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Du 13 septembre au 8 octobre 2016 - supplémentaires voir plus bas
887
Texte, mise en scène et interprétation Robert Lepage

Robert Lepage renoue avec le solo dans cette pièce bouleversante et touchante où ses souvenirs d'enfance et d'adolescence font écho à l'histoire du Québec des années 60, violemment déchirées entre le nationalisme et le fédéralisme. Plongé dans le dédale de sa mémoire où se superposent les anecdotes savoureuses sur les voisins de pallier du 887 avenue Murray, sa découverte du théâtre dans sa chambre d'enfant ou les actualités de l'époque, Robert Lepage expose au spectateur les affres d’un comédien qui doit se souvenir, d’abord de son texte, le célèbre poème de Michèle Lalonde, Speak White, mais également de son passé et de la réalité historique et sociale dont il hérite et où il s’inscrit.

Comment peut-on se souvenir parfaitement du numéro de téléphone de son enfance et oublier celui que l'on a aujourd'hui? Comment cette mémoire fonctionne-t-elle? Quels en sont les mécanismes? De quelle façon un souvenir personnel trouve-t-il écho dans la mémoire collective?

Un spectacle émouvant, ingénieux et incontournable.


Direction de création et idéation Steve Blanchet
Dramaturge Peder Bjurman
Assistance à la mise en scène Adèle Saint-Amand
Musique originale et conception sonore Jean-Sébastien Côté
Conception des éclairages Laurent Routhier
Conception des images  Félix Fradet-Faguy
Collaboration à la conception du décor Sylvain Décarie
Collaboration à la conception des accessoires Ariane Sauvé
Collaboration à la conception des costumes Jeanne Lapierre
Photo Stéphane Bourgeois & Hélène Bouffard

Mardi et mercredi 19h30
Jeudi et vendredi 20 h
Les samedis de la première et deuxième semaines : 20h.
Les samedis de la troisième et quatrième semaines : 16h.
Le dimanche entre la deuxième et la troisième semaine : 15h ;
À noter qu'il n'y a pas de représentation le mardi de la quatrième semaine.

Supplémentaires
dimanche 18 septembre à 15h
samedi 24 septembre à 15h
samedi 1er octobre à 20h
dimanche 2 octobre à 15h
mardi 4 octobre à 19h30

Durée 2h sans entracte

Coût : entre 25$ et 60$ selon les jours, la pièce et les forfaits

Une production d'Ex Machina, coproduction Le Trident


Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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Dates antérieures (entre autres)

Présenté en Europe, puis du 26 avril au 8 juin 2016 (incl. supplémentaires) - TNM

 
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Critique

La mémoire personnelle au service du collectif

Robert Lepage présente ces jours-ci son spectacle solo 887, près de 10 ans après avoir joué Le projet Anderson. Si le vécu personnel de l’artiste est toujours très présent dans son travail, ce sixième solo est sans doute celui qui s’affiche le plus ouvertement autofictionnel. Prenant appui dans le Québec des années 1960 et 1970, Lepage met en parallèle son enfance et son adolescence dans la capitale avec la montée du mouvement souverainiste. Sous des allures de conférence sur son propre travail de création, Lepage fait découvrir son entourage au public, de sa grand-mère atteint de la maladie d’Alzheimer aux voisins de l’immeuble de six logements qu’il habitait lorsqu’il était petit.


Crédit photo : Érick Labbé

C’est autour du fil conducteur de la mémoire que se tisse le spectacle, qui débute alors que Lepage doit apprendre le poème Speak White de Michèle Lalonde pour une soirée célébrant le 40e anniversaire de la célèbre Nuit de la poésie du 27 mars 1970. La difficulté que lui pose la mémorisation de ce poème de trois pages lui sert de prétexte pour s’interroger sur le fonctionnement de la mémoire. De quelle manière les souvenirs se hiérarchisent-ils dans notre esprit ? Qu’est-ce qui fait que l’on se rappelle parfois avec exactitude de détails anodins alors que des événements importants nous échappent?

En ancrant sa pièce dans un lieu très précis, soit le 887 avenue Murray à Québec, Robert Lepage utilise également la géographie de la capitale – notamment la toponymie des parcs, des rues et des bâtiments – comme prétexte pour revisiter l’histoire du Québec. Plusieurs documents d’archives s’insèrent d’ailleurs dans le spectacle, comme des photos anciennes de la jeunesse de son père, ou encore un extrait de la lecture du manifeste du FLQ à la télévision de Radio-Canada.

Dans ce spectacle, la mémoire individuelle de Lepage est constamment mise en parallèle avec l’histoire nationale. L'artiste semble incapable d’aborder les vingt premières années de sa vie sans établir un parallèle avec la situation sociopolitique de l’époque. C’est donc son regard d’enfant et d’adolescent sur l’histoire du Québec qui transparaît, alors qu’il démontre à quel point cette mémoire est défaillante et oublieuse, et ce, malgré les « Je me souviens » qui apparaissent sur les plaques d’immatriculation des voitures québécoises. Grâce à son père, chauffeur de taxi et soutien financier d’une famille nombreuse, Robert Lepage a toujours été très conscientisé aux luttes de classes qui faisaient des Anglais les patrons et des Français les ouvriers. En 1967, alors que Charles de Gaulle prononçait « Vive le Québec libre ! », il était présent au défilé à Québec, lors du trajet Québec-Montréal du général. Ce moment est d’ailleurs reconstitué grâce à une maquette dont les détails sont reproduits sur grand écran grâce à des manipulations de l’artiste avec son téléphone cellulaire. Ce procédé low tech ingénieux est réutilisé à plusieurs moments dans la pièce – que ce soit pour faire visiter les différents logements de son bloc appartement ou pour raconter un de ses Noëls passé à Château-d’Eau –, ce qui crée un contraste intéressant avec la complexité générale des manipulations de l’espace scénique qui constitue la marque de commerce de la compagnie Ex Machina. Rappelons que si Lepage semble apparaître seul sur scène, une dizaine de techniciens l’accompagnent toujours en coulisses.

À l’automne 2013, Lepage avait organisé une rencontre théâtrale à l’Anglicane de Lévis, afin de présenter les grandes lignes de son « nouveau spectacle solo ». Déjà à ce moment, l’essentiel de la pièce était déjà présent, que ce soit la scénographie qui oscille entre le low-tech et le high-tech, ou encore les souvenirs clés de son enfance qui ponctuent son récit. Ce travail de longue haleine transparaît dans la version du spectacle présentée au TNM, alors que le comédien, auteur et metteur en scène offre un spectacle abouti et parfaitement maîtrisé. 887 se présente donc comme une pièce authentique et intime, qui donne au public un miroir très juste de la société québécoise des années 1960 et 1970. C’est à une célébration poétique et pertinente de la culture du Québec que l’artiste nous convie.

01-05-2016