Jocelyne désire souligner son départ à la retraite avec sa famille. Mais comme dans toute bonne réunion de famille, chacun se mêle maladroitement des affaires des autres. On reconnaît bien ici l’humour grinçant de l’auteur qui sait lire chacun de ses personnages avec une lucidité implacable. Inévitablement, on voit poindre la jalousie, les faiblesses, les bonnes intentions, les préjugés, les maladresses, le choc des valeurs. Le tableau ne nous laisse pas indemnes parce qu’il nous fait mal autant qu’il nous fait rire.
Un souper charmant, laissant une légère amertume en bouche comme si cette table était quelque part, la nôtre.
Texte et mise en scène Fabien Cloutier
Interprétation Jean-Guy Bouchard, Josée Deschênes, Claude Despins, Sophie Dion, Lauren Hartley, Éric Leblanc, Brigitte Poupart, Vincent Roy, Lauriane S. Thibodeau
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Emmanuelle Napert
Lumières Laeticia Hamaoui
Costumes Maude Audet
Scénographie Cooke-Sasseville
Accessoires Vanessa Cadrin
Environnement sonore Luc Lemay
Mardis et mercredi 19h30, jeudis au samedis 20h, dimanches à 15h et les deux derniers samedis à 16h
Durée : à venir
Mardi au dimanche | |
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Adulte | 52$ |
Ainés* | 46$ |
Étudiants** | 39$ |
Les taxes sont incluses dans les prix affichés, mais les frais de service en ligne doivent être ajoutés.
Production Le Trident
En coproduction avec le Théâtre de la Manufacture et le Théâtre français du Centre national des Arts
critique publiée lors de la création de la pièce à La Licorne en 2018
Jocelyne, fonctionnaire depuis 30 ans, réunit toute sa famille pour lui annoncer son départ précoce à la retraite. S’ensuivent 70 minutes de dispute, de jugements et de mesquineries. Les opinions sur l’autisme, le TDAH, la défense des animaux, la façon dont devraient être redistribués les impôts et les taxes pleuvent de toute part. Tout le monde parle, personne ne s’écoute. Avec 9 comédiens sur scène, il en résulte une cacophonie impressionnante.
L’an dernier, Fabien Cloutier était aussi auteur et metteur en scène de Pour réussir un poulet. Reconnu pour ses dialogues-chocs, il aime pousser la réflexion. Cette année avec Bonne retraite, Jocelyne, il veut traiter de l’hyperindividualisme. Les personnages ne cessent d’affirmer des faussetés : les TDAH sont des lâches, les autistes sont retardés, et ce, sans que personne ne contre-argumente. Cloutier joue avec les préjugés, la désinformation en accentuant la médiocrité des personnages. Alors que certains spectateurs s’amuseront du deuxième degré, d’autres pourraient peut-être se reconnaître et se conforter dans ces opinions qu’ils partagent avec les personnages. Résultat : on peut sortir de la salle complètement épuisé ou découragé, mais ébranlé.
Bonne retraite, Jocelyne est un portrait bien triste du manque de sensibilité, d’empathie et d’écoute entre des personnes qui devraient s’épauler et se soutenir et grandir ensemble.
Les comédiens sont tous remarquables, constamment en train de s’interrompre les uns les autres, et le font étonnamment de manière très fluide. La plupart des personnages sont très caricaturaux : Josée Deschênes interprète Jocelyne la fonctionnaire, Lauren Hartley et Lauriane S. Thibodeau, ses filles Ève, empathique hypersensible, et Viviane, bruyante et colérique. Brigitte (Brigitte Poupard) est hautaine, cruelle et méprisante, et son conjoint Jean (Claude Despins) ne prend pas beaucoup de place. Paul (Jean-Guy Bouchard), le frère ainé, semble un peu égaré, mais tout à fait gentil. La dernière section de cette famille est composée de Justin (Éric Leblanc), frère moins nanti de Jocelyne. Sa conjointe est Jeanne (Sophie Dion), l’idiote de service, et leur fils Kevin semble être sur le spectre de l’autisme. Mention toute spéciale à Vincent Roy qui joue ce dernier avec beaucoup de nuance et de délicatesse.
La scénographie du duo Cooke Sasseville est surprenante. En entrant dans la grande salle de La Licorne, alors que l’on pourrait s’attendre à une salle à manger ou une terrasse, on fait face à une jungle. Des palmiers parsèment le décor. Le duo exprime, dans le programme, avoir voulu faire allusion à la préhistoire, à un vivarium, voire un naufrage. Cela s’avère très à propos, puisqu’à la manière des naufragés de l’ile de Gilligan, la famille de Jocelyne semble n’avoir rien qui ne les rassemble, sinon un accident en haute mer qui les force à se côtoyer.
La conception musicale de Luc Lemay donne le ton dès le début de la pièce ; une mélodie angoissante qui ne laisse présager rien de bon. Malheureusement, pour le reste de la représentation, l’ambiance sonore se laisse oublier, les dialogues prenant une part tant importante qu’on ne remarque plus la musique.
La mise en scène de Fabien Cloutier est plutôt stagnante, apportant une stabilité aux chaos des dialogues. Comme le décor verdoyant prend beaucoup d’espace, il n’en reste que très peu pour les comédiens. Le fait qu’ils soient coincés les uns avec les autres physiquement reflète bien le sentiment qu’ils peuvent être « prisonniers » de cette famille.
Bonne retraite, Jocelyne est un portrait bien triste du manque de sensibilité, d’empathie et d’écoute entre des personnes qui devraient s’épauler et se soutenir et grandir ensemble. Même lors d’un événement rassembleur, autour duquel Jocelyne confie ses craintes et ses vulnérabilités, chacun est aux prises avec ses propres préoccupations. Jeanne présente d’ailleurs un monologue très touchant et vulnérable sur les difficultés financières que sa famille a dû surmonter. Kevin quant à lui, parle ouvertement de sa peine d’amour. Mais parmi toutes ses belles occasions de se rapprocher, les membres de cette famille ne font que bâtir des murs les séparant les uns des autres. À la fin de tout ça, aucun des personnages n’en ressort meilleur. Peut-être le public saura-t-il en tirer leçon à mettre en pratique lors d’une prochaine réunion familiale.
Dates antérieures (entre autres)
Présenté à la Licorne, du 9 octobre au 17 novembre 2018 + supplémentaires du 4 au 15 juin 2019