Du 12 janvier au 6 février 2010
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La Reine Margot

Texte Alexandre Dumas
Adaptation et mise en scène Marie-Josée Bastien
Avec Frédéric Bouffard (Henri d'Anjou), Philippe Cousineau (Colignny et René le Florentin), Marie-Soleil Dion (Henriette de Nevers), Gabriel Fournier (duc de Guise), Jonathan Gagnon (Charles IX), Renaud Lacelle-Bourdon (duc d'Alençon), Éliot Laprise (Annibal de Coconnas), Danielle Lépine (Catherine de Médicis), Marie-Ève Pelletier (Marguerite de Valois), Guillaume Perreault (La Mole), Simon Rousseau (Henri de Navarre)

Marguerite de Valois, héritière de la famille royale de France, doit épouser Henri de Navarre, le futur Henri IV. Elle est catholique, il est protestant. C’est un mariage politique pour calmer les tensions religieuses qui déchirent le pays. Cependant, la mère et les frères de Marguerite complotent pour garder le pouvoir et exterminer les protestants, et Marguerite tombe éperdument amoureuse de l’un d’eux, la Mole. Celui-ci va tenter de sortir Marguerite des dangers de la guerre et de sauver Henri des intrigues qui le guettent.

Sexe, amitié, sang, trahisons, passion, l’Histoire épique vue par Dumas reprend vie grâce au souffle ardent de l’adaptation et de la mise en scène de Marie-Josée Bastien.

Assistance mise en scène : Jean-Philippe Durand
Décor : Christian Fontaine
Costumes : Sébastien Dionne
Éclairages : Sonoyo Nishikawa
Musique : Philippe Brault

Co-production avec le Théâtre Denise-Pelletier

Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

par Yohan Marcotte

La Reine Margot présente le sombre destin de la dynastie des Valois, avant l’histoire de celle qui donne son nom à cette pièce on ne peut plus tragique. Il s’agit d’une nouvelle adaptation du roman d’Alexandre Dumas par Marie-Josée Bastien. Cette dernière assume également la mise en scène du spectacle, où on peut voir la déchéance d’une famille royale divisée qui a voulu dissoudre les tensions religieuses dans la France du XVIe siècle par le mariage arrangé de la catholique Marguerite de Valois avec son cousin protestant, Henri de Navarre.

Mariage de raison, s’il en est un, dans la folie généralisée qui assaille la famille royale, la jeune Margerite brûle de passion et n’a nullement envie de laisser son amant de moment pour le pieu Henri de Navarre. L’histoire nous montrera son passage du rouge passion au rouge enfer avec, pour trame de fond, les dérives sociales de l’intolérance religieuse.

En effet, comme les apparences ne sont qu’une mince couche sur la surface des choses, l’incompréhension et l’intolérance profonde entre catholiques et protestants mineront les tentatives d’harmonisation de la reine Catherine de Médicis, mère de Margot, qui est à l’origine du mariage. Bien vite, l’amiral Coligny, autre force majeure de cette union interreligieuse, voudra mener la France en guerre contre l’Espagne catholique, ce qui déplaira au plus haut point aux héritiers de Valois. Ceux-ci comprennent rapidement que les protestants n’ont pas la volonté de revenir dans le droit chemin du catholicisme, au contraire ils souhaitent diviser l’Église de Rome en allant combattre les catholiques espagnols. S’ensuivra l’irréparable blessure, le massacre de la Saint-Barthélemy. Cependant, l’histoire ne s’arrête pas là, car il n’est pas simple de calmer la fureur et l’orgueil blessé.

La mise en scène montre, de façon épurée, l’horreur dont le genre humain est capable lorsqu’il est prisonnier de sa folie. Le délire lui permet de s’entretuer sans remords, alors que les familles se déchirent et que les armes ratent les ennemis pour frapper les alliés. Les poisons aveugles grugent ceux qui croisent leurs chemins, car on ne se risque que peu à la guerre ouverte. La noblesse ne s’en va plus à la guerre, elle s’acharne à la chasse aux sangliers et aux lâches coups dans le dos.

Tous les protagonistes sont interprétés par une distribution bien équilibrée qui sait porter ce récit épique sans vraiment relâcher le rythme de cette pièce-fleuve. On y découvre des personnages hauts en couleurs qu’on aime haïr comme le frère du roi, Henri d’Anjou (Frédérick Bouffard) et son cousin, le Duc de Guise (Gabriel Fournier), mais aussi des figures d’intégrité que l’on admire dans leur maîtrise d’eux-mêmes, tel Henri de Navarre (Simon Rousseau).

Le tout est enrobé de costumes hybrides pour les hommes, c’est à dire fait de patchwork avec des coupes d’inspirations historiques et des matériaux évoquant passé et présent. Tandis que pour les femmes, on semble plus résolu à la fidélité historique avec les faux-culs et robes longues taillées dans des tissus qui semblent propres à l’époque. De même, le décor, bordé de portes d’arche, est signe d’une préoccupation historique. Cependant, le mobilier avec ses chaises en résine de synthèse, par exemple, s’en détourne. Un choix entre un système de pure référence historique ou celui de l’hybridation généralisée aurait donné plus d’homogénéité à l’esthétique de la pièce. Comme cette histoire a des résonances dans le monde contemporain (on en parle d’ailleurs ainsi dans le programme du spectacle), il aurait été bienvenu de pousser plus loin l’aspect hybride qui allie passé et présent au sein de chaque élément visuel. Malgré cette opinion, il n’en demeure pas moins que l’esthétique est harmonieuse pour le regard.

La force de cette mise en scène de Marie-Josée Bastien, qui s’impose aux spectateurs d’entrée de jeu, est la composition de tableaux rappelant ceux des maîtres de peinture de la renaissance. On peut voir dans le long prologue, des scènes de vie sociale où les personnages sont tous présents, réunis en petits groupes, comme s’ils complotent les uns contre les autres. Le tout donne des mises en place complexes et statiques, mais fourmillantes de vie. Comme si on avait croqué sur le vif ceux que le destin, la mort, a brusquement frappés. Par contre, après le prologue, ces merveilles de compositions se font de plus en plus rares.       

La pièce est résolument sombre, les éclairages de Sonoyo Nishikawa sont glauques et ils proviennent presque toujours de l’extérieur, au travers les carreaux de fenêtre par exemple, créant au sol des mosaïques de lumière qui sont toujours enchevêtrés, à l’instar des relations entre les personnages, d’ailleurs. Malgré ce côté obscur, il y a plusieurs moments où on rigole, en particulier avec le duo Coconnas et La Mole (Éliot Laprise et Guillaume Perreault) qui viennent alléger l’atmosphère oppressante de la situation. Ce qui nous déride d’abord pour notre plus grand plaisir semble ensuite venir court-circuiter l’intensité dramatique de la pièce. Le rire vient créer un effet de distanciation avec la douleur des personnages qui semblent pris dans un pathos étrangement risible. Cet effet était-il recherché par les créateurs du spectacle ? Si oui, il devient alors, pour le spectateur, moins aisé de se situer.

Cette pièce, coproduite avec le Théâtre Denise-Pelletier, est à l’affiche jusqu’au 6 février au Théâtre de la Bordée. Ensuite, elle se produira à Montréal à compter du 26 mars. Ne manquez pas cette fresque historique qui nous fait vibrer comme les cordes d’un violoncelle dans les mains d’un musicien passionné, comme la musique que Philippe Brault a composée pour la pièce.

17-01-2010

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