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The Dragonfly of Chicoutimi
Du 30 octobre au 24 novembre 2018

À la suite d’un traumatisme, Gaston Talbot perd la parole. Après de nombreuses années, il se réveille… mais ne parle plus qu’anglais. Commence alors le récit de son enfance pour tenter de comprendre ce qui lui est arrivé. Et qui il est.

Larry Tremblay, auteur du magnifique roman L’orangeraie, est l’un des écrivains les plus singuliers du théâtre québécois. Chacune de ses pièces est une expérience en soi. Avec The Dragonfly of Chicoutimi, il explore le thème de l’identité comme personne ne l’avait fait avant lui, en écrivant une pièce en français… avec des mots anglais !


Texte Larry Tremblay
Mise en scène Patric Saucier
Interprétation Jack Robitaille et Sarah Villeneuve-Desjardins


Crédits supplémentaires et autres informations

Décor : Vanessa Cadrin
Costumes : Dominique Giguère
Lumières et vidéo : Keven Dubois
Musique : Emilie Clepper
Crédit photo Guillaume Simoneau

6 novembre - mardi-rencontre

Mardi au samedi 19h30, sauf deux dernier samedis 16h
L'heure de la représentation du 3e mercredi est variable (13h ou 19h30). Consultez www.bordee.qc.ca pour l'horaire à jour

TARIFS
Régulier : 38 $
60 ans et plus* : 33 $
30 ans et moins* : 28 $
Le deuxième samedi de chaque production, la paire de billets est au coût de 28 $ pour les 30 ans et moins.

* Une pièce d’identité sera demandée lors de l’achat et/ou lors de l’entrée en salle.
Les tarifs incluent les frais de service et les taxes.
Possibilité de changer de date jusqu’à 24h d’avis à la billetterie. Des frais de 3 $ par billet s’appliquent.
Aucun remboursement sur les billets.

Une production de La Bordée


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Critique disponible
            
Critique

Après des années de silence et de dépression causées par un traumatisme, Gaston Talbot sort tout à coup de son mutisme. Il nous fait part de son enfance, ressasse des souvenirs troubles à Chicoutimi, alors qu'il jouait dans la forêt et près de la Rivière-aux-roches, et ce, en truffant les faits de mensonges et en entremêlant le tout d’extraits de son chamboulant rêve où il se transforme en libellule. Par contre, depuis son réveil, il ne s’exprime qu’en anglais, bien qu’il conserve une syntaxe manifestement francophone. Le texte The Dragonfly of Chicoutimi, entièrement en anglais (mais tout à fait compréhensible par quiconque), écrit par le dramaturge Larry Tremblay au milieu des années 90, reflète le désarroi identitaire d’un Québécois et ses répercussions psychologiques.






Crédit photos : Nicola-Frank Vachon

Dans cette production de la Bordée, la mise en scène de Patric Saucier accentue la plongée dans l’intimité de Gaston Talbot (Jack Robitaille). De plus, la petite superficie de l’espace de jeu ajoute à l’atmosphère de confidence. Les planches de bois aux extrémités rondes utilisées pour la composition de la structure du plancher rappellent les bâtonnets de popsicles que Gaston collectionnait pour en faire des sculptures. Les photos projetées un peu partout sur les murs représentent différents moments de sa jeunesse et ses états d’âme. L’effet, très onirique, permet de faire naviguer le public littéralement dans l’esprit de Gaston Talbot. Malheureusement, les effets visuels de la scénographie – superbes, soit  dit en passant – n’apparaitront pas aussi nettement pour tous les spectateurs. Par exemple, lorsque le décor s’incline vers l’avant, passé la moitié de la représentation, la structure, alors imprécise en arrière-scène, devient le toit de la maison d’enfance du personnage ; un effet visuel qui se manifeste entièrement qu’en étant bien assis au centre de la salle. Alors que le texte, à l'origine, était destiné à un seul acteur, Patric Saucier fait le pari de matérialiser la mère sur scène. Le côté schizophrénique du personnage - Gaston interprétait alors tous les personnages de ses souvenirs et de son rêve - prend une tangente plus onirique. Tout sur scène se manifeste comme dans l’esprit du personnage, tel que son imagination l’avait conçu dans son rêve ; sa mère (magnifique Sarah Villeneuve-Desjardins, alors sur des échasses), menaçant son fils, le traitant de « son of a bitch », un couteau géant à la main, a une posture tellement intimidante qu’elle en devient surréaliste.

La cohabitation linguistique n’a-t-elle pas toujours cet aspect dominant-dominé ? La production est ainsi à la fois douce et percutante, comique et dramatique.

L’interprétation de Jack Robitaille est d’une justesse épatante ; il joue à merveille le conflit interne de son personnage, naviguant entre l’enfance et l’âge adulte. On perçoit l’agitation qui habite Gaston dans le contraste de ses émotions. Lorsqu’il raconte ses histoires, il aborde un air candide très émouvant et se montre euphorique. Pourtant, certaines de ses paroles laissent entrevoir une profonde colère et une certaine tristesse. « My childhood was surely a big success », se répète-t-il dans ce qui semble être une chambre d’hôpital, avant de soupirer, un peu plus tard ; « Why am I a liar ? ». On lui découvre peu à peu une certaine animosité inavouée envers la supériorité de l’anglais sur le français, laquelle découle peut-être des ordres qu’il recevait de son meilleur ami, fils de militaire, qui s’amusait alors à le ridiculiser, le rabaisser, l’humilier.

Les chansons françaises entonnées par une Sarah Villeneuve-Desjardins bien en voix, souvent guitare à la main, dégagent une touchante nostalgie. D’autres enregistrements se font entendre au cours de la représentation, produits par la chanteuse Emilie Clepper. Pour la dernière scène, Gaston Talbot se met lui aussi à chantonner un air français, soit J’attendrai, de Tino Rossi ; premier pas vers, qui sait, une certaine rédemption. Le masque identitaire qu’il s’était constitué finit par craqueler.

Malgré que la pièce de théâtre ait été écrite à l’époque du référendum de 1995, à un moment de notre histoire où l'on notait encore un profond clivage des langues au Québec, les inquiétudes et les interrogations que The Dragonfly of Chicoutimi soulève sont toujours actuelles, tout en était différentes. Même si l'on peut accéder à des postes de direction en ne parlant que français, chose impossible il y a encore une quarantaine d'années, notre époque de globalisation et de mondialisation nous donne l’impression que l’anglais est nécessaire, voire inévitable. Langue du « business » et du « showbizz », l’anglais s’avère omniprésent. La cohabitation linguistique n’a-t-elle pas toujours cet aspect dominant-dominé ? La production est ainsi à la fois douce et percutante, comique et dramatique. Sa force de prégnance quant à l’enjeu de la langue s’avère réellement surprenante ; elle nous encourage, bien que la pièce ne soit pas explicitement engagée politiquement, à repenser à l’importance culturelle de notre langue française et de notre parler québécois.

03-11-2018


 
La Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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