Assistance à la mise en scène : Adèle Saint-Amand
Scénographie : Jean-François Labbé
Musique et environnement sonore : Mathieu Campagna
Lumière : Martin Sirois
Aussi à La Chapelle, Montréal, du 22 au 26 janvier 2013
Une production Théâtre Péril, en codiffusion avec les Productions Recto-Verso
Salle Multi de la coopérative Méduse
591, rue de Saint-Vallier Est
billets disponibles sur le réseau lepointdevente.com
Dates antérieures (entre autres)
Du 4 au 7 juin 2009, Carrefour
par Nadia Gosselin
Adaptée d’un roman de Mathieu Arsenault, Vu d’ici est une pièce de théâtre virulente qui vous empoigne par le collet et vous secoue rudement. Si vous pensiez vous asseoir au théâtre comme on s’écrase mollement devant son écran de télévision pour se laisser divertir, le protagoniste de la pièce aura tôt fait de vous détromper et de vous extirper de votre torpeur.
C’est dans son costume de cravaté pantouflard que s’avance le personnage de Jocelyn aux commandes de son large carrosse, authentique panier de supermarché jaune soleil débordant d’objets hétéroclites. Poêle, frigo, divan et télé meublent son espace de vie. Il les nommera, répètera leur nom comme une véritable incantation rassérénante. L’individu se complait dans ses possessions, ses facilités, sa normalité. La consommation est devenue religion. À la radio, dans les journaux, à la télévision, on prêche les vertus du capitalisme, symbole de sécurité et de réussite. Il s’en trouve prisonnier, a grand besoin de forcer une brèche pour mieux respirer. On se reconnaît de toute évidence en lui. Jocelyn devient par la force des choses notre alter ego. Sa diatribe contre le matérialisme et l’avilissement de l’homme devant la dictature des médias le conduira au désordre nécessaire duquel doivent naître éventuellement l’ordre, le sens et la cohérence dont il a besoin pour se reconstruire une identité propre. Pour l’heure, il est près de la folie, aussi s’engage-t-il dans un délire de réflexions étourdissantes qui lui permettent de clamer sa pénible impression de ne plus exister autrement qu’en tant que public cible, cote d’écoute, clientèle, consommateur, électeur et payeur de taxes. Il s’avère dépouillé de sa singularité et affublé de rôles qui n’ont de fonction que celle de faire rouler perpétuellement la machine infernale de l’économie.
Présentée sous forme de long soliloque aux propos aussi éclatés que convergeant vers un seul et même constat, cette gigantesque défragmentation du cerveau banlieusard éclabousse les idées reçues et interpelle l’assistance jusque dans les linéaments de son inconscience. Le spectateur, happé par des vérités toutes crues, se voit sondé par un protagoniste clairvoyant qui, prenant conscience de sa propre réalité, nous renvoie sans ménagement à la nôtre.
Vu d’ici met en scène une crise d’identité et de sens dont l’actualité se renouvelle sans cesse au gré de la multiplication des conflits sociaux, des enjeux économiques et politiques ainsi que des messages outrageusement standardisés et stéréotypés des médias.