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Du 16 au 18 février 2015
Oh les beaux joursOh les beaux jours
Texte : Samuel Beckett
Mise en scène : Marc Paquien
Avec Catherine Frot et Jean-Claude Durand

Disparaissant peu à peu et inéluctablement dans la terre qui la porte, une femme, Winnie, raconte l’éternelle lutte que livre l’être humain face à sa condition, face à son histoire et à son destin.


Collaboration artistique : Elisabeth Angel-Perez
Décor : Gérard Didier
Lumières : Dominique Bruguiere, assistée de Pierre Gaillardot
Costumes : Claire Risterucci
Maquillages : Cécile Kretschmar

Sera aussi présenté à Montréal du 21 au 26 février 2015 au TNM

Production de la Compagnie des Petites Heures (France)


Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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 Critique
Critique

par Francis Bernier


Photo prise sur la page Facebook de La Bordée

Après avoir connu un certain succès en France, la production de La compagnie des petites heures nous présente sa version de la pièce Oh les beaux jours de l'auteur irlandais Samuel Beckett, mettant en scène la célèbre actrice française Catherine Frot (Le dîner de cons, Odette Toulemonde, Chouchou, Les saveurs du palais). En tout, c'est 10 représentations qui sont prévues conjointement au théâtre de La Bordée et au TNM à Montréal.

Il a été assez rare ces derniers temps de pouvoir apprécier un acteur international de la trempe de Frot sur les planches de la vieille capitale, mis à part lors du Carrefour. On avait eu la chance d'assister à la performance de John Malkovich il y a de cela deux ans dans The Giacomo Variations, mais, depuis ce temps, rien. Les attentes étaient donc nombreuses depuis que la venue de Catherine Fort à Québec avait été annoncée. Des attentes qui ont été assurément, pour plusieurs, à tout le moins respectées, et probablement même pour d’autres surpassées, si on en juge la qualité du spectacle présenté et son accueil en salle.

Il faut mentionner que le spectateur se doit d'être réceptif au langage de l'absurde et au style particulier de l'auteur pour pouvoir apprécier pleinement cette pièce de Beckett constituée d'un long monologue de plus d'une heure ; l'action physique y est presque inexistante et tout repose sur le texte et sur le jeu de l'actrice principale.

Winnie est enterrée jusqu'à la taille pour on ne sait trop quelle raison – d'ailleurs, on ne le saura jamais – dans un immense monticule de terre. Elle parle à son mari Willie, qui lui, ne l'écoute pas. La communication n'existe plus depuis longtemps entre eux, malgré tout, Winnie garde sa joie de vivre. Le simple fait de savoir que Willie l'entend la rend heureuse. Chaque jour étant à peu de choses près le même, elle réussit à trouver un certain réconfort, du bonheur, à travers de petits gestes quotidiens comme se brosser les dents ou se mettre du rouge à lèvres. De simples babioles sorties de son sac à main, étendues ici et là devant elle, constitueront la source des discussions qu'elle entreprendra avec Willie. Celui-ci feint de l'entendre, il l'ignore, mais Winnie se plaît à savoir qu'elle existe dans le regard de l'autre. Elle parle pour oublier qu'elle est peut-être seule. Elle parle pour se rappeler qu'elle existe.

Le texte de Beckett ne laisse pas beaucoup de place à l'interprétation pour Marc Paquien. Il signe une mise en scène minimaliste et statique qui s'appuie essentiellement sur le jeu de la comédienne. Catherine Frot, espiègle et toute en intériorisation, est habile et naturelle dans sa livraison du texte. Elle propose une Winnie entre le burlesque et le tragique. Le deuxième acte de la pièce pendant lequel l'actrice est ensevelie jusqu'au cou et ne peut utiliser que son visage pour véhiculer les émotions de son personnage est particulièrement réussi. Alors que la pièce aurait pu s’empêtrer dans la surenchère, la comédienne use avec parcimonie de ses mimiques laissant au texte l'occasion de briller ; elle évite par le fait même de parasiter un jeu scénique qui aurait pu s’avérer trop envahissant.

Oh les beaux jours parle du désespoir en le rendant comique et frappe l'imaginaire dès les premiers instants du spectacle. Une véritable leçon technique de Catherine Frot. Du Beckett comme on devrait en voir plus souvent.

18-02-2015