Dans la cour d'école, Jonathan embrasse Latifa. Ce coup de foudre explosif bouleverse tous les témoins de la scène – les filles, les garçons, les profs… Même la vieille dame à la fenêtre, en face de l’école. Cette passion les éblouit et brûle leurs regards. Elle ravive en chacun d’eux un foudroyant désir d’être aimé. À notre tour, nous sommes embrasés dans ce tumulte des coeurs. Rien n’est plus comme avant.
Ce texte de Luc Tartar s’inscrit dans la foulée des écritures contemporaines, et Eric Jean, directeur du Théâtre de Quat’Sous, signe une mise en scène séduisante et éclairante pour les ados. L’équipe dynamique qu’il a réunie est composée de quatre jeunes comédiens d’origines diverses et d’une grande dame du théâtre. Porteuse d’une brillante carrière de plus de 60 ans, Béatrice Picard sera certainement reconnue des ados par la voix qu’elle prête au personnage populaire de Marge Simpson depuis 1989. Le désir est vraiment possible à tout âge! Un coup de cœur assuré.
*Rencontre avec les artistes
Conception visuelle et sonore : Magalie Amyot, Stéphanie Cloutier, Olivier Gaudet Savard et Martin Sirois
Durée du spectacle : 50 minutes
Production : Théâtre Bluff (Laval)
Les Gros Becs
1143, rue Saint-Jean
Billetterie : 418-522-7880 poste 1
_______________________
Dates antérieures, entre autres
Maison Théâtre: du 19 au 28 février 2010
Maison des arts de Laval : du 30 septembre au 2 octobre 2009
par David Lefebvre
Deux êtres qui s'embrassent et c’est le monde qui vacille...
Jonathan, sexuellement, c'est le garçon qui fait mouiller l'entrejambe des élèves, des professeurs et du directeur de l'école, tous sexes confondus. Il n'est pas qu'un sex-symbol, il est la masculinité faite adolescent. Alors que Latifa passe près de lui, il la rattrape de justesse et s'ensuit le baiser le plus passionné de l'histoire de la cour. Un coup de foudre comme une décharge électrique, une passion qui, comme une onde de choc, fait tomber à la renverse tous les témoins de la scène. Même la voisine de l'établissement scolaire n'y échappe pas, bouleversée et éblouie par ce baiser d'une fougue jamais égalée.
Mise en scène par Éric Jean, la pièce S'embrasent est une suite de témoignages de ces brûlés vifs, survivants de cette soudaine éclipse amoureuse. Prenant une forme fragmentée, hybride, entre vidéoclip, instants présents et déclarations intimes, le spectacle propose audacieusement une poésie urbaine, lumineuse, et un langage jeune et cru, avec une certaine fixation sur les seins et l'aveu ultime d'avoir commis l'acte sexuel - ou non. Tu l'as fait? clament et demandent tous les ados, en mentant pour paraître dans le coup. Les quatre jeunes comédiens (Francesca Bárcenas, Christian Baril, Matthieu Girard, Talia Hallmona) et la merveilleuse Béatrice Picard, dans le rôle de la nostalgique voisine «qui laisse sur le bord de la fenêtre des préservatifs dans une assiette», évoluent dans un environnement scénique dépouillé. Le sol est séparé par des traits de lumière rouges et blancs, rappelant les lignes de jeux de balle, et le mur qui ferme le fond de la scène devient une ardoise géante, un tableau noir sur lequel ils inscrivent des mots et dessinent un organigramme de la supposée vie sexuelle de Jonathan. La lumière est aussi fragmentée, venant isoler à quelques moments les comédiens, les plongeant souvent dans ce clair obscur de l’adolescence. À quelques reprises, on se sert de sources lumineuses portables, de petits néons, par exemple, qui donnent un air de rave à l’une des scènes chorégraphiées. L’ambiance musicale diversifiée colle parfaitement à la pièce : de l’électro à Love Story (Béatrice Picard en Sherley Bassey), en passant par un repiquage du succès de Michel Fugain et le Big Bazaar, Une belle histoire – car on parle bien, ici, d’une de ces «romances d’aujourd’hui». L’estime de soi, la réputation, les premières expériences, l’abandon… les ados se confrontent à tout, et le monde adulte est tout aussi excitant qu’effrayant. Et ces deux amants que l’on ne verra jamais s’impriment pourtant dans notre esprit, tant la puissance des mots et l’embrasement des témoins nous sont, à nous aussi, fatals.
S'embrasent a aussi profité d'une des premières campagnes virales du genre sur Internet, pour une pièce québécoise pour adolescents, grâce à plusieurs vidéos postés sur le réseau YouTube. Si vous avez de la difficulté avec les vidéos sur cette page, la page d'accueil du Théâtre Bluff sur YouTube pour les visionner est le http://www.youtube.com/user/ThBluff.
Si «l’amour est un vertige qui nous fait avancer1», il nous fait aussi rêver et applaudir. Chaudement accueillie lors de la première à la Maison des arts de Laval, S’embrasent est une pièce aux résonances tangibles, transportée par un discours à cinq voix, fougueuse, sensible, frénétique. La pièce sera en tournée durant l’automne 2009 et foulera les planches de la Maison Théâtre en février 2010.
1. source : mot de l'auteur