, et ce, bien avant Jésus-Christ, le poète grec Homère. L’adaptation qu’en ont faite Dominic Champagne et Alexis Martin est réussie. Tout en réduisant considérablement le texte et le nombre de personnages, ils ont su en offrir une variante forte qui ne soit pas trop dénaturée. Le choix d’instaurer un personnage-conteur est judicieux : il nous rappelle qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une histoire mythique transmise oralement pendant des siècles, en plus de permettre des ellipses et des coupures sans que personne ne soit mêlé. C’est à Anticlée, mère d’Ulysse, interprétée avec sensibilité par Denise Gagnon, dont la voix pénétrante nous enveloppe littéralement, que revient le devoir de raconter le long voyage de son fils. Rappelons que lors de la création de cette pièce en 2000, au TNM, mise en scène par Dominic Champagne, le narrateur (Homère) était plutôt joué par un homme, soit Pierre Lebeau.
Pendant une dizaine d’années, après avoir gagné la Guerre de Troie, Ulysse, roi d’Ithaque, et son équipage voguent sur les mers avec l’espoir de revoir un jour la terre qui les a vus grandir, les femmes qui les y attendent et les enfants qu’ils ont mis au monde. C’est de ce périple que L’Odyssée fait le récit. Un défi de taille en ce qui a trait à la mise en scène, que Martin Genest et son équipe ont relevé avec brio. C’est dans les détails que l’on reconnait l’art et la touche de Genest. Un grand filet, attaché à des cordes et des poulies, sert à la fois de voile au bateau d’Ulysse – notons que le grincement des poulies faisait penser au piaillement des goélands –, de robe à la nymphe Circé et de grotte au Cyclope, joué avec puissance et férocité par Steve Gagnon, pour ne mentionner que ces quelques utilisations. Une scénographie remarquable qu’il faut voir, car une critique ne saurait lui rendre justice.
Il semble impossible de ne pas signaler la performance sans faille de Christian Michaud. Ce dernier prête son corps et sa voix au héros mythique Ulysse, et il le fait merveilleusement. Puisque L’Odyssée repose essentiellement sur ce personnage, il fallait un comédien solide ; Michaud prouve hors de tout doute qu’il est un acteur de trempe. Comme le roi d’Ithaque est supporté par ses compagnons, Michaud l’est par ses collègues de jeu. Les membres de l’équipage, interprétés par Jean-Michel Déry, Nicolas Létourneau, Fabien Cloutier, Jean-Pierre Cloutier et Éric Leblanc, se démarquent par l’agilité dont ils font preuve et par la couleur que chacun a su donner à son personnage. Malheureusement, Sophie Dion et Paule Savard n’étaient pas à la hauteur des figures fortes que représentent Pénélope et Athéna.
L’ambiance musicale de la pièce est assurée par Mathieu Campagna, qui a su mettre l’accent aux bons moments. Soulignons la scène où les prétendants de Pénélope doivent essayer de tendre l’arc d’Ulysse : sans la musique de Campagna, l’effet dramatique n’aurait certes pas été aussi efficace. Les éclairages de Laurent Routhier enrobent le tout, particulièrement les jeux de lumière sur la toile plaquée au fond de la scène qui donne de l’ampleur et de la profondeur au décor.
L’Odyssée est une histoire millénaire dont on ne se lasse pas et la mise en scène imaginée par Genest lui rend parfaitement justice. À voir.