Dans cette nouvelle adaptation théâtrale de Frankenstein, Nick Dear a brillamment épuré l’œuvre de Mary Shelley pour aller à l’essentiel : la responsabilité scientifique, la nature du bien et du mal, l’apparence et les préjugés. Un conte gothique classique qui nous parle de la beauté de la différence. La fabuleuse aventure entre un scientifique obsessionnel et sa Créature qui, conçue à partir de morceaux de corps humains, exige de son créateur le droit d’exister et d’aimer. À sa première mise en scène au Théâtre du Trident, Jean Leclerc a déjà une vision bien précise de cette fascinante histoire. Il entend s’éloigner de l’imaginaire du cinéma pour mettre de l’avant la théâtralité des personnages.
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Scénographie : Michel Gauthier
Costumes : Luce Pelletier
Éclairages : Sonoyo Nishikawa
Musique : Paul Baillargeon
Chorégraphies : Lydia Wagerer
Maquillages : Élène Pearson
Crédit photo : Photo Hélène Bouffard et Stéphane Bourgeois / Design : diese.ca
Mardi au samedi – 20 h
Dimanche 20 janvier – 15 h
Samedis 2 et 9 février – 16 h
Première mondiale en français, cette coproduction sera aussi présentée au Théâtre Denise-Pelletier à Montréal du 13 mars au 12 avril 2013.
Coproduction Théâtre Denise-Pelletier
par Sophie Vaillancourt-Léonard
C'est avec l'adaptation de Nick Dear du roman de Mary Shelley, Frankenstein, que le Théâtre du Trident entame l'année 2013. Coproduite avec le théâtre Denise-Pelletier de Montréal, cette adaptation est jouée en première mondiale en français, dans une traduction de Maryse Warda et sous la direction de Jean Leclerc.
Dans cette adaptation, l'action s'articule autour de trois axes — le rejet, la science et les paradoxes — et la parole est donnée à la Créature. Laide en apparence, elle naît d'abord bonne et généreuse ; ce sont des hommes qu'elle apprendra la violence, la haine, la vengeance et le mensonge. Ainsi, le public suit les pérégrinations de la Créature pour retrouver son créateur et comprendre pourquoi celui-ci l'a abandonnée. Autour du monstre graviteront l'aveugle qui lui apprendra la musique, la littérature et la beauté, la promesse de l'acceptation, le rejet, le désir d'aimer et d'être aimé et la mort. Le Frankenstein de Dear évacue l'image du monstre véhiculée dans tous les films tournant autour du roman de Shelley. Ici, c'est surtout de responsabilité, d'origine et de filiation dont il s'agit ; en donnant la parole à la Créature, Nick Dear donne la parole aux opprimés.
Dans cette production du Trident, le texte et les acteurs sont au rendez-vous. Christian Michaud, spectaculaire dans son interprétation de la Créature, partage la scène avec Étienne Pilon en Victor Frankenstein. Ici, il est intéressant de noter que les deux comédiens alternent de personnage d'un soir à l'autre, créant non seulement une zone d'inconfort pour les autres comédiens de la troupe qui doivent soir à après soir s'adapter aux deux comédiens, mais symbolisant également tout le paradoxe de Frankenstein : qui est le créateur et qui est la créature? Le texte lui, épuré et juste, sera très bien rendu par les douze comédiens qui se relaieront sur scène pendant 1 h 50.
Dans les notes de programme, Jean Leclerc est clair dans son intention : il entendait s’éloigner de l’imaginaire du cinéma pour mettre de l’avant la théâtralité des personnages. Ici, le bât blesse. Si la théâtralité des personnages est mise de l'avant, elle l'est d'une manière parfois grotesque, évacuant toute la profondeur de certains passages. Avec ses décors carton-pâte — magnifiques d'ailleurs, chapeau aux concepteurs — le Frankenstein de Leclerc s'apparente plus à un spectacle de Broadway un peu décoloré aux effets spéciaux qui ne renouvellent pas le genre. Ici, c'est réellement de choix de mise en scène dont il est question puisque la scénographie de Michel Gauthier est efficace et son utilisation géniale. Même chose pour la musique, intéressante, mais mal utilisée — les violons lors d'une scène entre la Créature et le Créateur évacuent toute forme d'émotions chez le spectateur —, et certaines scènes, comme la naissance du monstre, sont si étirées qu'elles en perdent leur force. Ainsi, Frankenstein est une réussite sur plusieurs points — incontestablement les comédiens, mais également la scénographie, les costumes et les maquillages —, mais définitivement pas dans son ensemble. À vouloir trop réinventer, on passe parfois à côté de l'essentiel.