Dans une salle de classe poussiéreuse, un professeur au regard impérieux donne une leçon imprécise. Dans les mains des spectateurs, des manuels scolaires passent en revue les aphorismes du recueil Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille de Tiqqun. Le public est guidé à travers une sorte de lecture dirigée et obligatoire du manuel où se coordonnent poésie sonore, performance, danse, quatuor à cordes et muséologie.
Le spectacle se déroule comme une journée d’école ponctuée par les cloches, les périodes de lecture, les devoirs, la récréation, les consignes et les règlements. Les « performeurs-écoliers » tentent l’impossible pour faire la démonstration du concept de « Jeune-Fille » mis de l’avant par Tiqqun et dressent un portrait souple et poétique d’une réalité philosophique dense et complexe.
Cette nouvelle création du Bureau de l’APA se construit autour du recueil d’aphorismes Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille de Tiqqun, publié pour la première fois en 1999. Tiqqun est le nom sous lequel a été publié différents ouvrages philosophiques condamnant la société marchande actuelle que l’être humain alimente et subit à la fois. En choisissant de porter les mots de Tiqqun et d’y unir sa propre prise de parole, le Bureau de l’APA pose un geste politique évident.
Cartes Prem1ères
Date Premières : 12 et 13 novembre 2010
Régulier 26$
Carte premières : 13$
Bureau de l’APA - En coproduction avec Recto-Verso
par Sophie Vaillancourt Léonard
Il faut sans aucun doute être témoin de La Jeune-Fille et la mort plusieurs fois pour arriver à en cerner toutes les subtilités. Présenté à la salle Multi de la coopérative Méduse jusqu’au 13 novembre, par le bureau de l’APA – structure indisciplinée et intelligente, dont le mandat consiste à générer des créations artistiques multiformes répondant largement et spécifiquement à la question : comment ce qui fait du sens fait-il sens ? – La Jeune-Fille et la mort ne peut pas être résumée où expliquée. Elle peut être perçue, comprise, acceptée ou refusée par ceux et celles qui la reçoivent, tout simplement.
Munis d’un manuel scolaire présentant les aphorismes du recueil Premier matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille de Tiqqun (revue philosophie française fondée en 1999 et animée par divers écrivains), le spectateur entre dans une salle de classe vraisemblablement livrée à elle-même. Pendant l’heure et quart que durera le spectacle, l’auditoire, devenu élève, se verra donner une véritable leçon qu’il devra suivre au gré des pages du dit manuel. Poésie sonore, danse, performance, La Jeune-Fille et la mort est une œuvre d’art à tous les niveaux. Livrée comme lors d’une journée d’école, avec ses cloches et ses récréations, la leçon est des plus éclatées; donnée dans le lieu de la socialisation par excellence, elle jette en plein visage de ceux qui la reçoivent tous les concepts, clichés et toutes les aberrations dont la société afflige la Jeune-Fille. Souvent à un rythme effréné, les « performeurs » gavent le spectateur d’informations, de choses à retenir, à voir, à entendre, mais surtout, à comprendre, à consommer, comme un professeur à ses étudiants.
Les créateurs et performeurs de La Jeune-Fille et la mort misaient haut et gros. Fine était la ligne pour ne pas tomber dans le trop, la surstimulation du spectateur, l’anéantissement de la qualité par la quantité. Mais voilà justement ce qui en fait une réussite. Laurence Brunelle-Côté et Simon Drouin ont non seulement su doser sans minimaliser, ils ont également su s’entourer d’extraordinaires artistes, dont Simon Elmaleh, musicien électro-acousticien, pour n’en nommer qu’un seul.
Si « La Jeune-Fille sait trop bien ce qu’elle veut dans le détail pour vouloir quoi que ce soit en général », La Jeune-Fille et la mort est une réussite dans ses moindres détails, comme dans sa globalité.