Au début, il faut marcher, suivre le petit chemin de coquillages et de pierres qui fait le tour d’une grande tente aux voiles blanches. On entre dans la tente et la lumière est douce comme un soleil qui se couche. Un grand homme rêve à la mer. Il fait apparaître le sable et les tortues, les mouettes et les poissons, le foin, le ciel, les bateaux et le temps qui passe. À ses côtés, un autre grand homme invente de la musique et fait voler sa voix au-dessus de l’océan. Attendre c’est espérer, et ça arrive souvent…
Véronique Côté signe un spectacle sensible, parsemé d’images, de musiques, de mots, de silences… comme un poème pour quelqu’un qu’on aime. Comme des vacances sur une plage inventée. Depuis sa création en 2012, le Théâtre des Confettis promène ce petit bijou de spectacle un peu partout au Québec, au Canada, au Brésil et en France.
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Décor, costumes et éclairages : Erica Schmitz
Musique originale : Josué Beaucage
Paroles et musique de la chanson Juste beaux : Josué Beaucage
Crédit photos : Louise Leblanc
*Tout ce qui brille voit, citation de Gaston Bachelard tirée de son livre « La poétique de l’espace », PUF.
Durée 35 minutes
Production Le Théâtre des Confettis
Dates antérieures (entre autres)
Du 24 au 27 mai 2012 Gros Becs
Du 28 décembre 2013 au 5 janvier 2014 - Maison Théâtre
Flots, tout ce qui brille voit, l'un des petits trésors de la compagnie Théâtre des Confettis, qui célèbre d'ailleurs cette année son 38e anniversaire, a parcouru trois continents depuis sa création au Festival Méli'Môme, en France, en 2012. En ce frisquet début d'octobre, la pièce s’installe sur la scène des Gros Becs pour une seconde fois en trois ans pour charmer petits et parents.
Les grandes personnes et leur progéniture sont invitées à suivre un chemin de coquillages, puis à entrer à l’intérieur d’un petit chapiteau aux parois diaphanes, où les attendent l’homme musicien (Josué Beaucage) et l’homme qui parle (Guy Daniel Tremblay). Ensemble, avec beaucoup de douceur, ils se remémorent leur mère, ses lunettes, son rire, son odeur, comme une rose dans une bouteille. Par les contes qu’ils entendent le soir, ils imaginent la mer : les bateaux, le sable blanc, les cailloux et les coquillages, jusqu’aux créatures marines, dont les poissons qui se transforment en oiseaux puis en étoiles.
Les enfants suivent avec attention et émerveillement le jeu de ces deux frères, qui s’amusent avec la matière, la lumière et les sons. Josué Beaucage entonne avec une certaine délicatesse, voire nostalgie, quelques mélodies et complaintes, en s’accompagnant d’un banjo, d’un harmonica, d’un accordéon ou encore d’un petit piano. De son côté, Guy Daniel Tremblay, à la narration, fait voler des oiseaux de papier en imitant leur cri et met les mains dans le sable qui recouvre la table en forme de croissant de lune. Il fait apparaître la mer, avec une étoffe bleu vert, quelques cailloux, du foin et un coquillage. En soulevant à la verticale le dessus de la table, l’homme qui parle nous entraîne au fond de l’océan, suivant les baleines et les poissons qui apparaissent en jeux d’ombre et de lumière.
La mise en scène de Véronique Côté se veut d’une belle sensibilité, parsemée d’attente, d’espoir, teintée de douceur et de poésie. Si les différents tableaux ne forment pas une histoire classique aux péripéties qui se suivent, l’univers des deux hommes se veut chaleureux, délicat, et on les suit avec plaisir au creux de leur imagination.
Enveloppant, tout aussi intimiste que bercé par l’immensité de la vie, Flots, tout ce qui brille voit, qui tire son titre d’un poème de Gaston Bachelard, se veut une première ou une seconde expérience théâtrale parfaite pour les plus petits et un moment d’arrêt serein et d’une grande simplicité pour les plus grands.
autre critique, par Olivier Dumas (2014)
Avec Flots, tout ce qui brille voit, Véronique Côté et le Théâtre des Confettis signent une création théâtrale séduisante et sympathique.
Originaire de la région de Québec, Véronique Côté s’illustre depuis plusieurs années à la fois comme comédienne, auteure et metteure en scène. Sur les planches montréalaises, le public a pu constater ces quinze derniers mois sa polyvalence, entre autres avec son texte Tout ce qui tombe au Théâtre d’Aujourd’hui et sa direction d’acteurs dans Scalpée à l’Espace Libre. Pour cette production s’adressant essentiellement aux enfants de 18 mois à cinq ans, la créatrice polyvalente orchestre ici un univers pour les tout-petits avec une dramaturgie simple, sans tomber dans le simplisme, teintée d’une ambiance sonore et visuelle attrayante.
Pendant trente-cinq minutes bien nourries, la représentation éclectique a su rejoindre son auditoire de prédilection. Car comme dans Là où j’habite, la pièce précédente présentée au même endroit à quelques jours d’intervalle (la salle principale du Prospero, bien que leurs dispositions scéniques soient très différentes), Flots, tout ce qui brille voit aborde de manière très ludique les questions d’initiation aux premières expériences de la vie et de découvertes d’un environnement plus imposant que soi qu’il faut apprendre à connaître, aimer et respecter. «Grande est la vie», comme le chante Mara Tremblay, et c’est avec une approche humaniste d’une douceur enveloppante, conçue presque sur la pointe des pieds et sans brusquerie, que L’Homme qui parle (interprété par un Guy-Daniel Tremblay tout en nuances) et l’Homme qui chante (un Josué Beaucage entouré d’une panoplie d’instruments de musique) construisent sous nos yeux une histoire de mers, de sable, de pêche et d’animaux aquatiques. Chez les concepteurs du spectacle, l’influence de l’ubiquiste Robert Lepage est donc facilement perceptible par des éléments scénographiques qui se transforment sans cesse devant nous.
L’expérience s’amorce lorsque les comédiens viennent chercher les spectateurs, presque un par un par la main, pour les guider sur un sentier de coquillages, jusqu’à une tente blanche où se déroulent les péripéties de l’histoire. Dès que tout le monde est bien installé sur le plateau du Prospero, Josué Beaucage joue magnifiquement quelques notes d’accordéon. Son partenaire de jeu prononce quelques mots, presque comme des onomatopées, qui trouvent rapidement un écho favorable auprès des gamins et gamines. Sous ce chapiteau, ces derniers et dernières regardent avec attention cette intrigue, tout en se permettant de réagir à certaines répliques. La pièce évolue, alors que la parole cède davantage la place à l’utilisation de matériaux, comme le sable qui glisse entre les doigts, ou une canne à pêche qui attrape de bien jolis poissons. Mentionnons au passage une conception sonore très réussie, notamment dans l’évocation des bruits en lien avec l’eau. À plusieurs moments, c’est comme si nous vivions les émotions découlant de ce récit grâce aux sons. Par ailleurs, les projections d’ombres chinoises, surtout vers la fin de la pièce, sont ingénieuses.
Par contre, les relations entre les différents éléments, entre autres lors de certaines transitions, gagneraient à être mieux harmonisées, mieux liées, afin de rendre à la perfection les sensations de ce microcosme aux allures d’un cocon. Autrement, l’ensemble s’écoute, se regarde et se perçoit avec joie et avec une grande curiosité, même pour des spectateurs plus âgés.
Dans la présentation du spectacle se trouve une citation de Gaston Bachelard tirée de La poétique de l’espace qui a inspiré le titre de la production: «Tout ce qui brille voit». Grâce à ce Flots…, le Théâtre des Confettis a ainsi ajouté des couleurs scintillantes à son répertoire.
autre critique, par Magali Paquin (2012)
Avec sa plus récente production, « Flots, tout ce qui brille voit », le Théâtre des Confettis s’adresse cette fois aux tout-petits. Cette pièce pour bébés et bambins de 18 mois et plus s’avère un voyage initiatique tout en simplicité, douceur et poésie dans l’univers du théâtre.
Le périple débute le long d’un sentier de coquillages, que les enfants sont invités à suivre pour ensuite pénétrer dans une grande tente blanche, sorte de cocon pastel aux mille merveilles. Bouteilles translucides, phare-lanterne, mobile de poissons, étoile de mer : tout dans le décor (Érica Schmitz) parle de l’océan, lorsqu’il se fait doux et apaisant. Posté derrière une table en forme de lune, le comédien Guy Daniel Tremblay s’adresse aux enfants d’une voix grave et berceuse. Le musicien Josué Beaucage l’accompagne avec son harmonica, son accordéon ou une chanson composée pour l’occasion. Les mots sont rares, posés ici et là comme des bouées, tels des repères lexicaux pour les découvreurs de nouveau vocabulaire. Caillou. Foin. Tortue. Coquillage. Les petits répètent, amusés, alors qu’un véritable paysage littoral prend forme devant eux, façonné par les mains du comédien.
Malgré leur très jeune âge, ils sont fascinés, calmes et attentifs à cet univers surprenant qui se déploie sous leurs yeux. Lorsque la table s’ouvre et que sa translucidité se teinte de vert et de bleu, que des petits poissons y frétillent en ombres chinoises et que des méduses argentées s’agitent au plafond, l’émerveillement est total.
La conceptrice et metteure en scène Véronique Côté, qui dit d’elle-même ne pas savoir faire du théâtre pour les bébés, a définitivement un don. Celle qui est animée par la conviction que « les bébés ont droit à la beauté » réussit son pari et plus encore. « Flots… » ouvre la porte du rêve aux tout-petits et rappelle à leurs parents toute la valeur d’une tendre simplicité. C’est habités d’une quiétude enveloppante qu’enfants et adultes quitteront les lieux, caillou au creux de la main et sérénité au creux du cœur.