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Du 10 janvier au 4 février 2017, 19h30, samedi 16h, 31 janvier 13h - supplémentaire 31 janvier 19h30
J'accuse
Texte Annick Lefebvre
Mise en scène Sylvain Bélanger
Avec Léane Labrèche-Dor, Catherine Paquin-Béchard (en remplacement d'Eve Landry), Debbie Lynch-White, Alice Pascual et Catherine Trudeau

J’accuse, c’est cinq monologues vibrants. Il y a la fille qui encaisse, vendeuse de bas de nylon dans une boutique souterraine; la fille qui agresse, propriétaire d’une petite entreprise qu’elle a osé démarrer en contexte d’austérité économique; la fille qui intègre, immigrante essayant de trouver sa place; la fille qui adule, admiratrice sans bornes d’Isabelle Boulay; et la fille qui aime, qui aime trop, qui aime mal. C’est surtout cinq femmes qui luttent contre une société qui les juge. Cinq femmes qui osent crier leur frustration.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène  : Olivier Gaudet-Savard
Décor : Pierre-Étienne Locas
Costumes  : Marc Senécal
Lumières : Erwann Bernard
Musique : Larsen Lupin
Vidéo : Ulysse del Drago
Coiffures et maquillages  : Sylvie Rolland-Provost

Tarif : régulier : 38 $ ; 60 ans et plus : 33 $ ; 30 ans et moins : 28 $
Le premier samedi de chaque production, la paire de billets est au coût de 28 $ pour les 30 ans et moins

Soiréee bordéliques
Dans le but d’appuyer les compagnies de théâtre émergentes de Québec, La Bordée organisera, pour une deuxième saison, des soirées de financement qui leur seront dédiées : les Soirées Bordéliques. Tous les profits de ces soirées seront remis aux compagnies théâtrales et contribueront au financement de l’un de leurs spectacles qui aura lieu au cours de l’année.
 Samedi 24 septembre 2016 – Théâtre Kata (Olivier Arteau-Gauthier)
 Samedi 5 novembre 2016 – Le chien sourd (Gabriel Fournier)
 Vendredi 13 janvier 2017 – La brute qui pleure (David Bouchard)
 Samedi 25 février 2017 – Les Gorgones (Marie-Ève Chabot Lortie)
 Samedi 15 avril 2017 – La Camerata de Bardy (Nicolas Jobin), en association avec la compagnie La Mauderne

Production du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, en codiffusion avec La Bordée


Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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Dates antérieures (entre autres)

Du 14 avril au 16 mai 2015 - Théâtre d'Aujourd'hui

 
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Critique

critique publiée en 2015


Crédit photo : Valérie Remise

Elles sont cinq à venir prendre la parole tour à tour, à nous parler sans s’arrêter, même pour reprendre leur souffle, portées par un instinct de survie qui les pousse à s’exprimer sous peine de craquer complètement. Leurs mots doivent sortir pour exposer des frustrations accumulées, des récriminations et des vérités trop longtemps contenues. Aucune n’est écrasée par le système. Au contraire, on les sent prêtes à se battre jusqu’au bout. D’abord sur la défensive, niant être ceci ou cela par une succession de « ce n’est pas vrai que », La fille qui encaisse (Ève Landry), La fille qui agresse (Catherine Trudeau), La fille qui intègre (Alice Pascual), La fille qui adule (Debbie Lynch-White) et La fille qui aime (Léane Labrèche-Dor) se lâchent peu à peu et finissent par s’ouvrir complètement à nous.

Sylvain Bélanger fait merveille avec un texte aiguisé comme une lame de couteau. Le metteur en scène joue habilement de l’énergie que dégage chacune des comédiennes et de la tension inhérente aux femmes fortes qu’elles incarnent pour donner corps à leurs monologues intérieurs. Si bien que même si elles défilent l’une après l’autre dans un procédé répétitif qui aurait pu lasser, et sur une scène sans artifice, elles nous maintiennent au contraire constamment sur le bout de notre siège tandis qu’elles s’attaquent à la question identitaire, tant nationale que personnelle, sur leur travail qui ne leur permet pas de s’épanouir, sur la place qu’elles ne trouvent pas dans la société et sur leur rapport aux autres.

Dès le premier monologue (joliment servi par Ève Landry, dressée comme un piquet au centre de la scène), on valse avec ces femmes au bord du précipice, respirant à leur rythme. Campées sur leur position, tantôt droites comme un i, tantôt recroquevillées contre un mur, elles finissent par pointer le doigt à leur tour, par accuser les clients irrespectueux, les pauvres, les incultes, ceux qui portent des jugements sur les intérêts des autres, ceux qui repoussent leur amour, ceux qui refusent d’accepter l’étrangère comme une des leurs…


Crédit photo : Valérie Remise

Alors qu’on percevait encore une certaine hésitation dans ses précédents textes, on sent ici Annick Lefebvre en pleine maîtrise de son écriture : pas d’effets de style superflus, mais des mots qui résonnent et se répercutent dans nos esprits.  Avec J’accuse, la jeune auteure propose son texte le plus abouti, le plus inspiré et aussi sans doute le plus personnel ; chaque femme finissant par représenter une facette de l’auteure elle-même. Et son J’accuse, qui brûle d’une flamme intérieure intense, est porté par une distribution à fleur de peau, remarquable, parfaite.

Avec tout près de deux heures au compteur, le spectacle mériterait tout de même d’être un peu resserré, notamment en raison de quelques longueurs, surtout dans les textes de La fille qui encaisse et de La fille qui adule (par ailleurs légèrement en décalage avec les autres textes tant sur le fond que la forme, bien que Debbie Lynch-White soit hilarante). Toutes les comédiennes excellent dans leur rôle, mais Léane Labrèche-Dor et Alice Pascual se démarquent particulièrement. La première, en équilibre précaire sur la pointe de ses pieds et à peine soutenue par une chaise, livre une Fille qui aime tout en fragilité. Sa performance sensible en a ému plus d’un au soir de la première. La seconde, dans un registre plus comique, incarne avec justesse l’immigrante qui essaie de s’intégrer avec toutes les fibres de son être, celle qu’on entend rarement dans les médias québécois, mais qui a tant à dire.

Pas si loin du pamphlet incendiaire du J’Accuse d’Émile Zola, le J’accuse cinglant d’Annick Lefebvre ouvre littéralement une porte sur l’âme de cinq femmes que rien ne lie, sinon un amour inavoué (ou franchement assumé) pour la discographie d’Isabelle Boulay. Une œuvre qui vaut d’être lue, vue ou entendue plus d’une fois.

18-04-2015