Oeuvre de jeunesse de Tremblay, Bonjour, là, bonjour s’inscrit dans la révolution de l’histoire du théâtre québécois des années soixante-dix. Une puissante partition d’harmonies et de discordes orchestrée de main de maître par Lorraine Côté.
Assistance mise en scène : France Deslauriers
Concepteurs : Alexandre Fecteau, Élise Dubé, Julie Morel, Sonoyo Nishikawa et Yves Dubois
Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721
par Sophie Vaillancourt Léonard
C’est avec une œuvre de jeunesse de Michel Tremblay que le Théâtre de La Bordée a entamé, avec force sa saison 2010-2011. De retour d’un voyage de réflexion, Serge (Eliot Laprise) retrouve sa famille dysfonctionnelle : ses deux tantes malades et grinçantes (Lise Castonguay et Marjorie Vaillancourt), son père sourd (Patric Saucier) et ses quatre sœurs : la bourgeoise alcoolique (Erika Gagnon), la névrosée (Sylvie Cantin), la boulimique (Marie-Josée Bastien) et Nicole (Catherine Hughes), celle avec qui il vivra finalement aux yeux de tous, une passion amoureuse taboue et cachée depuis toujours.
Érigée en pyramide, la mise en scène de Lorraine Côté frappe : Nicole, placée tout en haut de son piédestal, sur un lit dont elle ne descendra jamais, devient l’objet ultime de la tentation, l’objectif tant attendu. Serge, tout en bas, fait face au « mur » de ses trois sœurs. Derrière, le lit des deux tantes fait figure de sentinelle et tout près, le fauteuil et la télévision du père qui, s’il n’entend rien,
est loin de ne pas voir ce qui se passe sous son toit.
Tremblay, pour qui l’art de mélanger voix et dialogues n’a plus de secrets, ne donne pas la tâche facile à qui voudrait mettre en scène Bonjour, là, bonjour. Pendant plus d’une heure quarante, les répliques fusent de toute part et les comédiens n’ont d’autre choix que de rester sur scène pendant la durée entière du spectacle. Lorraine Côté a su diriger les acteurs de façon magistrale; le rythme est définitivement la force du spectacle. Chapeau également à Patric Saucier qui, peu convaincant dans les premières minutes, offre une interprétation bouleversante et superbe de ce père prisonnier de son rôle d’homme.
Bref, si cet univers de Michel Tremblay est plus sombre et difficile que d’autres textes qu'on lui connaît, Tremblay reste Tremblay dans son art de la répartie; le public, parfois ému aux larmes aura également eu ses fous rires.