Du 13 janvier au 7 février 2009
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HeddaHedda Gabler

Texte d’Henrik Ibsen
Mise en scène de Lorraine Côté assisté d’Hélène Rheault
Avec Véronique Aubut, Véronique Côté, Hugues Frenette, Valérie Marquis, Jean-Sébastien Ouellette, Réjean Vallée, Ghislaine Vincent.

La villa des Tesman, en Norvège, 1890. Un couple rentre de voyage de noces. Un couple désassorti. Il est chercheur, obnubilé par ses études, elle est égocentrique, toute de passion, toute de convention. Un homme, un ancien prétendant se présente et voilà le drame qui arrive.

Ce chef-d’œuvre d’Henrik Ibsen cache le feu de la passion sous la glace des pays nordiques. Un texte vibrant où la femme souhaite se sortir du carcan du foyer et de la maternité pour vivre librement.

Assistance à la mise en scène : Hélène Rheault
Décor : Monique Dion
Costumes : Denis Denoncourt
Assistant aux costumes : Sébastien Dionne
Assistante aux accessoires : Marie-France Larivière
Éclairages : Denis Guérette
Musique originale : Yves Dubois
Coiffures : Dany Lessard
Maquillages : Élaine Pearson

Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

par Yohan Marcotte

Norvège, fin du XIXe siècle. Hedda Gabler vient de se marier. Elle aménage dans une villa au retour d’un long voyage de noces. Ce périple a été l’occasion pour son mari, Tesman, de poursuivre ses recherches dans les archives de différentes villes. En tant que jeune docteur en histoire des civilisations, il attend d’être nommé professeur à l’université. Il compte sur ce poste pour rembourser ses dettes à ses créanciers, dont le juge Brack, un dandy qui est aussi ami du couple. Un célibataire qui aimerait bien croquer la belle Hedda. Ce dernier vient tout juste d’aider Tesman à acquérir la maison dont rêvait Hedda. Cependant, la demeure n’est pas le nid d’un couple amoureux. Hedda méprise visiblement l’entièreté de son entourage ainsi que son mari, lui qui se fendrait en quatre pour satisfaire les désirs de sa bien-aimée.  Il est à ses pieds, mais il n’a pas assez de colonne pour satisfaire les aspirations de Hedda et ne peut  devenir le piédestal, sur lequel celle-ci aurait souhaité s’ériger une position bien en vue.  On sent qu’elle ne pourra souffrir cette situation longtemps… jusqu’à l’arrivée de Lovborg, un ancien ami de l’époux, un homme qui avait une réputation de dépensier, de caractériel et de buveur invétéré.  Il a déjà fait chavirer le cœur de Hedda autrefois… et bien qu’une situation trouble ait mis fin à leur idylle, il semble que Hedda vibre toujours pour lui. D’autant plus qu’on dit qu’il est un homme nouveau, qu’il s’est assagi et que, venant de publier un ouvrage à succès, il est reconnu comme un génie par le public…

Cette pièce de Henrik Ibsen est incontournable – que dis-je ! – c’est un véritable monument de la condition femme.  Bien que les mœurs ont changé depuis l’époque où cette pièce a été écrite (1890), le propos est toujours digne d’intérêt. Hedda Gabler présente une femme étouffée par son milieu, celui de la petite bourgeoisie, où les hommes disposent d’une liberté dont elle aimerait bien pouvoir disposer. Une femme en avance sur son temps, pourrait-on dire, mais aussi un auteur, et avant tout un homme, aux propos avant-gardistes. Si elle avait vécu cent ans plus tard, cette femme aurait pu être aussi libérée que les hommes et elle aurait pu devenir une self-made woman. Cependant, il n’en est rien, car cette femme est déchirée. L’origine de sa division est son ventre, car il lui permet de donner la vie ce qui heurte sa liberté et ne lui permet pas l’accès à l’autonomie du genre masculin.

La mise en scène de Lorraine Côté, réaliste en apparence – avec la reconstitution d’un salon bourgeois garni de boiseries et de lourds drapés ainsi que les costumes qui semblent sortis directement de livres d’histoire – est en réalité parsemée de commentaires d’ordre symbolique qui viennent montrer comment cette société est elle aussi fissurée. Par exemple, le décor est planté sur un grand carré de bois massif qui est cerné lui-même par des plaques noires où de grandes failles – éclairées d’orangé dans un premier temps, puis de lumière blanche ensuite – se distinguent, donnant l’impression qu’un volcan s’éveille pour mettre en lumière tout le jeu de cache-cache de cette société bien pensante qui se contente de sauver les apparences ; un dispositif très pertinent pour donner du relief à la scénographie un peu morne. Cette belle trouvaille manque toutefois de vitalité, et il semble qu’elle gagnerait à être nuancée davantage. Car bien qu’elle produise un effet réel et prometteur sur la scène, sa longue utilisation est trop simpliste pour vraiment encadrer et accompagner le ton fluctuant du spectacle.

Outre quelques légers détails de cet ordre, on éprouve un réel plaisir à suivre l’intrigue complexe et captivante tissée par l’auteur, car les comédiens ont été dirigés par une main de maître. Il faut absolument voir la magnifique Véronique Côté (récipiendaire du Masque de la révélation de l’année 2004 pour sa mise en scène d’Une année sans été) interpréter Hedda avec force, assurance et machiavélisme, ainsi que l’omniprésent comédien Hugues Frenette qui donne une bouffée d’humour au spectacle.

La lecture de la pièce proposée par Lorraine Côté est pleine de finesse et laisse transparaître le grand amour qu’elle éprouve à son égard. De plus, elle parvient à partager avec le public la flamme obscure de cette pièce, féministe avant l’heure. Une mise en abîme des passions…

19-01-2009

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