Ik Onkar vient des sikhs : « Une (ik) conscience (ou énergie) créatrice (Ong) en action (kar) » ou encore « Le créateur dans la création et la création dans le créateur ».
Caroline, Marie-Ève et Philippe se rejoignent sur le toit de leur école pour partager leurs espoirs et leurs questionnements. De Rebecca Black à Cyrano de Bergerac, du rire aux larmes, de l’humanisme au capitalisme et de l’astronomie à l’art de penser, leurs sujets de discussion, tout comme leurs états d’âme, sont aussi variés que l’information qu’ils grappillent sur le Web. À travers la quête de sens de ces trois amis, Ik Onkar dresse le portrait vibrant d’une génération qui cherche une place à son image au sein d’une société qui ne l’est pas.
Le Théâtre la Catapulte d’Ottawa offre par ce spectacle une belle occasion d’échanger sur les rêves et les espoirs des jeunes, sur ce qui les motivent à poursuivre leur quête de vivre pleinement et d’être heureux.
Section vidéo
Décors, éclairages et vidéo : Benoît Brunet-Poirier
Environnement sonore : Louis-Philippe Robillard
Régie : François Ouimet
Crédit photo : Sylvain Sabatie
Durée du spectacle : environ 60 minutes
Sera aussi présenté à la Maison Théâtre du 11 au 21 mars 2015
Production Théâtre de la Catapulte (Ottawa)
Vous pouvez aussi lire la critique de Daphné Bathalon, lors du passage de la pièce à la Maison Théâtre en mars 2015
par David Lefebvre
Ik Onkar, ou « là où l’humain rencontre l’univers ». Voilà comment trois adolescents traduisent cette expression sikh, trois amis qui se réunissent le soir sur le toit de l’école, aux prises avec d’innombrables questions existentielles. Plus récente pièce de la compagnie franco-ontarienne Théâtre la Catapulte, Ik Onkar, en tournée au Québec, est une pièce atypique : par des mises en abîme, elle plonge le jeune spectateur à travers différents niveaux de narration, permettant d’explorer une multitude d’interrogations typiquement adolescentes : l’amour, l’amitié, la jalousie, la rencontre réelle de l’autre au-delà des statuts Facebook et des hashtags et notre place dans l’univers et dans la société d’aujourd’hui.
Présents sur scène dès l’entrée en salle du public, dansant sur des airs electro-pop dont À cause des garçons de Yelle, les comédiens Marie-Eve Fortier, Caroline Lefebvre et André Robillard instaurent une ambiance festive, sans contraintes, libérée. Puis vient la scène d’ouverture, où les trois jeunes, aux mouvements répétitifs – comme si la vie était une chaîne de montage dans une usine – font état de leurs aspirations, de leur désir de réussite, d’argent et du travail à accomplir, jusqu’à ce qu’ils se questionnent enfin pour sortir de cette machination. Puis, les niveaux s’entremêlent : ils brisent le quatrième mur pour évoquer un concours d’Amnistie international auquel ils participent, expliquant indirectement le présent spectacle pour lequel on leur a dit de ne pas parler de drogue, de sexe et d’imposer une morale. Heureusement, ils n’ont pas écouté les recommandations qu’on leur a faites. Par l’entremise d’une dizaine de tableaux, ils expliquent la manière dont ils se sont rencontrés, leur penchant pour Nelligan ou Cyrano de Bergerac et la tension amoureuse qui s’est installée entre les trois inséparables, provoquant incompréhension et jalousie. Les questions existentielles, philosophiques et sans réponses fusent, mènent vers l’évocation du mal-être et l’immobilisme dont ils veulent s’échapper, alors qu’ils tentent de prendre place au micro, tour à tour, retenus et tirés en arrière par les autres, grâce à un câble qui les unit et les attache.
Le fil narratif qui unit les tableaux est plus ou moins subtil, faisant de Ik Onkar un spectacle emblématique de l’intensité et de l’incandescence qui caractérisent si bien l’adolescence. La poésie trouve une place importante au cœur du spectacle : en plus de Nelligan, on chantera la chanson Des armes de Léo Ferré et on entonnera certains vers de Cyrano sur la trame musicale d’Alors on danse de Stromae. L’humour et la tragédie ont aussi une part importante : alors que l’idée du romantisme mène vers une relecture tout aussi acide, hilarante que contemporaine de Roméo et Juliette, narrée par Rosaline, celle qui fut larguée par le beau chanteur de pomme au moment où il découvre la (pas si) Belle et son balcon, l’agonie de Mercutio, poignardé par Tybal, provoque l’énumération des récentes tueries aux États-Unis, en France, en Chine, au Brésil, en Norvège et à Montréal, dans les écoles et les camps, visant principalement les enfants et les adolescents. Un moment introspectif d’une grande tristesse, livré avec beaucoup de sobriété.
Le décor de Benoît Brunet-Poirier, qui signe aussi la conception d’éclairage et la vidéo, rappelle vaguement au départ un terrain de jeux, avec quelques barres de fer qui se manipulent ensuite pour transformer totalement l’espace, au gré de la représentation. L’écran en fond de scène, ainsi qu’un autre plus petit et mobile, permet tout autant le théâtre d’ombres que la diffusion d’images statiques, comme des étoiles ou de la neige, ou encore animées, dont des images médicales de l’intérieur d’un corps, numérisé, qui vient faire écho aux débordements interrogatifs des trois amis, opposant univers extérieur et intérieur.
Cette création collective n’est certes pas parfaite, tout comme les êtres humains qui foulent cette terre, mais elle s’avère à certains égards audacieuse, rythmée, (im)pertinente et vibrante.