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Du 11 septembre au 6 octobre 2007 (La Bordée, Québec)
Du 6 au 30 novembre 2007 (Denise-Pelletier, Montréal)

Un simple soldat

Texte de Marcel Dubé
Mise en scène de Jacques Rossi
Avec Éric Bruneau, Annie Charland, Fabien Cloutier, Mathieu Desjardins, Laurie-Ève Gagnon, Marie-Ginette Guay, Jean-Bernard Hébert, Maryse Lapierre, Raymond Legault, Jean-Nicolas Marquis, Louis-Olivier Mauffette, Éva Saïda Saheb-Ettaba

«Tu diras au père qu’y aura plus à m’endurer…»

L’histoire se déroule du mois de mai 1945 à l’été 1952. C’est-à-dire pendant les années qui séparent la fin de la Deuxième Guerre mondiale du début de la guerre de Corée. Joseph Latour, jeune soldat démobilisé avant d’avoir pu combattre, retrouve son univers : une famille désunie qui vivote dans un Québec pauvre et asservi. En mal d’identité, le cœur plein d’amertume et de révolte, il trahira tous ceux qu’il aime et trouvera enfin un sens à sa vie, avant de crever, victime anonyme d’un éclat d’obus ou d’une balle perdue. Plus qu’une histoire familiale, un Simple Soldat livre le mal de vivre d’un peuple tout entier à l’aube de la Révolution tranquille.
 
Marcel Dubé est l’un de nos auteurs dramatiques les plus prolifiques : plus de trente pièces pour la scène, autant de télé-théâtres, quatre téléromans et plusieurs textes radiophoniques. À la fin des années 1960, cet auteur domine la dramaturgie québécoise : l’abondance de son œuvre et la force de ses thématiques le classe dans une catégorie à part.  Écrit en 1957, un Simple Soldat sera d’abord présenté à la télévision avant d’être présenté sur la scène de la Comédie Canadienne l’année suivante.

Collaborateurs : Christian Fontaine, Michel Gauthier, Stéphane Girouard, Jennifer Tremblay

Une coproduction du Théâtre Denise-Pelletier, du Théâtre de la Bordée et des Productions JBH

La Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie :418-694-9721

Théâtre Denise-Pelletier
4533, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

 

 

David Lefebvre s'est entretenu avec Louis Olivier Mauffette pour parler de la pièce Un simple soldat


Après, entre autres, une apparition dans Zone et avoir signé la mise en scène de Florence au Théâtre Denise-Pelletier à la fin de 2006, Jacques Rossi s’attaque au classique des classiques de Marcel Dubé, Un simple soldat. Pièce fétiche de l’auteur prolifique, créé pour la première fois à la télévision de Radio-Canada, le 10 décembre 1957, puis à la Comédie Canadienne, le 31 mai 1958, de grands acteurs auront porté les bottes du soldat Latour. C’est au tour du comédien Louis Olivier Mauffette de se les attacher au pied. « C’est vierge que j’ai abordé le personnage, me confie-t-il, puisque je n’ai jamais vu Un simple soldat, ni sur scène ni à la télé. Mais interpréter un personnage aussi révolté, qui a de la gueule, un homme loin de ma personnalité, c’est un cadeau dans une vie, c’est toute une rencontre, et c’est vraiment stimulant ! » Il s’est approprié le personnage en observant et analysant ses conflits, ses malheurs et sa violence. Ce n’est pas la première fois qu’il travaille avec Rossi ; même quatre fois plutôt qu’une. Alors que le metteur en scène avait apporté son aide sur le projet de La boutique au coin de la rue, Louis Olivier renoue avec Jacques Rossi sur le plateau de Visite à M. Green et Florence. « Jacques reste très fidèle aux mots de Dubé, il veut qu’ils soient dits et compris. Puis il y ajoute sa mise en scène, ses idées, sa façon de voir le spectacle. Il réussit à renouveler son travail, il ne se fige pas dans un style ; et c’est assez différent de Florence. » Véritable témoignage du mode de vie des Québécois de la fin des années 40, le spectacle dépeint bien l’ambiance du temps. Mais certaines choses ne changent pas. « Latour vit dans une famille reconstituée, m’explique le comédien. Il a de la difficulté à s’adapter, autant à cette famille qu’au mode de vie qu’on veut lui imposer. Alors, il se rebelle, il ment, il joue et perd beaucoup. » Avec un spectacle de 2h50, le rythme se doit d’être soutenu. « Totalement ! C’est un véritable terrain de jeu, la troupe est superbe, je m’amuse beaucoup. On a d’ailleurs présenté la première, je me rappelle, le 11 septembre dernier à La Bordée, à Québec. Date symbolique… C’était comme un rêve de jouer à Québec, je me sentais un peu touriste dans la ville, j’avais ma petite chambre. Le spectacle a connu un immense succès, autant auprès du public en général qu’avec les adolescents. Ils se reconnaissent dans ce personnage qui gueule pendant trois heures contre la société et tout. C’est presque un exutoire. Jacques a le don de bien raconter une histoire, qui parle aux gens. » Bien entendu, ces temps-ci, qui dit soldat, aussi simple soit-il, dit guerre, donc Afghanistan et Irak. « Bien sûr qu’on en est venu à en parler entre nous. En fait, le lien que nous faisions entre la pièce et la réalité d’aujourd’hui, c’est au niveau du phénomène des gens qui ne savent plus à quoi se rattacher, qui veulent se battre pour une cause ou qui n’ont carrément plus d’estime en eux. Alors, ils s’enrôlent. L’héroïsme que Latour affiche, lui qui n’a finalement jamais participé à la guerre 39-45, malgré ses mensonges, il veut probablement le trouver, le mériter. Il partira donc pour la Corée. »

Et l’après Soldat ? On pourra apprécier le talent de Louis Olivier Mauffette lors d’une lecture-événement au O Patro Vys, le 3 décembre prochain. 36 pièces de 5 minutes de 36 auteurs différents seront alors offertes au public. Puis, une tournée se profile pour la pièce Florence cet hiver, un saut dans Stockholm, la nuit dans les Maisons de la culture de Montréal et une tournée québécoise pour Un simple soldat l’automne prochain. Il semble que ce ne soit pas que dans l’armée qu’on puisse s’enrôler et voir du pays…

26-10-2007

 

par David Lefebvre

Je n'aurai que très peu de choses à ajouter à la critique de Yohan Marcotte, notre collègue de Québec, qui a vu Un simple soldat lors de la première à La Bordée, à Québec, en septembre 2007. Je vous suggère donc, en complément, de la lire ; elle se trouve un peu plus bas dans cette page.

Fin de la Deuxième Grande Guerre. Le pays est prospère, et les soldats reviennent à la maison. Joseph Latour, jeune bum (rebelle) d'une famille reconstituée mais dysfonctionnelle, revient au bercail, sans avoir pu affronter le champ de bataille. Les membres de la famille ont chacun leurs soucis ; à part le paternel et Fleurette, la plus jeune de la famille qui adore son demi-frère, personne n'est heureux de le Joseph. Le retour est difficile, le jeune homme ne s'en laisse pas imposer par personne, ni par son père, ni par la société, qui tentent de le responsabiliser et de le mettre au pas. Soldat manqué, voilà comment on l'appelle, et son orgueil est durement touché. Il a la révolte au coeur, il a l'âme meurtrie depuis la disparition de sa mère et il ne trouve pas sa place nulle part. Durant plusieurs années, il tente, avec son ami Émile, de la dénicher, courant d'un travail à l'autre, buvant sa paye le vendredi soir, et repart finalement au front, pour la guerre de Corée, où il sera touché par trois balles meurtrières.

Cette révolte, Louis Olivier Mauffette s'en pare comme d'un manteau de gloire, une deuxième peau. Il interprète le soldat Latour avec tant de conviction qu'il crée en nous, avec un plaisir non dissimulé, ce sentiment déchirant d'amour-haine pour ce personnage haut en couleur. Il nous offre une grande performance, habile, explosive, touchante. Les autres comédiens de la troupe sont tout aussi excellents et convaincants, donnant à leurs personnages une profondeur et une saveur particulière - la mère désabusée (Bertha - Marie-Ginette Guay), la jeune, naïve et belle Fleurette (Laurie-Ève Gagnon) amoureuse de son frère Joseph, le père (Édouard - Raymond Legault) qui adore son fils qui ne le lui rend pas, Armand (Jean-Nicolas Marquis), le demi-frère vendeur d'assurances qui n'a jamais senti de considération de la part de son beau-père... Leur talent nous entraîne rapidement dans l'univers du Dubé et celui du Québec d'hier et dans la conscience d'une époque en pleine évolution, où certains n'arrivent plus à suivre le cours des jours.

Photo 1 : Annie Charland (Marguerite) et Marie-Ginette Guay (Bertha)
Photo 2 : Raymond Legault (Édouard) et Louis-Olivier Maufette (Joseph)
Crédit photos : Jean-François Landry

La mise en scène de Jacques Rossi met à l'avant-plan les mots de Dubé, que ce soit par le texte clamé ou les chansons interprétées par deux comédiens (Mathieu Desjardins et Valérie Laroche) lors des transitions. Ces dernières, comme l'a indiqué mon collègue de Québec, viennent effectivement briser le rythme de la pièce, mais les paroles poétiques atteignent néanmoins le public. Des projections animées sont omniprésentes, affichant des dates précises ou des décors de la ville, et dynamisent le spectacle. Le décor a été savamment construit : les murs pivotent comme si l'on tournait les pages d'un livre pour donner accès au petit appartement de la famille Latour ou à un restaurant de Montréal, où Joseph veille de temps à autre.

Le manque d'ambition, la quête identitaire, la recherche de liberté inconditionnelle et la déresponsabilisation sont des éléments-clés du caractère de Joseph Latour, et d'une jeunesse en puissance au début des années 50. L'amour, ou du moins le manque d'amour dans une cellule familiale, la pauvreté, le désoeuvrement, la recherche de sécurité tout en espérant ne pas passer à côté de la chance d'avoir une vie moins vide font aussi partie des thèmes abordés lors de la pièce. Des thèmes qui parlent assurément au jeune public de Denise-Pelletier, même si les plus âgés auront plus de facilité à suivre la trame du spectacle et à pleinement l'apprécier.

10-11-2007

 

par Yohan Marcotte

La Bordée donne le coup d’envoi de sa saison 2007-2008 avec la pièce Un simple soldat de Marcel Dubé, en coproduction avec le Théâtre Denise-Pelletier et les Productions JBH. À l’heure où des soldats morts en devoir nous sont rapatriés d’Afghanistan, cette œuvre majeure du répertoire théâtral québécois, créée en 1957, sait bien se renouveler et captiver le spectateur d’aujourd’hui.

L’efficacité de cette pièce s’opère non seulement grâce à l’intérêt historique quelle contient : la réalité une famille québécoise suite à la deuxième guerre mondiale, mais aussi grâce à l’incapacité du personnage principal, le soldat Joseph Latour, de se trouver une place au sein d’une société en temps de paix. Entraîné au combat, celui-ci se voit démobilisé sans avoir livré bataille au front. La guerre terminée, Joseph Latour est un homme sans ambition, sans lendemain, de sorte qu’il prolonge ses journées avec l’abus d’alcool. Pourtant, une force de caractère est bien manifeste dans le jeu du comédien Louis-Olivier Mauffette qui prête ses traits à ce jeune homme et communique une bonne humeur autour de lui et ce… jusque dans la salle ! Cette joie n’est cependant qu’une image, celle que le personnage souhaite afficher. Cette apparence de vie réussie (comprendre ici : d’être vivant à la fin de la guerre) s’effrite rapidement lorsque ses membres de sa famille, lassés de le faire vivre, l’obligent à se responsabiliser et à se mettre sur le marché du travail. Marcel Dubé met de l’avant la précarité des conditions de vie de la population. Il montre la famille Latour louant un appartement exigu pour leur nombre qui, malgré ce fait, occasionne une contribution financière de tous, sous forme de pension, pour arriver à effectuer le paiement du loyer.

Joseph et son ami Émile affichent la volonté de se montrer débrouillards afin de gagner rapidement beaucoup  d’argent. Ils sont à l’affût de combines sans se soucier de la légalité des affaires en question. Pourtant, le résultat de leurs démarches ne les avantage pas, ils sont incapables d’économiser et, suite à leurs actions un peu trop libres, ils sont victimes de chantage de la part d’un caïd. C’est dans ce pétrin que Joseph fait appel à son père pour lui avancer les fonds afin d’acheter le silence du mafieux. Bien évidemment, le père, voulant protéger son fils, s’arrange pour emprunter cet argent qu’il ne possède pas lui-même. A-t-il l’espoir secret de voir enfin son garçon se responsabiliser devant l’adversité qu’il rencontre? Quel qu’il en soit, Joseph ne montre pas le visage qu’on attend de lui depuis la fin de la guerre. Il ne veut pas du quotidien ennuyant qu’il voie peser sur son père et tous les membres de sa famille. Il demeure assoiffé d’un l’héroïsme dont il n’a pu s’épancher sur le champ de bataille…

La mise en scène de Jacques Rossi, elle aussi, laisse place à certaines libertés, comme l’ajout de séquences qui brisent la chronologie de la pièce convenue par l’auteur et produisent en quelque sorte un effet de distanciation puisqu’elles informent le public du futur de Joseph Latour. Ainsi, la dynamique entre les personnages, reflet de la société à petite échelle, prend le pas sur l’intrigue de la pièce et cela lui réussit bien car les comportements décrits par Dubé témoignent aussi de notre époque, de notre réalité. Il semblerait qu’au fond, certaines attitudes soient résistantes au changement…

Un chœur, composé d’un homme et d’une femme, a été choisi par le metteur en scène pour chanter les paroles des chansons que Dubé a rédigées pour les transitions entre les scènes de sa pièce. Le résultat est refroidissant. Avec l’apparition des choreutes, qui se plantent dans le décors pour livrer leurs chants au public, il se produit de telles fissures dans le ton que, malgré la poésie et les très beaux airs (composés par Stéphane Girouard), leurs apparitions sont agaçantes car elles ne semblent pas liées au même univers et, surtout, ne l’enrichissent en rien. Ces personnages en vêtements contemporains : petite robe rouge sur elle et jeans sur lui, devait-il faire le pont pour joindre le spectateur actuel ? Comme j’ai tenté de le décrire précédemment, le spectateur entre facilement dans cet univers qui, au fond, n’est pas si différent du sien. Je suis d’avis que d’insister sur des airs qui ne font que dédoubler dans un ton poétique, ce qui est facilement compréhensible entre les lignes du dialogue, passe difficilement pour un public tel que celui de la Bordée, du moins c’est avec un état de fermeture qu’il les a accueillis lorsque j’y ai assisté. De plus, ce choix ralentit le rythme de cette pièce qui est d’une durée considérable, bien que peu ennuyante.

Avec une interprétation savoureuse de l’ensemble des comédiens, cette production se montre somme toute intéressante en poussant à la réflexion sur l’impact de conditions de vie précaires sur des gens désoeuvrés, ainsi que sur la question de l’identité par l’entremise du personnage principal, lui qui ne sait que faire de la vivacité de son tempérament.

22-09-2007